Même lorsqu'on vient de découvrir le fin sourire du poète marocain Mohamed Bennis, tel que photographié récemment à Tunis, ce sont plutôt les acclamations reçues à Carthage en 1995 par Claudia Cardinale qui nous émeuvent. Le charme et la sincérité de l'actrice rayonnent dans un beau livre paru eu mars 2009 aux éditions Timée : Claudia Cardinale Ma Tunisie Elle y raconte le tournage d'Un été à La Goulette en 1995 : «¨ Je joue mon propre rôle. Ce tournage n'était pas prévu : de passage à Tunis, j'avais croisé le réalisateur Férid Boughedir, qui me demanda de faire une apparition dans le film. Il m'a convaincue. A Carthage où avait lieu le tournage, il m'a fait une magnifique surprise ; il m'a dit d'aller sur le balcon… et j'ai découvert toute la population de la ville réunie pour m'applaudir. C'est un fantastique souvenir, et un cadeau unique !¨ D'emblée, Claudia Cardinale indique l'insécabilité de son lien à sa Tunisie natale : ¨Je n'en suis jamais partie. Bien sûr, le cinéma m'a fait voyager, d'Hollywood à Londres, de Marrakech à Moscou. Mais jamais je ne suis vraiment partie. Déjà, alors que je tournais Le Pigeon en 1958, je ne rêvais que de revenir, entre deux prises, entre deux tournages, retrouver ma famille, mes amis, Tunis.¨ Les Tunisiens ? ¨J'étais, je suis des leurs¨ affirme-t-elle et sa phrase ressemble à un large sourire d'une beauté éclatante. On a fait d'elle la petite fiancée de l'Italie, mais elle ne comprenait pas ce que disaient les techniciens lorsqu'elle tourna son premier film italien. Ce que comprend le mieux Claudia Cardinale, c'est beauté du monde et la puissance de l'amour ressenti. Voici qu'elle cite Tahar Ben Jelloun : ¨L'homme qui, du désert ne saccage point la légende, ne peut subir l'outrage.¨ Se décrivant comme ¨tunisienne, française et italienne¨ , Claudia dont les parents étaient siciliens d'origine rappelle que¨ moins de cent cinquante kilomètres séparent la Sicile de la côte tunisienne, ce qui permit à /ses / ancêtres de traverser sans difficultés le mince filet de Méditerranée qui fait office de frontière entre les deux pays.¨ Moins de 150 kilomètres, eh oui ! Mais les difficultés de la traversée, sont devenues tragédie, depuis, lorsqu'il s'agit de faire aujourd'hui le voyage inverse de celui effectué par les ancêtres Claudia Cardinale. Ce ne sont pas les “ancêtres (qui) redoublent de férocité“, selon l'expression chère à l'Algérien Kateb Yacine, la férocité est désormais du côte des flots et des gendarmes des mers. Mais Claudia Cardinale , elle, se tient du côté de la douceur et de la liberté, en femme lucide et amoureuse de la vie. Du désert dont Ben Jelloun rappelait qu'il importe de ne pas le saccager, l'actrice écrit qu'il l'a toujours attirée. Elle se considère ¨une nomade qui n'a pas oublié ces racines¨. Or, ses racines, elle les partage avec Moncef Ghachem qui est, selon moi, la grande voix juste et vibrante dans la littérature tunisienne de langue française. Ce poète et prosateur a eu la joie, lors du dernier Maghreb des livres, à Paris, de dire à Claudia Cardinale qu'elle fut sa passion de jeunesse, elle qu'on élut ¨plus belle Italienne de Tunis¨ et qui gagna alors un voyage pour le Festival de cinéma de Venise.¨C'était en 1956 ; Claudia avait dix sept ans. Le mois dernier, Moncef Ghachem a donc pu offrir à l'héroïne de sa jeunesse L'Epervier (L'Arganier, 2009). Ghishain Ripault l'avait fait publier une première fois en 1994 aux éditions SPM, si bien que le chantre de Mahdia reçut alors le Prix Albert Camus découverte. Cette distinction valut à notre poète de déjeuner avec son éditeur chez Drouant, fameux restaurant où se réunissent chaque mois les jurés du Prix Goucourt. Moncef compte désormais Claudia Cardinale parmi ses lectrices. Rien ne pouvait le combler autant que sa conversation avec sa compatriote de cœur qui raconte ceci à propos de ses débuts : “A l'aéroport, à Rome, j'ai croisé un journaliste qui, le lendemain, signait un article sur la fuite d'une jeune Tunisienne qui préférait tourner le dos à la gloire pour retrouver sa terre.“ Comme on vint la rechercher, Claudia Cardinale quitta Tunis, couverte de petits cadeaux par tous ses voisins. Le destin la ramena au bercail, à la faveur de tournages. La Tunisie au cœur, c'est à vie, pour celle qui recrée son pays natal en portant une djellaba à la maison Tétouan va bientôt accueillir Claudia durant son Festival de Cinéma. Quelle chance pour Tétouan ! Quelle chance pour Claudia et pour nous ses admirateurs. Casablanca - Exposition : Regards d'Afrique, regard sur l'Afrique La Casa del Arte abrite jusqu'au 31 mars l'exposition «Regards d'Afrique, regard sur l'Afrique…». Ce sont des photographies de Virginie Paulme. Cette dernière considère que «l'Afrique amuse, attriste, touche, inspire, intrigue, fascine, attire, repousse, effraye, excite, surprend, désempare».