Le cinéma égyptien s'enrichit et innove. Depuis Microphone, du jeune comédien et réalisateur Ahmed Abdallah récompensé par le Tanit d'or aux 23e Journées cinématographiques de Carthage en, octobre 2010, qui mettait en scène les revendications de la jeunesse de son pays, à travers un film urbain, au prisme de la réalité, il y a un après cinéma égyptien. Si jusqu'ici, certains réalisateurs cairotes, commettaient des films, on ne craint plus le nouvel élan créatif et un certain regard, portés par la nouvelle école du cinéma égyptien. Témoin, Exit Caire, de Hesham Issawi, présenté mardi soir en compétition officielle au 18e Festival international du cinéma méditerranéen de Tétouan. Si le nom du réalisateur est encore méconnu, le public tétouanais, la critique et la profession, ont massivement investi la salle du cinéma Avenida, pour suivre ce long-métrage, en présence de son auteur, qui n'a pas manqué de souligner, que Exit Caire avait été censuré en Egypte. La thématique abordée est des plus actuelles et fait écho au triste sort et à l'actualité des coptes d'Egypte aujourd'hui, soumis à une chasse à l'homme intolérable et honteuse. Le prétexte dramaturgique de Hesham Issawi, est une histoire d'amour impossible, maudite, inavouable entre Amal, jeune femme copte et Tarik, musulman. Aux yeux de leurs familles et de la société cairote, ils forment un pacte d'infidèles. Ta mère ne veut pas de moi, et ma mère ne veut pas de toi. La messe et la sentence sont dites. Dans la fureur et le pouls battant, tachycardique, de la ville, le jeune couple est emporté dans le diktat du monnayage permanent. La misère humaine grouillante ne cessant de croître, les anges pactisent avec les démons. Amal et Tarek vendent des pizzas dans un fast-food pour survivre, la sœur d'Amal abandonnée par son mari et mère d'un petit garçon vend son corps, le beau-père d'Amal, joueur et looser notoire, vend les bijoux et le mobilier familial. Tendue, dénuée de respiration, l'atmosphère ambiante d' Exit Caire, distille un flux frénétique et incessant telles des décharges électriques, aux personnages qui respirent un air vicié, sans aucune issue de secours. Et le génie du titre, Exit Caire, résonne tel un gong inévitable, qui donne à voir une vision infernale de la vie au Caire, pour les exclus du boom économique. On est au Caire mais on pourrait être à Alger, à Tunis, à Casablanca. Tous ces personnages n'aspirent qu'à un seul but : fuir. Une esthétique hors pair Pourtant ce film âpre, qui ne laisse pas de place à la contemplation, révèle cependant des éclats de poésie et une esthétique hors pair : face aux séquences qui scénarisent la mer, troisième personnage en présence qui s'immisce entre Amal et Tarek, puisque le jeune homme tente de vendre ses terres pour une embarquée clandestine, qui le conduira hors des rives de son pays. Amal, soucieuse de l'avenir de sa mère, déjà fragilisée par le deuil de son premier mari, est tiraillée entre son amour pour Tarek et son devoir moral et social, telle l'Antigone de Sophocle. « On sera au même paradis » ; s'interroge la jeune femme ; « Ce serait une belle farce, nom de Dieu, bien sûr, qu'on sera au même paradis », assène Tarek. A travers Exit Caire, le cinéaste Hesham Issawi, est parvenu à nous embarquer dans les préoccupations et les combats de sa galerie de personnages : on a rêvé de liberté, on a goûté à l'amour interdit, on a revendiqué notre droit au respect et à la dignité, en oubliant parfois, que cette histoire se déroulait au Caire. Comme si la jeunesse, et finalement la population de l'humanité, voulait rejoindre le même navire rêvé, depuis l'Arche perdue… Exit Caire signe de plus, l'éveil de la révolution égyptienne et un néo-cinéma égyptien. Une œuvre, symbole ultime de vie et de contre-pouvoir, qui a un réel prix…