Mohamed Nabili s'est éteint, dimanche 5 février à Benslimane, sans avoir tout dit. Ceux qui l'ont connu en ont l'intime conviction. Elle témoigne de leur amour pour cet artiste et pour son travail. « Il est parti trop vite. Il nous a quitté en pleine maturité de son art », confie le critique plastique Farid Zahi. Ce dernier scrutait de prés le travail de Nabili et analysait le coeur de la recherche picturale de l'artiste. « Mohamed était trés attaché à la terre. Et cela se ressentait et se percevait dans son oeuvre ». Si l'artiste a pendant longtemps travaillé sur le signe, un nouveau tournant était en train de se profiler. « Dans ses derniers travaux, on commençait à apercevoir des visages. C'est curieux, c'est comme un signe annonciateur de sa mort », nous confie Zahi. Nabili souffrait d'une cirrhose du foie. Dans le silence. « Personne ne se doutait de sa maladie. Sa mort a été subite », déclare l'artiste peintre Ahmed El Hayani, d'une voie triste. « Sincérement, je regrette son départ. Il avait encore beaucoup de choses à réaliser », poursuit l'ancien camarade de classe de Nabili. « Nous avons fait les arts appliqués à l'ecole Al Khanssa de Casablanca. Il a toujours été très discret ». Parcours d'un combattant Orphelin de père et de mère, pour ne pas céder à la fatalité et avoir une vie d'enfant de rue, Nabili se bat en s'accrochant à ses études. Baccalauréat en poche en 1973, il s'inscrit un an plus tard à l'ecole d'art et d'architecture de Marseille. Après avoir obtenu son diplôme, il s'envole pour Paris pour des études approfondies en arts plastiques à l'école Quai Malaque. Mais l'ambiance parisienne n'est pas à son goût, comme il l'a lui même déclaré il y a quelques années de cela à un quotidien de la place. Il déménage alors dans le sud-est de la France, à Aix en Provence, et met les bouchées doubles. A la fois appliqué et impliqué, l'artiste s'inscrit à l'école des Beaux arts pour un diplôme supérieur en arts plastiques, et poursuit parallèlement un cursus à la faculté des lettres et des sciences humaines pour disposer d'une formation complète. Après son long séjour en France, et une tournée dans des pays étrangers, il s'en retourne chez lui, dans sa ville natale, Benslimane, dans les années 90. Hommage posthume Farouk Chraibi, un collègue qui l'a connu lorsqu'il était étudiant à Aix en Provence, lui adresse aujourd'hui une sorte d'hommage posthume, dans un texte parvenu au Soir échos: « Tu continueras d'exister par tes œuvres dans plusieurs foyers et institutions, par ton souvenir dans plusieurs cœurs. Mais au delà du peintre prolifique que tu étais, l'humain en toi continueras de nous habiter et de nous nourrir (…) Ta modestie exemplaire servira de modèle à tous les grands et ta touche moderne continuera de nous habiter et de nous nourrir ». Ces émouvantes déclarations reflètent le côté humaniste de Nabili. Attaché à ses racines et à son histoire, l'artiste crée en 2008 une Fondation pour aider les enfants orphelins. En attendant sa mise en place administrative et l'obtention des financements nécessaires, il anime des ateliers d'art plastiques au profit de ces enfants dont il a partagé le sort. A 60 ans, Nabili a quitté ses amis mais aussi ces orphelins, auxquels il avait dévoué une partie de son monde. Farid Zahi rappelle dans le dernier texte qu'il a publié sur Nabili en 2009 : « Devant les travaux de Nabili, le regard ne glisse pas sur le tableau. Il entre en transe devant la force des couleurs et les scansions opérées par les formes. Il s'impose au regard par l'intensité de son monde ».