Abderrazzak Benchaâbane, ethno-botaniste, photographe, parfumeur, restaurateur du Jardin Majorelle, a ouvert les portes du musée de la Palmeraie pour l'amour de l'art et de la nature. Eclairage. Comment est née l'idée de ce musée ? Il s'agit d'un projet qui s'inscrit dans la ligne du musée de l'art de vivre, niché dans la médina de Marrakech. J'en ai retenu le regain d'intérêt du public, qui ne pouvait bénéficier d'une offre égale culturelle. La plupart des musées existants sont liés à l'histoire du patrimoine. Or, je souhaitais sortir de ce schéma classique qui célèbre le culte du passé afin de proposer un musée privé dédié à l'art contemporain. L'idée de départ a vraiment été cette valeur ajoutée : montrer l'élan créatif actuel au Maroc ainsi que sur la scène artistique internationale à travers l'expression de plusieurs médiums. Les artistes ont-ils bien accueilli votre projet ? Les anciens, qui ont voyagé et visité d'autres musées qui ont pour vocation la promotion de l'art dénué de but lucratif, ont d'emblée compris ma démarche. La jeune école, plus accoutumée à composer avec les galeries d'art dans une optique commerciale étaient surpris, pensant qu'il appartient à l'Etat de transmettre l'art. Même si le rôle d'utilité publique culturelle doit être rempli par l'Etat, il ne faut pas oublier l'importance du rôle de la sphère privée dans la diffusion de livres et de l'art au Maroc. Quelle est la fréquentation du Musée de la Palmeraie depuis son ouverture en mai dernier ? Plus de 3 000 visiteurs ont découvert l'art de ce musée. Un succès d'estime s'est, de plus, rapidement fait sentir depuis sa création, et nombre d'artistes marocains et étrangers émettent le souhait d'exposer leurs œuvres au cœur de cet espace, bâti sur d'anciens bâtiments agricoles en pisé. Ces bâtiments donnent à voir aujourd'hui une exposition permanente consacrée à l'art contemporain. De nombreux groupes scolaires visitent ce lieu à titre gracieux. A l'issue de leur passage, les enfants s'essaient à la peinture d'après un sujet libre, et bien souvent c'est le souvenir de toiles ou de la visite des jardins qui en ressort. Le Musée de la palmeraie s'est révélé un vrai lieu de médiation. C'est un lieu qui réunit également de nombreux jardins. Allier art et nature vous semblait être une alliance intéressante ? Absolument. De nombreux jardins d'inspiration diverse accueillent les œuvres et les installations. Une cinquantaine de peintures, de photographies, de calligraphies et de sculptures y ont été présentées. Marrakech, destination bien connue pour le bien-être, manquait d'espaces culturels. La venue d'un nouveau musée participera, selon vous, à asseoir son rayonnement culturel ? Oui. Au contact des visiteurs, et notamment des enfants, nous avons également eu l'idée d'ouvrir une librairie qui réunit des ouvrages retraçant l'histoire de peintres et de leur art comme Mahi Binebbine ou encore Farid Belkahia. Les enfants sont un excellent cheval de Troie pour introduire de nouveaux livres dans la bibliothèque familiale. Le Musée de la palmeraie s'est révélé un vrai lieu de médiation. C'était important pour vous, de consacrer une part d'activité à l'enfance en difficulté autour d'ateliers et de cours de soutien scolaire ? Oui. Le projet de travailler en étroite collaboration avec des associations d'enfants et d'hôpitaux s'est rapidement exprimé. Le fait de rencontrer les artistes et d'échanger avec eux, d'approcher leurs travaux, est un réel enrichissement pour ces enfants. L'art-thérapie existe et il faut considérer le bienfait de ses effets. Cela peut aussi susciter des vocations auprès de la jeunesse. Les jeunes qui vivent en banlieue parisienne ont également vécu la visite du musée de façon très positive : on pouvait lire un vrai émerveillement dans leurs yeux lorsqu'ils s'adressaient aux artistes présents. Je n'hésite pas à leur dire, qu'ils peuvent à leur tour, devenir nos futurs artistes. Les familles issues des villages marrakchis, viennent accompagnées de leurs enfants, et les enfants des touristes rencontrent les enfants marocains, ce qui leur évite l'ennui d'être constamment au contact d'adultes pendant leurs vacances.