La visite du président tunisien au Maroc est la visite d'un enfant du pays chez lui. Porté au plus haut sommet de l'Etat à la faveur de ce fameux printemps arabe qui remodèle en profondeur la dynamique régionale, Moncef Marzouki est le dépositaire d'un parcours unique en tant que démocrate. Animé par des idées nobles, comme celle de l'émergence d'un espace régional, garant de la stabilité des pays du Maghreb mais aussi de leur croissance, cet ambassadeur exceptionnel est une aubaine pour tous les citoyens des cinq pays, de la Mauritanie à la Lybie. Nul doute que la question de l'intégration aura été discutée, mais elle n'aura certainement pas été la seule. Dans sa convalescence, la Tunisie est en train de jeter les bases d'une nouvelle société, ancrée dans l'égalité, la dignité et la diversité – espérons le. Dans cette construction en cours, la place de chaque pays est à redéfinir, de préférence de manière complémentaire. En minorant l'importance du conflit stérile qui oppose le Maroc à son voisin algérien et en ouvrant des chantiers concrets qui permettraient de faciliter les échanges et de favoriser le dialogue entre les acteurs de la région, le cercle vertueux mis en place pourrait aussi déboucher sur la résolution du différend entre nous. En tant que tiers de confiance, Marzouki pourrait accélérer les choses grâce à la confiance dont il jouit. Au niveau international, la position du Maroc au Conseil de sécurité et de la Tunisie ainsi que de celle de tous les pays de la Ligue Arabe a, il faut le souligner, pour son caractère quelque peu inhabituel, une portée différente de celle des prises de position de façade à laquelle nous étions habitués. La concertation entre les principaux intéressés, à savoir les pays du Sud de la Méditerranée, sur des questions de voisinage mais aussi et surtout d'avenir commun, est une conséquence de la reconfiguration en cours depuis un peu plus d'un an. Cette opportunité, fragile et unique, doit être respectée et portée au plus haut. Si la realpolitik est la lime qui bride les ailes de l'idéal, cela ne doit pas empêcher les idées nobles d'être proposées et défendues.