La plate-forme non gouvernementale Euromed a lancé, lundi, « l'Appel Méditerranéen de Rabat ». Objectif : mieux impliquer l'Europe pour répondre à la révolte du « Printemps arabe » ou plutôt du « Printemps méditerranéen ». Neuf mois après les soulèvements de l'indignation, c'est le moment de réfléchir à l'avenir. Celui-ci sera nécessairement commun puisque le vent de la colère, où qu'il soit est animé par les mêmes facteurs : l'injustice, la marginalisation, la corruption et le manque de considération pour le citoyen. A titre de mémoire, la plate-forme non gouvernementale Euromed (PNGE) rappelle que les slogans scandés par la jeunesse révèlent, au fond, l'absence de mécanismes pour l'édification de l'Etat de droit et des institutions étatiques, mais aussi l'absence de la démocratie et des droits de l'Homme, en l'occurrence, les droits politiques, économiques et sociaux. Ils réaffirment la soif des jeunes pour la liberté de s'exprimer, de se réunir, de créer des associations, des partis politiques ou des syndicats… Bref, la jeunesse cherche tout simplement à vivre et non à survivre et son message a été très clair. Un Printemps désormais méditerranéen « Les membres de la PNGE ont pris le recul nécessaire, une fois les esprits apaisés, pour organiser un séminaire pour évaluer l'état des lieux, d'étudier de près la transition qui s'opère », indique le président de la PNGE, Abdelmksoud Rachdi. Le séminaire baptisé « Jeunesse et transition démocratique », organisé en coopération avec la Fondation allemande Friedrich Ebert (FES) et le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), a achevé ses travaux, dimanche 11 décembre à Rabat. Après de houleux débats, académiciens, hommes de terrain et acteurs de la société civile ont échangé leurs opinions. Une soixantaine de participants venus de toute la Méditerranée a réussi à établir les bases d'un espace où seuls les discours politiques sont exclus. « Les jeunes ne veulent plus de ces discours contradictoires. Si nous avons décidé, au sein de la PNGE, de n'agir que plusieurs mois après le Printemps arabe et méditerranéen, c'est afin de trouver le meilleur moyen d'unir les volontés et de répondre à leurs attentes », affirme le président de la plate-forme. « Les jeunes ne veulent plus de ces discours contradictoires ». Abdelmksoud Rachdi, président de la PNGE. Appel méditerranéen de Rabat Et cette « réponse » porte un nom : « Appel méditerranéen de Rabat ». Principal aboutissement du séminaire, ce dernier capitalise un travail de réflexion et affirme une conviction, celle de l'urgence de créer un réseau euro-méditerranéen membre au sein de la PNGE. Il servira « d'espace de concertation, d'échange et de débat pour les jeunes de l'espace euro-méditerranéen comme acteurs à part entière afin de jouer leur rôle en tant que force de proposition et partenaires de toute initiative œuvrant pour la promotion de la démocratie, de la liberté, de l'égalité et de la citoyenneté ainsi que vecteur de toute politique de jeunesse concertée et partagée ». « Les jeunes attendent la stabilité, la démocratie et surtout la paix de cette transition », rappelle le président de la PNGE précisant que cette dernière appelle, par la même occasion, la Commission européenne à soutenir ses actions dans la mise en place du réseau euro-méditerranéen. Plus concrètement, cette aide réclamée consiste au financement par l'octroi de fonds nécessaires à la réalisation de ce chantier devant accompagner les changements en cours. Elle vise également à assurer la formation des jeunes « afin que le processus de création de ce réseau soit l'occasion de valorisation des savoirs au niveau de gestion, d'élaboration de projets ou d'actions », Un réseau pour les jeunes Des actions, la PNGE en prévoient plusieurs autres, dont « la mobilité par la garantie aux jeunes créateurs de ce réseau (euro-méditerranéen), d'aller sur le terrain pour apprendre, visiter et contacter leurs pairs au sud comme au nord dans le but de cultiver et promouvoir une «méditerranéité» partagée par tous les peuples de la région ». Et pour plus d'efficacité, la PNGE demande qu'elle soit reconnue comme « partenaire fiable et incontournable dans la région euro-méditerranéenne pour accompagner les changements que la région connaît afin d'instaurer la paix, la justice, la démocratie et donner à la jeunesse la place qui lui convienne et qu'elle est appelée à jouer ». « Dans notre Appel, nous nous sommes particulièrement adressés à l'Etat français qui abrite le siège de cette plate-forme en vue d'appuyer notre demande et de faire en sorte de concrétiser ce projet commun aux jeunes de la Méditerranée », souhaite Abdelmaksoud Rachdi. 3 QUESTIONS À … Kamal Hachoumy, chercheur universitaire et acteur associatif. « Un contrat social arabe » Vous avez soulevé, lors du séminaire « Jeunesse et transition démocratique en Méditerranée », un point essentiel : l'avenir commun de la jeunesse. Pour vous, que demande la jeunesse de la Méditerranée ? La région de la Méditerranée, notamment les pays de la rive sud, traverse un moment historique au rythme des revendications sociales qui relèvent, d'abord, de la volonté de se débarrasser de l'autocensure et de la peur, la capacité de se mobiliser, ensuite, de la force de confronter et de croire au changement. Les jeunes jouent un rôle capital et éminemment dans cette initiative sociale et politique qui a besoin, à présent, des forces politiques (partis politiques) pour élaborer un programme ambitieux, un projet social à long terme. Elle a pour but de contrer toute tentative d'avorter le soulèvement populaire à des fins géopolitiques. Quel a été l'impact du Printemps arabe sur cette jeunesse ? Les jeunes ont brisé les barrières de la peur et de l'intimidation instaurées par la force des régimes répressifs dans la région ayant fait de leurs peuples des otages. Rompre avec cette peur est la clé de voûte du mouvement pour le changement adopté par les jeunes. Passant de la consternation à une mobilisation générale avec des slogans qui paraissent à première abord simples, mais d'une extrême profondeur et d'une grande influence sur l'esprit des peuples du sud de la Méditerranée. Comment construire cet avenir commun ? Depuis le début du mouvement de révolte et son impact sur la création d'une nouvelle situation dans la région, nous aspirons à construire une véritable démocratie et nous favorisons le retour du concept de la politique du « Bon sens » en Méditerranée. Sur la base de cette dynamique créée par ces jeunes, nous pouvons parler de « Contrat sociale arabe » qui permet à ces jeunes de mieux convaincre en tant que force démographique et de force de changement dans la même situation que les jeunes du Nord; chose qui interpelle surtout les décideurs du partenariat euro-méditerranéen de dépasser le discours de démocratie corrompu vers le Sud.