Bernard Hourcade, ancien directeur de l'Institut français de recherche à Téhéran et spécialiste de l'Iran au CNRS décrypte les points d'ombre du bras de fer entre l'Iranet les Occidentaux. « La visite du président Mahmoud Ahmadinejad en Amérique latine s'inscrit d'abord dans un cadre de la consolidation des relations bilatérales entre ces pays », souligne Bernard Hourcade (en médaillon). Dans quel cadre s'inscrit la tournée sud-américaine du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ? Il faut reconnaître que l'Iran a une politique internationale visant le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Amérique latine, depuis des décennies. Les autorités iraniennes ont des ambitions internationales. Cette visite du président Mahmoud Ahmadinejad en Amérique latine s'inscrit d'abord dans un cadre de consolidation des relations bilatérales entre ces pays. Les liens entre le Vénézuela et l'Iran datent de très longtemps, notamment dans le cadre de l'OPEP. Le chef de l'Etat iranien veut donc s'assurer du soutien de ces alliés dans la région. De même, la plupart des pays sud-américains comme l'Argentine, le Brésil, entre autres, sont considérés aujourd'hui comme des pays émergents. Et l'Iran aussi, en dépit de son isolement, se considère comme pays émergent. Même si ces pays ne sont pas forcément pro-Iranien et encore moins acquis à la cause des Américains, leur statut de pays émergent fait qu'ils sont plus disposés à soutenir l'Iran dans le cadre de l'ONU. Et dans le contexte actuel, Téhéran a besoin de mobiliser ses soutiens. Mais l'objectif principal de cette visite est surtout de défier Washington sur propre pré carré. Dans quel cadre s'inscrit la tournée sud-américaine du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ? Il faut reconnaître que l'Iran a une politique internationale visant le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Amérique latine, depuis des décennies. Les autorités iraniennes ont des ambitions internationales. Cette visite du président Mahmoud Ahmadinejad en Amérique latine s'inscrit d'abord dans un cadre de consolidation des relations bilatérales entre ces pays. Les liens entre le Vénézuela et l'Iran datent de très longtemps, notamment dans le cadre de l'OPEP. Le chef de l'Etat iranien veut donc s'assurer du soutien de ces alliés dans la région. De même, la plupart des pays sud-américains comme l'Argentine, le Brésil, entre autres, sont considérés aujourd'hui comme des pays émergents. Et l'Iran aussi, en dépit de son isolement, se considère comme pays émergent. Même si ces pays ne sont pas forcément pro-Iranien et encore moins acquis à la cause des Américains, leur statut de pays émergent fait qu'ils sont plus disposés à soutenir l'Iran dans le cadre de l'ONU. Et dans le contexte actuel, Téhéran a besoin de mobiliser ses soutiens. Mais l'objectif principal de cette visite est surtout de défier Washington sur propre pré carré. Washington appelle les pays du monde entier à tourner le dos à l'Iran. Est-ce la solution à votre avis ? La politique des Etats-Unis depuis 1980 a été une politique de mise à l'écart de l'Iran. Le pétrole iranien est sous embargo américain depuis plusieurs années. Les Américains ont pensé qu'ils pouvaient renverser le régime et le remplacer par le Shah après la révolution, mais malgré les différentes mesures prises, cette politique est un échec total aujourd'hui. En dépit de cet isolement, l'Iran poursuit son développement, même s'il y a des problèmes internes comme dans tous les pays. Donc, ce n'est vraisemblablement pas la solution. Il faut maintenant prendre les Iraniens au sérieux. L'UE envisage un embargo sur le pétrole iranien. On se rend compte que ces différentes mesures cristallisent encore plus la tension entre Téhéran et l'Occident. Que faudrait-il faire selon vous ? Oui, ces différentes sanctions occidentales ne feront pas évoluer le débat entre les deux parties. Mettre un embargo sur le pétrole iranien représente une atteinte à l'identité même de ce pays. Et ces différentes mesures ne font que renforcer l'unité des Iraniens contre l'Occident. Je pense qu'il est temps de trouver un compromis, car après plus de trente ans de politique de mise à l'écart de la part des pays occidentaux, l'Iran demeure toujours ce qu'il est. Il est vraiment temps d'admettre cette erreur et de revoir la copie. Certes, il ne s'agit pas de soutenir les Iraniens mais de changer de politique à l'égard de ce pays. Qu'adviendra-t-il si l'Iran décidait de fermer le détroit d'Ormuz ? D'abord, l'Iran est, lui même, conscient du fait qu'il sera la première victime en fermant le détroit d'Ormuz. La démonstration de force de Téhéran, la semaine dernière dans ce détroit, a deux raisons. La première, c'est l'embargo. L'objectif pour l'Iran était de montrer aux occidentaux que s'ils mettent l'embargo sur son pétrole, lui aussi peut les empêcher de se ravitailler en pétrole saoudien et koweïtien. La deuxième raison de ces manœuvres militaires, qui intervenaient après quelques jours du retrait définitif des Etats-Unis d'Irak, était de prouver la capacité de nuisance iranienne dans la région et de montrer que le pays est un acteur capital à ne pas ignorer. L'Iran ne fermera pas le détroit d'Ormuz parce qu'il sait que l'armée américaine a la capacité de contrôle nécessaire pour le neutraliser. Jusqu'à quand va durer ce bras de fer ? L'Iran se dit qu'il est en guerre froide avec les Etats-Unis, et cela s'est manifesté depuis les années 80 par des prises d'otages et des attentats. Ce bras de fer durera aussi longtemps que possible, tant que les deux parties ne privilégieront pas le dialogue. Après trente années de statu quo, il faut maintenant changer de stratégie et mettre de côté la politique d'isolement. C'est vrai que le président américain Barack Obama avait tenté d'ouvrir la porte du dialogue au début de son mandat, mais il n'a pas été suivi par les Iraniens. Cependant, je pense qu'il est vraiment temps de prendre l'Iran au sérieux, car la plaisanterie a assez duré. Quelle est la marge de manœuvre de l'ONU ? L'ONU est une caisse de résonance, elle n'a fait, jusque-là, que légitimer la position américaine. Elle n'a pas été capable d'agir. Mais, avec l'émergence de nouveaux acteurs comme la Chine, la Russie et bien d'autres, on se rend compte que les choses sont en train de changer. On remarque désormais un relatif équilibre dans les prises de position. La Chine et la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité, s'opposent aux sanctions occidentales. Pourquoi ? La Russie et la Chine ne veulent pas être les domestiques des Etats-Unis. Ces deux pays, détenteurs du droit veto au Conseil de sécurité, sont décidés à ne pas suivre les Occidentaux dans leur démarche concernant le dossier iranien. Ils veulent bien que la situation s'apaise, que l'Iran respecte aussi ses engagements vis-à-vis du droit international ; cependant, il n'est pas question pour Moscou ou Pékin de s'aligner car ils achètent aussi du pétrole iranien.