Une enquête vient d'être diligentée par le gouvernement pour savoir si des ententes sur les prix de l'insuline existent bel et bien dans le secteur pharmaceutique. L'information nous a été confirmée par Mohamed Najib Boulif, ministre délégué auprès du chef de gouvernement chargé des Affaires générales et de la gouvernance, qui vient d'envoyer des enquêteurs entendre les trois laboratoires qui produisent l'insuline au Maroc à savoir Sothema, Laprohan et Polymédic. « Cette enquête fait suite à de multiples doléances des professionnels qui opèrent dans le secteur. Suite à la demande du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, nous avons lancé cette enquête pour avoir une idée précise de ce qui se passe. L'enquête suit son cours normal », nous déclare Najib Boulif. Serait-ce la fin d'un feuilleton qui a duré plusieurs années et dont les principaux protagonistes se rejettent la responsabilité ? C'est en tout cas ce que laisse entendre Boulif, qui nous révèle que l'origine de cette polémique n'est que le rapport du Conseil de la concurrence, qui a levé des soupçons sur une entente des prix entre Sothema et Laprophan, dans le seul but d'évincer Polymédic. Abus de position dominante Pour rappel, le Conseil de la concurrence avait soulevé, dans un rapport d'analyse sur le secteur pharmaceutique, plusieurs anomalies. « Il n'est pas rare que des princeps arrivent à souffler des marchés à leurs génériques en soumissionnant à des prix encore plus bas que ceux des génériques. Ceci pourrait s'expliquer par une volonté de barrer la route à leurs concurrents à tout prix en recourant au dumping. La plainte de Sothema contre Laprophan, auprès du Conseil de la concurrence, et la médiatisation qui s'en est suivie, en est le meilleur exemple », déclarent les rapporteurs du Conseil. Pour ajouter « Sothema a en effet accusé Laprophan de dumping parce qu'il s'est fait souffler un marché public de 52 millions de dirhams. Sothema a proposé un prix de 23 dirhams pour le flacon de 10 ml contre 19 dirhams pour son concurrent Laprophan ». En effet, cette accusation a été entreprise par Sothema en octobre 2010, via la Chambre de commerce et d'industrie de Casablanca, pour dénoncer « l'abus de position dominante de ses concurrents en pratiquant des prix prédateurs et du dumping ». Le verdict du Conseil de la concurrence n'a pas tardé en tombant comme un couperet pour Omar Tazi, PDG de Sothema. Le conseil a dénoncé une manipulation de la part du laboratoire marocain, tout en réfutant le scénario de dumping. Le Conseil va même plus loin en dénonçant des ententes des prix de la part des deux laboratoires leaders dans ce segment. Chose qui n'a pas plu à Tazi, qui a communiqué largement sur cette affaire en tirant à boulets rouges sur Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence. Quand Benamour fait appel à Benkirane Dépassé par ces événements, Benamour a lancé un appel au Chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, en lui recommandant de se pencher sérieusement sur cette situation pour le moins anormale. Chose qui a été prise au sérieux par Benkirane, d'où le lancement de cette enquête par Nabij Boulif. De plus, l'enjeu dépasse la sphère commerciale et impacte directement le consommateur marocain. « Les prix de l'insuline chez les pharmaciens (85 à 196 dirhams) dépassant de loin ceux du marché hospitalier public. Même en intégrant les marges du grossiste (10 %), de l'officine (30 %) et les frais de marketing qui peuvent aller jusqu'à 40 %, le prix en pharmacie représenterait 3 à 5 fois le prix offert au ministère de la Santé, ce qui constitue une atteinte forte aux droits des consommateurs », a déclaré le Conseil de la concurrence. Le PDG de Sothema refuse de parler C'est dire que Omar Tazi est dans une situation peu enviable. D'autant plus que son entreprise, Sothema, et son adversaire, Laprophan, détiennent presque la même part de marché. Alors que leur concurrent commun, Polymédic, n'en a que 4 %. C'est évident que l'objectif consistait à évincer ce dernier de la course aux marchés publics et d'avoir une position de monopole sur ce marché très lucratif. Pour avoir plus de détails sur cette affaire, Le Soir échos a joint Omar Tazi, PDG de Sothema, qui n'a pas souhaité commenter cette affaire à cause des « problèmes et contraintes », qui entourent ce sujet, selon lui. De son côté, Mohamed Houbachi, PDG de Polymédic, a déclaré récemment qu'il avait bien saisi le département de la Santé, à l'époque, pour l'informer que son élimination a permis aux deux concurrents de se partager le marché et de s'entendre sur les prix, et que le ministère n'avait pas répondu à cet avertissement. Aujourd'hui, la balle est dans le camp du ministère des Affaires générales et de la gouvernance, sous la supervision du Chef du gouvernement, en personne. De nouveaux remous et révélations risquent de voir le jour. Affaire à suivre…