Jeudi, vers 20h00, dans la salle 8 du tribunal d'Aïn Sebaâ, des centaines de personnes sont venues soutenir Mouad Belghouate alias Lhaqed dans une énième audience. Fait marquant, les contradictionsdu plaignant, Mohamed Dali. Récit de ce que les proches de Lhaqed qualifient de mascarade. La salle d'audience était archi-pleine et des gens de tout âge, connaissant Mouad ou convaincus de son innocence, étaient là à attendre le verdict. Un verdict qui ne sera point prononcé par le juge cette nuit-la malgré une audience qui a duré jusqu'à tard dans la soirée et qui a été suspendue 3 fois. D'un côté, Mouad Belghouate, calme, au verbe convaincant et à la voix posée, répond sereinement aux questions du juge. De l'autre, Mohamed Dali, alias Taliany, irrésolu et quelque peu incohérent. Entre les deux, la justice qui devra un jour ou l'autre se prononcer et, aussi, une assistance largement acquise à la «cause» de Belghouate et convaincue qu'il est victime d'une affaire montée de toutes pièces dont Taliany n'est que la vitrine, voire le bouc émissaire. Une affaire, deux versions « Je n'ai pas attaqué Taliany », affirme de nouveau Mouad lors de cette audience. Appartenant au Mouvement du 20 février, ce dernier raconte les faits qu'il a constamment répétés face au juge. Taliany, appartenant à un groupe dit de baltajias, serait venu à plusieurs reprises au quartier de Lhaqed insulter publiquement le mouvement contestataire et, en particulier, le jeune rappeur. Suite à un petit accrochage entre eux, des gens les séparent et Taliany quitte le quartier. Plus tard, allant se plaindre contre cet incident au commissariat, Mouad est informé du fait que Taliany, étant dans le coma, a porté plainte contre lui. Motifs pour coups et blessures. A son tour, le plaignant passe à la barre. Les avocats posent des questions. Les réponses, elles, laissent à désirer. A la question, que s'est-il passé, Taliany donne une myriade de réponses incohérentes : « Quand Mouad a crié « traitre ! », ses amis ont tous levé le poing au ciel ! », « Je l'ai vu, il m'a frappé par derrière. Ensuite je ne me suis plus rappelé de rien ». « Ils voulaient tous me tuer M. le juge et certains d'entre eux sont dans cette salle ! ». Par-dessus tout, sombrant dans un interminable « Je ne me rappelle plus », Taliyani raconte quand même des faits qui se sont déroulés après « l'attaque » qui l'auraient jeté dans le « coma ». Interrogé notamment sur sa profession et le nom du médecin qui a rédigé son congé maladie, Mohamed Dali se contente d'un « Je ne peux pas révéler ces informations, c'est confidentiel… ». Il était minuit trente. L'audience prend fin. Une liberté provisoire, comme l'aurait souhaité les proches et les soitiens de Mouad Belghouate, est écartée. Le procès est encore une fois reporté à mardi, à 17h00. « Ils voulaient tous me tuer M. le juge et certains d'entre eux sont dans cette salle ! » Mohamed Dali, alias Taliany. Failles Mais la mobilisation ne faiblit pas pour autant. Mouad Belghouate est le rappeur chouchouté du M20F. Il a milité lui aussi à sa manière pour plus de justice, moins de prévarication et surtout une liberté d'expression sans obstacles. Les paroles sont crues, le verbe assassin. Si Lhaqed critiquait clairement les institutions « corrompues » du pays et nommait clairement les personnes concernées, les accusations qu'on lui a attribuées n'évoquent rien de tout cela. Un point sur lequel les avocats de Mouad ont insisté. Accusés d'avoir appris à Mouad ce qu'il doit dire, les avocats explosent : «Talyiani vient de dire qu'il ne s'est réveillé que le lendemain de l'incident, comment, donc, la plainte a-t-elle été déposée ? Comment Taliyani s'est retrouvé devant la maison de Mouad ? » Des questions qui restent sans réponse. Tout comme l'issue du procès reste inconnue. Reste à espérer que le nouveau gouvernement s'active pour garantir son équité. Il y va de l'efficacité des « signaux » que l'Exécutif promet d'envoyer d'entrée.