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Les autoportraits rêveurs de deux écrivains français nés en Tunisie
Publié dans Le Soir Echos le 04 - 06 - 2012

Le mystère que sont les livres nés du besoin de tirer au clair l'énigme intérieure, voici comment deux écrivains en explorent, chacun à sa manière les tenants et les aboutissants : ils confectionnent le livre pour s'y chercher et tâcher de ne pas s'y perdre ; ils nous parlent pour mieux s'entendre avec eux-mêmes et c'est à partir de l'enfance exhumée qu'ils consolident la commune stupeur et la grâce d'exister en affrontant des peurs et des désirs anciens, un faisceau d'alliances et de répudiations, des bouffées d'angoisse et des moments d'accomplissement. J'ai ainsi lu Aujourd'hui, de Colette Fellous (Gallimard, 2005) où l'appartenance au genre romanesque n'est pas promise en couverture et Raphaël et Raphaël (Flammarion, 2012) qui arbore le mot roman sous le titre et se donne à lire comme une autoanalyse immergée dans les fastes et les risques de l'imagination tandis que résiste le besoin de se comprendre lucidement. Ce sont deux beaux livres de conquête d'une éventuelle paix intérieure, deux livres appelés par les paysages et les gens de l'enfance par deux écrivains qui ont en commun d'être nés en Tunisie et d'avoir le goût et l'expérience du monde à travers maintes villes visitées, maintes rémanences auscultées. Aujourd'hui de Colette Fellous fait parler des photographies et leur donne la répartie. La photographie cruciale est à la page 134 : « Le nouveau locataire à la fenêtre, 41 avenue de la Liberté, deuxième étage, Tunis 1973. Il me dit au revoir. Il n'a pas compris pourquoi je voulais tout photographier. Il était surpris et amusé. Je n'ai pas pu lui dire que je ne le savais pas moi non plus. Aujourd'hui, je le sais ». Peu de portraits de père et de mère dans la littérature immédiatement contemporaine m'ont semblé aussi émouvants, aussi tendres et loyaux que ceux que Colette Fellous dresse des siens. Il me faut évoquer des pages dédiées au souvenir de son père par Hélène Cixous pour retrouver quelque chose de cette tendresse intacte et comme pulsatile qui donne au lecteur le sentiment de connaître ainsi celui qui nous est évoqué. Le prodige auquel parvient Collette Fellous, c'est d'installer sur la page le souffle des vivants et des morts. Elle réussit, par ailleurs, à habiter son livre de toute sa voix et de toute sa vie à elle sans jamais donner l'impression de sacrifier au narcissisme ou à l'égocentrisme. Les ponts obsèdent les deux écrivains. René de Ceccatty qui a cotraduit avec Ryôji Nakamura un nombre impressionnant de chefs-d'œuvre anciens et modernes de la littérature japonaise cite ces vers anciens: « Quelle horreur, sur le pont suspendu de Kiso, / Dès que je mets le pied, je risque de tomber ! » et commente l' « image symbolique, celle du petit pont de fortune, fait de bûches ficelées entre elles et qui, par sa rondeur instable, menace le voyageur d'une chute dans l'abîme que pourtant il permet seul d'enjamber ».
Cette « annonce du vertige », les vrais livres l'assument comme c'est le cas avec Aujourd'hui et Raphaël et Raphaël. Colette Fellous écrit : « J'aime perdre l'équilibre, danser sur un pied, hurler des chansons idiotes, j'aime les voix cassées, les terrains vagues, l'odeur des Landes, les dunes de Dammarth... » et elle se souvient des « parisiennes fermées, sa nuit de noces comme aussi bien le mur de la chambre et délices de ma peur, proverbes en arabe dans la bouche sombre des parents, murmure du sorgho en train de cuire à feu si doux qu'il est au bord de s'éteindre... ». Aujourd'hui et Raphaël et Raphaël sont de ces livres qui n'auraient pas vu le jour sans l'obstination des auteurs à se déchiffrer comme palimpsestes. L'un comme l'autre ont entendu l'appel de la plage, dans leur prime jeunesse, et c'est l'appel de la page qui leur permet de recueillir l'écume des jours, le souvenir des amours tandis que le souvenir d'un pont de bois, chez René de Ceccatty, « symbole japonais de la fragilité de tout amour et du danger de le raconter », mène le narrateur, in fine, à « trouver des subterfuges » pour continuer à espérer, la conclusion d'Aujourd'hui, c'est qu'il faut continuer de revenir là où l'on naquit. Ce retour, c'est précisément l'ouverture de Raphaël et Raphaël : « Parfois un flot de chansons orientales était vomi par une fenêtre où se balançait le tulle rose et doré d'un rideau, et un cri d'enfant en troublait la placide mélopée ». L'attention subtile aux masque et aux visages du monde unit ces deux livres, le lyrique Aujourd'hui de Colette Flous, plus sensuel, tandis que René de Ceccatty poursuit intensément avec Raphaël et Raphaël sa conquête d'un territoire du récit où l'autobiographie et l'imagination sont sommées de gagner la partie, ensemble. D'innombrables tours et détours nourrissent sa conversation avec la vie, un art qui est aussi précisément, celui que pratique Colette Fellous dans Aujourd'hui, pas si éloigné, au fond, du chant soufi de M'hamed, à Tanger, la voix du jeune homme contenant déjà, nous dit-elle, l'histoire de tant de visages éparpillés dans le monde.

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