Si Répulsion compte aujourd'hui parmi les films majeurs de son auteur, Roman Polanski n'avait pas d'autre intention à l'époque de sa réalisation que d'en faire un petit film d'horreur, avec pour objectif de terrifier le plus large public possible. Un peu comme l'avait fait, quelques années plus tôt, Hitchcock avec Psychose, autre projet de petit film devenu grand. Après un premier long métrage tourné en Pologne, Le couteau dans l'eau, Polanski jouit d'une certaine attention internationale (nomination à l'Oscar du meilleur film étranger en 1964) et s'installe alors à Paris puis à Londres. Le Swinging London bat son plein tandis que la Nouvelle Vague française influence les jeunes cinéastes du monde entier. Polanski rencontre des producteurs de films vaguement érotiques et les persuade de tourner un projet horrifique, coécrit avec son complice Gérard Brach. Ce sera Répulsion, l'histoire de la lente décomposition mentale d'une jeune fille, interprétée ici par la très jeune et très belle Catherine Deneuve, alors vedette montante du cinéma français. Selon Polanski, « il leur fallait un film d'horreur... Ils ont eu le paysage d'un cerveau ». Une jeune manucure belge, Carole (Catherine Deneuve), travaille et vit à Londres avec sa sœur Hélène (Yvonne Furneaux). Carole, introvertie, a des problèmes relationnels avec les hommes. Elle repousse Colin (John Fraser), qui la courtise et n'apprécie pas Michael, l'amant de sa sœur. Quand celle-ci part avec Michael, Carole sombre progressivement dans la névrose. Recluse, elle bascule dans la schizophrénie, et devient hantée par des bruits... Répulsion est le départ d'une trilogie thématique qui sera suivie par Rosemary's Baby (1968) et Le Locataire (1976). Depuis le début de sa très longue carrière (près de 50 ans bientôt), Polanski n'a eu de cesse de disséquer la noirceur de l'âme humaine. La mise en scène de Répulsion est un modèle de précision et Deneuve est excellente tout au long de cette graduelle montée des nerfs. Le démarrage du film est lent et Polanski prend le temps de décrire dans les détails de l'univers banal de Carole, au risque de déconcerter le spectateur. Le film va ensuite basculer petit à petit dans l'étrangeté avant de devenir carrément effrayant. Le travail sur la bande son est d'ailleurs remarquable. Le moindre bruit d'une mouche qui vole, d'un téléphone qui sonne ou d'une goutte d'eau contribuent à rendre l'atmosphère encore plus oppressante. Deneuve, dans la peau de cette jeune femme introvertie dont la folie va apparaître progressivement, se révèle à la fois fragile et angoissante. Cloîtrée dans son propre univers mental, elle endure mal son environnement qui la remplit de terreur. Polanski ne tente à aucun moment d'expliquer ce qui arrive à son héroïne, femme victime des pressions environnantes. La dernière partie du film, de loin la plus bizarre, vient faire ce constat implacable, et poser une frayeur ultime. Et si, au fond, la folie était naturelle, cachée en nous depuis toujours, sans que nous n'ayons pu jamais la déceler, et qui peut surgir n'importe quand sur la base d'un simple fait déclencheur ?