Bruno Barde, directeur artistique du Festival international du film de Marrakech, a un curriculum vitae dense. Nous l'avons rencontré pour discuter de la 11e édition du FIFM, présidée par Emir Kusturika, qui s'est clôturée samedi soir au Palais des congrès. Inconditionnel du 7e art, cet expert visionne pas moins de 1 200 films par an. S'il est directeur artistique du Festival international du film de Marrakech depuis 2004, il dirige aussi plusieurs festivals en France. Directeur du Festival du cinéma américain de Deauville et du Festival du film asiatique de Deauville depuis 2004, du Festival du film fantastique de Gérardmer (successeur du Festival d'Avoriaz, créé en 1973), et du Festival du film policier de Beaune qui avait lieu précédemment à Cognac, ce grand cinéphile est aussi un grand lecteur et un mélomane. Entretien avec un œil affûté, et retour sur les coulisses du FIFM et des quinze films en compétition. Pourquoi avez-vous opté, cette année pour une sélection de premiers films ? Je prends beaucoup de premiers films parce qu'il y a souvent une urgence et une force qu'on ne retrouve pas dans d'autres films confirmés. Quand vous regardez les premiers films des grands cinéastes, il y a déjà beaucoup d'énergie et de force, et ils s'imposent comme de très bons films. Souvent, un premier film a beaucoup moins d'excuses qu'un troisième film, et s'avère souvent fort et impactant. « La progression du cinéma marocain est passée de 3 à 25 films par anen une décennie». Bruno Barde Le FIFM projette nombre de films ayant déjà figuré dans d'autres festivals. Quel est votre regard sur le sujet ? à Marrakech, l'important c'est de montrer les films, accompagner les talents et faire découvrir les cinéastes au public et aussi à la presse professionnelle. Un film qui fait plusieurs festivals est un film qui va certainement exister et trouver de bons distributeurs. Il ne faut pas oublier qu'on n'est pas là que pour se faire plaisir, mais bien pour faire vivre les films. Certains films, ici, ont fait d'autres festivals et d'autres pas. Mais c'est sans grande importance. Cette édition rend hommage au cinéma mexicain. Quelle est la particularité, selon vous, de ce cinéma ? Nous assistons depuis dix ans à une émergence et à un renouveau du cinéma mexicain et, surtout, à un retour au grand cinéma mexicain des années 70, initié par Arturo Ripstein. J'ai trouvé intéressant de saluer cette génération qui a démarré en 2000. Avec l'arrivée sur le marché cinématographique d'Alejandro Inarritu, d'Alfonso Cuaron, de Guillermo Del Toro, de Carlos Reygadas, d'Amat Escalate ou de Rodriguo Plà, le cinéma mexicain a changé. L'hommage est construit sur les dix dernières années du cinéma mexicain, à la différence de celui rendu précédemment aux quarante ans du cinéma italien. Il faut dire aussi que la révolution cinématographique mexicaine est basée sur le contraste entre la ruralité et la problématique paysanne versus la déliquescence des villes, voire même la violence urbaine. Pourquoi l'absence de films arabes en compétition ? Il y a très peu de films arabes produits, cette année, et ceux produits ne sont pas bons. Noureddine Saïl, vice-président du festival, avec lequel je travaille sur la sélection des films, connaît beaucoup mieux que moi le monde arabe et a lui-même constaté que les bons films venant de cette région sont inexistants. Pourquoi avez-vous choisi L'Amante du Rif comme film d'ouverture de cette compétition ? J'ai sélectionné L'Amante du Rif en ouverture, parce qu'il a sa place dans la compétition et dit des choses importantes. J'aimerais que tous les films marocains soient de ce niveau-là. Et ce n'est pas la première fois que j'ouvre avec un film en compétition, je l'ai déjà fait avec le film espagnol El Crimen Perfecto ou Pefect Crime d'Alex de la Iglesia. Il est important de dire qu'à travers tous ces films marocains projetés, j'avais envie de saluer la progression du cinéma marocain qui est passée de 3 à 25 films, par an, en dix ans. Pour moi, c'est un phénomène très intéressant. Après toutes ces années à la direction artistique du festival, comment qualifiez-vous le public marrakchi ? Marrakech est la ville de l'art et le public marrakchi suit les films avec engouement. Ce que je trouve très impressionnant à Marrakech, c'est que les salles sont toujours pleines, que ce soit à 11 h du matin ou à 15 h, pour des films sans vedette qui n'ont que le talent d'être de bons films. Le public apprécie la projection de films sérieux et légitimes, qui ont un point de vue sur la vie et un point de vue sur le cinéma. Je trouve très noble que ce festival, qui est le seul festival du monde arabe sans censure, mette l'objet d'art au cœur de tout. Cette démarche est formidable et étonnante.