Le chef du gouvernement s'est exprimé, mercredi soir sur les chaînes de télévision nationales, pour expliquer l'augmentation des prix du carburant. Benkirane déclare sa volonté d'assumer le prix des réformes. [benkirane] C'est la première fois qu'Al Aoula et 2M co-animent une émission diffusée simultanément sur les deux chaînes nationales. «Nous devons choisir entre le populisme et le stratégique. Nous risquons d'être des égoïstes en optant pour le premier. Alors, nous ne pouvons que faire un choix stratégique même s'il est amer et douloureux ». Le député du PJD, Aziz Benbrahim, légitime ainsi la décision du gouvernement d'augmenter les prix du carburant, ayant fait l'objet principal de la première sortie médiatique de Abdelilah Benkirane. Mercredi à 21h45, le chef du gouvernement s'est exprimé en direct sur les deux chaines simultanément, Al Aoula et 2M, ainsi que sur la chaine de Laâyoune, une première. Et c'est à sa demande que les chaînes publiques ont joué au jeu des questions-réponses. Il s'agissait pour le chef du gouvernement de s'expliquer sur les raisons de cette augmentation ayant suscité, selon les observateurs, « un choc social inattendu ». Pilule amère Depuis samedi 2 juin, les prix du carburant ont augmenté d'environ 20 % pour l'essence et 10 % pour le gazole. Concrètement, le consommateur paie 2 dirhams de plus le litre d'essence et 1 DH supplémentaire pour le gazole. Si la pilule amère a du mal à être digérée, Benkirane se dit, toutefois, convaincu par cette alternative « inéluctable » dont il a tenté de persuader l'opinion publique en décrivant une crise financière sans précédent. Pour cela, Benkirane a, d'abord, souligné le rôle et surtout la grosse pression que représente la caisse de compensation dans le maintien de l'équilibre socio-économique. Preuve à l'appui, le chef du gouvernement a même donné les détails de la facture salée que cela impose à l'Etat. À titre d'exemple, la participation de la caisse de compensation dans le gaz butane se chiffre à environ 12 MMDH. « Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que la caisse de compensation a été mise en place pour soutenir les démunis (...) À présent, sa réforme revendiquée depuis longtemps devient une urgence », déclare Benkirane. Et de reconnaître que son rôle en tant que chef du gouvernement n'est pas de maintenir sa cote de popularité. Contrôler pour réformer « Je n'ai pas à être le chef du gouvernement si je n'exécute pas les réformes nécessaires. Nous devons pour cela contrôler la caisse de compensation à laquelle nous avons consacré 32,5 MMDH. Et par contrôle, je veux dire qu'il ne faut pas que cette caisse dépasse son budget », explique Benkirane soulignant que l'Etat est contraint de combler l'écart. Maintenir mais aussi réorienter la caisse de compensation vers sa première cible, les démunis, c'est ce qui préoccupe le chef du gouvernement dont la volonté est de parvenir progressivement à « rééquilibrer financièrement » la société et de mettre fin à la caisse de compensation. « Nous avons hérité d'un Maroc au bord de la crise cardiaque. Parmi les erreurs constatées : la généralisation de l'augmentation des salaires de 600 DH à l'ensemble au lieu de la consacrer uniquement aux catégories vulnérables dont celles qui ne perçoivent que le SMIG », indique Aziz Benbrahim. Rattrapage Auprès des membres de la Chambre des conseillers, la sortie médiatique de Benkirane remet surtout en question l'équité quant au droit de passage à la télévision. « La gauche devra elle aussi disposer d'un temps égal à celui du chef du gouvernement afin d'expliquer aux citoyens son point de vue », remarque Abdelmalek Aferiat, membre du groupe fédéral. Pour rattraper l'oral de Benkirane à la Chambre des conseillers, reporté mardi dernier, le chef du gouvernement sera l'invité d'une rencontre spéciale avec les conseillers le mercredi prochain à 10h. 3 QUESTIONS À … [khalil-Mharfaoui]Khalil Mgharfaoui Universitaire, expert en communication. Comment le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, communique-t-il avec les citoyens ? C'est une communication différente qu'adopte Abdelilah Benkirane par rapport aux modèles que le Maroc a connu. Avant, c'est une langue de bois qu'utilisaient les politiques. Benkirane, lui, il a sa manière de faire, une griffe si l'on peut dire, marquée par la spontanéité dont il a pleinement conscience d'ailleurs. Lorsqu'il parle, il s'adresse aux Marocains, aux ouvriers et aux ménagères, avec une langue compréhensible à la portée des gens simples. Benkirane a un discours affectif dans lequel il relate des situations concrètes. Et son discours terre à terre peut sembler choquant mais il est efficace. Pensez-vous que nos politiques suivront son exemple ? Les plus intelligents feront cela. Jusque là, nous étions face à deux catégories de communication politique dont la première était de couper le pont avec les citoyens. Benkirane a choisi, face aux problèmes, de parler aux citoyens. Lors de sa sortie médiatique du mercredi soir, il s'est livré à un monologue pour s'adresser aux gens et tenter de les convaincre. Le succès des politiques, c'est de convaincre et au Maroc il est temps d'assimiler que le jeu a changé. Les politiques n'ont plus le choix que de quitter leur haute sphère. Quel constat faites-vous de la communication non-verbale du chef du gouvernement ? C'est une gestuelle de spontanéité totale. Il lui reste beaucoup à faire de ce côté, parce que la posture communique autant que les paroles. Ses grimaces et le fait de se gratter le nez, par exemple, en direct, ne traduisent pas une bonne image. Un homme politique doit consulter un coach en communication et un sociologue. * Tweet * * *