Contrairement à la première mouture de la loi électorale, décidé samedi, et qui prévoyait d'octroyer 136 sièges sur 200 aux partis politiques, le CNT a décidé de modifier le texte, dimanche, en inversant la tendance pour offrir les deux tiers des sièges de la future constituante aux candidats indépendants. Ce revirement du CNT s'est déroulé lors d'une réunion houleuse qui s'est tenue à huit clos, suite à l'arrivée des membres du CNT des autres localités de la Libye. Selon Ahmed Daikh, membre du CNT de la ville d'Al Beida, «le revirement du CNT est dû à l'influence de certains de ses membres provenant de Benghazi, qui ont décidé d'annuler la décision de samedi». Présent lors de la réunion de dimanche matin, Daikh révèle l'ambiance tendue qui y régnait, précisant que «des noms d'oiseaux ont été échangés avec véhémence entre les membres de la mouvance islamiste et les libéraux au sein du conseil ». Preuve de l'animosité grandissante qui sévit entre libéraux et islamistes, Fathi Baaja, membre libéral du CNT, aurait selon Daikh, accusé les Frères musulmans d'êtres les suppôts des Américains. Il rajoute toutefois que «la majorité des membres ont voté pour la diminution des sièges accordées aux listes partisanes». Les partis islamistes grands perdants Cette révision de la loi électorale accentuera, selon les observateurs, le caractère tribale de la société libyenne. Face à l'absence de culture partisane, les notables seront certainement les grands gagnants de l'élection de la future assemblée, chargée de rédiger la future Constitution libyenne. Les craintes d'une utilisation massive de l'argent paraît donc justifiée, dans un pays où l'Etat est quasiment dépourvu d'institutions. Grand perdant du revirement qu'a connu la loi électorale, la confrérie des Frères musulmans ; car comme dans tous les pays arabes ayant connue des changements de régime, la mouvance islamiste constituait la principale force politique, compte tenu de son enracinement ayant commencé bien avant le Printemps arabe. Les islamistes libyens ne pourront donc pas aspirer à obtenir la majorité des sièges, suite à la révision de la loi électorale. Idriss Boufayd, président du parti de l'Union nationale pour la réforme (islamiste), a d'ailleurs regretté la décision du CNT, la qualifiant de «décevante et pas du tout acceptable». À l'opposé, le secrétaire général de la mouvance nationale démocratique (libéral) s'est lui félicité de l'adoption de la nouvelle loi électoral, justifiant l'octroi des deux tiers des sièges aux indépendants par le fait que ces derniers « constituent la majorité non organisée de la société libyenne », et que cela «garantira l‘équilibre au sein de l'assemblée, en évitant la domination d'un quelconque parti politique sur l'assemblée, qui sera élue en juin prochain». Exit les Kadhafistes Ce qui semble être une défaite du camp islamiste survient après une défaite, cette fois, du camp moderniste. Samedi déjà, le CNT était revenu sur sa décision d'octroyer 10% des sièges de la future assemblée constituante aux femmes, alimentant encore plus les craintes sur une éventuelle islamisation du régime libyen. Toutefois, la nouvelle loi stipule que les femmes devraient être représentées à 50 % dans les listes de candidats des groupes politiques. Autre nouveauté transcrite dans la loi électorale adoptée dimanche par le CNT, l'interdiction des dignitaires de l'ancien régime de se présenter lors de la prochaine élection. «les personnes ayant occupé des postes de responsabilité dans les Comités révolutionnaires ne peuvent pas se porter candidats», stipule le nouveau texte. Les Comités révolutionnaires ayant constitué l'ossature du régime de Muammar Kadhafi. Par ailleurs, les personnes ayant une double nationalité se sont vues également interdire de se porter candidats. Prévue pour le mois de juin prochain, l'élection du « Congrès Constituant » chargé d'élaborer la première constitution démocratique du pays, constituera pour le peuple libyen, sa première élection libre et démocratique, après 40 ans de dictature sous le « régime des masses » de Muammar Kadhafi. La construction d'un Etat de droit, d'institutions crédibles et de pouvoirs séparés et indépendants constituent les plus grands défis de ce pays de 5 millions d'habitants, encore à forte tendance tribale.