Les opérateurs du secteur de télécommunication africains se trouvent, en cette année 2012, à la croisée des chemins. Les perspectives de développement sont désormais plus mesurées, la croissance devra venir désormais de services plus « complexes », et moins de services « simples ». Le tout dans un contexte où la pression sur les coûts reste plus que jamais très élevée. En effet, le marché africain a connu une très forte croissance ces dix dernières années et la pénétration mobile dépasse aujourd'hui en moyenne les 50 %. Les services fixes (voix, Internet, IPTV…) se développent aussi, mais de façon beaucoup plus mesurée. Par ailleurs, les situations sur le mobile sont très contrastées avec des pays comme le Maroc, la Tunisie, l'Algérie ou encore l'Afrique du Sud qui avoisinent, sinon dépassent, maintenant les 100 % de pénétration. En outre, la compétition s'est fortement développée et il n'est pas rare aujourd'hui de voir des pays avec 2 opérateurs, souvent 3, voire 4 pour certains. Tout cela a fortement tiré le marché en volume, mais a également contribué à éroder les ARPU (revenu moyen par utilisateur). Ainsi, entre 2007 et 2011, on a enregistré des reculs de l'ordre de 27 % en Algérie, 40 % au Kenya et 60 % en Egypte. En dépit de ce repli de rentabilité, les opérateurs se doivent de continuer à investir fortement dans leurs infrastructures afin de continuer à étendre leur couverture, améliorer leur qualité de service et renforcer la capacité des réseaux, tout en intégrant régulièrement les évolutions technologiques (GSM, GPRS, EDGE, 3G, 3,5G…) qui permettent de supporter les nouveaux services et d'offrir davantage de débits aux clients. Repositionnement Farouk Goulam-Ally, directeur du cabinet de conseil Kurt Salmon. Ainsi, eu égard au tassement de la croissance du secteur, les opérateurs n'ont d'autre choix que d'aller chercher davantage de clients afin de sécuriser leur développement et leurs marges. Certes, on peut considérer que la plupart des clients à potentiel disposent déjà d'une offre, il s'agit donc d'aller chercher maintenant des clients dont le pouvoir d'achat est plus faible. Cela passe par des offres dites « low cost », qui ramèneront un très faible revenu par client mais qui, de par les volumes de clients qu'elles peuvent atteindre, peuvent générer une épaisseur de revenus significative. Par ailleurs, et comme dans les pays plus matures, les jeunes et adolescents sont également des cibles à travailler de façon fine. En général, leur pouvoir d'achat direct est limité, mais des offres peuvent éventuellement être poussées à travers la notion de famille (paiement par le chef de famille, tarification agressive entre membres de la famille, etc.). En ce qui concerne les clients existants, l'enjeu de fidélisation et de montée en gamme va se renforcer pour l'ensemble des opérateurs. Certe avec ce positionnement, les revenus par abonnés continueraient leur baisse, mais la croissance pourrait être préservée à travers la proposition de solutions de mobile data à toute catégorie. De plus, il existe de nombreux autres domaines qui peuvent être explorés par les opérateurs, dans la mesure où ils maîtrisent le maillon essentiel de la connectivité : les services de mobile TV permettant de suivre des programmes TV sur son mobile, les solutions de m-paiement permettant des transferts sécurisés d'argents entre individus non bancarisés, les services de m-marketing alliant le push marketing avec la géo-localisation des clients ou encore les solutions de m-santé permettant, par exemple, un suivi ou des consultations à distance de patients… Les possibilités sont nombreuses. La diversification comme solution Il est important que les acteurs télécoms entament, dès à présent, une vraie réflexion sur leur stratégie de diversification à moyen terme. Sur les marchés plus matures, certains opérateurs télécoms ont, ainsi, initié des stratégies de diversification, parfois en rupture avec leur métier traditionnel. Différentes pistes sont explorées : exploitation de droits sportifs, édition de contenus, agrégation de contenus pluri-média, plate-forme de distribution de musique, plate-forme de partage de vidéos, e-boutique, services d'annonces de différents types, éditions de jeux…, sans pour autant négliger la question des coûts qu'il faudra penser à optimiser à travers l'adoption de nouvelles stratégies technologiques, l'optimisation des grands processus, la rationalisation des SI, l'externalisation ou encore l'optimisation de la distribution et de la relation client. Concernant le continent africain, deux pistes nous paraissent particulièrement pertinentes. Il s'agit notamment du partage de certaines infrastructures, comme les raccordements vers l'international et l'utilisation des énergies renouvelables pour alimenter les éléments de réseaux (BTS, shelters…). Cela étant, il n'existe pas de recette miracle pour contenir les coûts et il s'agit bien, pour chaque opérateur, d'étudier de façon structurée et méthodique toutes les opportunités afin d'identifier les leviers qui ont du sens pour sa situation spécifique et ainsi pouvoir mettre en place une stratégie de maîtrise des coûts sur le moyen et long termes.