A l'occasion du 1er tour des élections législatives françaises, le candidat du Parti socialiste, Pouria Amirshahi, est arrivé en tête dans la 9e circonscription des Français à l'étranger avec 47,3 % des suffrages. Entretien. Vous êtes arrivé en première position dans la 9e circonscription, loin devant les autres candidats. A quoi attribuez-vous ce score ? D'abord à la cohérence des électeurs, qui veulent confirmer le choix du changement exprimé le 6 mai en élisant François Hollande, président de la république. Nos compatriotes ont bien conscience que pour réussir dans la justice et le progrès, le président a besoin d'une majorité large. Ensuite, l'adhésion à nos propositions qui sont cohérentes sur l'ensemble des circonscriptions des Français de l'étranger. Qu'il s'agisse de la fin de la hausse des frais de scolarité, de la mise en place d'une véritable protection sociale, d'une stratégie d'accompagnement de nos entreprises ou encore d'une autre politique de coopération. Enfin, l'attachement à une certaine idée de la citoyenneté française qui ne saurait être distinguée en fonction de nos origines ou de nos « apparences », la volonté de tourner la page UMP qui a été marquée par 5 années de divisions. L'image de la France en a beaucoup pâti. En se rassemblant, les Français peuvent faire de grandes choses. La bi-nationalité ou encore les couples mixtes sont une chance pour tous. Les Français de l'étranger ne sont pas des problèmes, ce sont les meilleurs ambassadeurs de la tolérance. Avec près de 800 volontaires au Maghreb et en Afrique de l'Ouest, nous avons mené une belle campagne de terrain. Je me suis rendu moi-même dans 36 villes à travers la circonscription et animé 47 réunions publiques. Malgré la difficulté d'une circonscription aussi étendue, rien ne remplace le contact réel avec les gens. C'est la première fois qu'on élit un représentant des Français de l'étranger, comment comptez-vous définir votre rôle ? Il va falloir être présent sur le terrain et à l'Assemblée nationale. J'ai donc pris l'engagement de tenir des permanences parlementaires trimestrielles et de faire une tournée annuelle pour dresser un compte-rendu de mandat. Tout comme j'ai décidé d'avoir dans mon équipe une personne exclusivement chargée des dossiers de la circonscription. Enfin, je dispose des relais permanents indispensables : les élus à l'assemblée des français de l'étranger, dont Martine Vautrin Djedidi qui est ma suppléante ou encore Bérangère El Anbassi qui est élue au Maroc. Cela permettra un bon équilibre entre travail parlementaire et travail de terrain. Et puis, en tant que secrétaire national du Parti socialiste, je crois être connu et reconnu par les membres de notre gouvernement et de nombreux (futurs) parlementaires. Cela ne donne pas de passe-droits, mais c'est utile pour être écouté. On en aura besoin car, pour tout le monde, nos circonscriptions sont une absolue nouveauté. C'est pourquoi il faudra faire de ce mandat un mandat utile, inscrit dans l'action de la majorité présidentielle et non repliée dans une opposition qui entre dans une guerre des chefs. L'abstention a été forte, 24 % seulement des électeurs s'étant exprimés. Comment voyez-vous le second tour ? Déjà, la participation était plus faible lors des élections présidentielles. Ensuite c'est la première fois qu'on élit des députés représentant les Français de l'étranger, il faut laisser le temps à l'habitude de s'installer. De plus la taille de la circonscription rend la tâche difficile comparée à celles de France. Enfin, et surtout, il y a eu une grande confusion sur les dates entre celle du 3 (1er tour à l'étranger) et du 10 juin (1er tour en France). Heureusement, le second tour est à la même date : le 17 juin. Je suis confiant sur la participation. Les Français de l'étranger ont des questions précises et concrètes, comme le montant de la scolarité qui est jugé exorbitant, que leur proposez-vous en cas d'élection ? Les socialistes comptent mettre fin à la sélection par l'argent comme c'est le cas depuis 5 ans. Plus de 40% d'augmentation des frais d'écolage ! Nous allons affecter les 37 millions d'euros que l'UMP avait réservé à seulement 2% des familles à l'ensemble des familles modestes et de classes moyennes pour qu'elles aient accès à des bourses plus importantes. Mais il faudra aller plus loin en réformant le système des écoles françaises et donner au Ministère de l'Education Nationale son véritable rôle dans son pilotage. Le premier dossier que je compte traiter est celui des frais supplémentaires que je considère totalement injustifiés, comme le financement par les familles des travaux immobiliers. Il est anormal que les usagers aient à payer l'entretien de bâtiments qui appartiennent à l'Etat français. Vincent Peillon a également annoncé que la formation des enseignants serait rétablie. Dire que nous devons remettre en place des choses aussi évidentes que celle-là… Que de temps perdu, que de dégâts ! Dans le monde scolaire mais aussi en ce qui concerne le redéploiement consulaire ou les instituts français, je compte demander au gouvernement qu'il réponde à la demande de revalorisation des personnels en contrat de droit local et qui ne bénéficient pas des mêmes droits que ceux qui sont titulaires. Car on ne peut pas avoir des prestations de qualité par des personnes dont le statut est fragilisé. Il ne s'agit pas forcément d'un alignement sur les contrats des expatriés mais sur les droits associés. En tout cas, nos compatriotes pourront compter sur mon soutien actif. Autre chantier qui vous attend, celui de la couverture sociale. Il faut agir tout de suite. Nous devons utiliser les réserves de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) pour réduire la période de carence et baisser le montant de l'adhésion mais surtout pour améliorer les prestations. Pour ce faire, je propose de faire adhérer la CFE à un réseau mondial d'assurances, que je préférerais mutualiste, pour des raisons de valeurs. 2,5 millions de français à l'étranger c'est un marché captif qui ne doit pas être négligé. C'est dans ce sens que j'ai en parlé avec les représentants de la Mutualité française que j'ai sollicitée pour en discuter avec la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Je mettrai cette question en chantier très tôt. Nos compatriotes savent que les réponses à certaines questions prendront du temps ; mais ils me reprocheraient à juste titre de ne pas tout faire pour avancer dans le sens du progrès et de la justice. Quel message souhaiteriez-vous livrer aux électeurs d'une part et aux abstentionnistes d'autre part ? Il faut être nombreux à voter pour donner du poids à son député et montrer que les français de l'étranger sont nombreux et qu'ils se considèrent comme Français à part entière. Je lance un véritable appel à la mobilisation dans ce sens. Au-delà des « problèmes », il faut aussi parler des français de l'étranger dans ce qu'ils apportent, à la France comme aux pays de résidence : si la relation d'Etat à Etat est importante, les coopérations de demain passeront aussi par les sociétés civiles. C'est même la condition de la démocratisation : entre universités, entre entreprises, entre mouvements de défense des droits de l'Homme et de la Femme, entre collectivités locales. Et c'est là que nos compatriotes agissent. Les Français de l'étranger sont partie prenante des enjeux stratégiques nouveaux. Les représenter à l'Assemblée nationale leur donnera un éclairage positif, loin des clichés sur les « exilés fiscaux ». Ceux-là, on les trouve en Suisse, pas ici. Je voudrais remercier tous les candidats qui ont fait de la campagne un espace de discussion de bon niveau et ceux qui ont d'ores et déjà annoncé leur soutien à ma candidature pour le second tour. Je voudrais également m'excuser pour tous les nombreux messages que nous avons tous envoyés par mails mais c'était souvent le seul moyen de nous adresser au plus grand nombre. Je sais que, si certains sont restés informés grâce à cela, d'autres ont vécu une « overdose » (Rires). On essaiera d'améliorer cela la prochaine fois. Enfin, je voudrais remercier les médias de la circonscription, qui ont montré un intérêt réel pour cette campagne et qui ont permis que le débat vive et que l'information soit portée auprès du plus grand nombre. * Tweet * * *