Accusé d'agression et de violence contre un anti-20 février, le rappeur casablancais Mouad El Maârouf, alias Lhaqed, a été mis en garde à vue dans la nuit du vendredi dernier. Récit et réactions. Vendredi vers 16h00, le rappeur et militant du Mouvement du 20 février, Mouad El Maârouf, entend depuis la fenêtre de sa chambre des cris et du brouhaha dans son quartier d'El Oulfa à Casablanca. Quelqu'un profère des insultes à son égard. Il s'agit de Hamouda, alias Taliani, l'un des anti-20 février les plus notoires du pays. «Ce dernier est venu à plusieurs reprises au quartier de Lhaqed insulter publiquement le mouvent contestataire et, en particulier, le jeune rappeur. Ça devenait insupportable», nous confirme un ami de Mouad. Lhaqed descend donc de chez lui pour voir ce qui se passe. «Il y a eu un petit accrochage entre les deux, mais les témoins les ont rapidement séparés, avant même qu'ils en arrivent à se donner des coups», témoigne ce même ami. Une fois séparés, Taliani serait reparti. «Mais, comme par enchantement, une estafette de police s'est rapidement manifesté et s'est arrêtée devant la maison de Lhaqed. Ils ont demandé au rappeur ce qui n'allait pas et ce dernier leur a raconté que Taliani l'avait provoqué», nous raconte notre témoin. Les forces de l'ordre ont donc invité Lhaqed à se rendre au commissariat pour déposer une plainte contre la personne concernée. Une fois au commissariat, Lhaqed est pris à l'appât : la police l'informe qu'il est recherché pour agression et violence contre Taliani qui est dans le coma, certificat médical à l'appui. Aussitôt, Lhaqed est envoyé en garde à vue au commissariat Dar El Hamra de Hay El Hassani. « Je trouve que c'est un coup spectaculairement monté contre les partisans du 20 févier. La rapidité et la grande efficacité qui ont marqué l'arrestation de Lhaqed sont pour le moins inhabituelle », avoue l'ami du rappeur. Des jeunes du Mouvement du 20 février ont aussitôt réagi. Ils ont observé, dès la nuit du vendredi, des manifestations devant le commissariat où le rappeur a été placé, demandant sa libération immédiate. Des manifestations qui se sont poursuivies le lendemain samedi. S'il est accusé d'agression et de violence contre Taliani, Lhaqed semble plus payer le prix de ses morceaux de rap, dont les propos anti-gouvernement, d'une rare audace, font le tour de la Toile. De son clip « Khitab » qui parodie ironiquement les discours royaux, à son clip « Klab Dawla » où il traite la police de «lèche-bottes» en passant par « Mgharba 3i9o » invitant les Marocains à se secouer et à faire gaffe aux Fassis «assoiffés d'argent et de pouvoir », Lhaqed a la langue haineuse et gêne beaucoup de personnes anti-20 février. Pour l'ami de Lhaqed, «tout cela sent le complot . C'est une manière de perturber le programmes des marches du Mouvement du 20 février et de le discréditer». Mis à part le groupe Facebook : « Pour la libération de Lhaqed » qui compte plus de 1000 membres, les associations des droits de l'Homme et les artistes déplorent une insulte à «la liberté artistique», pourtant garantie dans l'article 25 de la nouvelle Constitution. «L'audace et les paroles de Lhaqed ne doivent pas le mener en prison, nous affirme Khadija Riadi, présidente de l'AMDH. Au contraire, cette personne a influencé positivement plusieurs militants dans le domaine de l'art et la liberté de la création artistique. C'est une atteinte à l'art et à la culture que d'avoir encore, aujourd'hui, recours à ce genre de méthodes au Maroc ». Plusieurs artistes ont également dénoncé cette «injustice» et ont exprimé sur les réseaux sociaux leur solidarité avec Mouad El Maarouf. « Que peut on attendre d'un pays qui met ses artistes en prison ? », s'inquiète Réda Allali, chanteur et guitariste du groupe Hoba Hoba Spirit sur son mur. L'indignation ne fait que commencer.