La presse internationale n'a pas manqué de s'intéresser au scrutin de vendredi, avec de nombreux envoyés spéciaux. Tour d'horizon du traitement des élections fait par la presse étrangère. Ou comment avoir un autre son de cloche sur le scrutin. Dans la presse étrangère, l'accent est mis sur le taux de participation, considéré comme le principal défi de ce scrutin. Les journalistes internationaux estiment que bien que plus élevé qu'en 2007, le taux de participation de 45% reste significatif du peu d'engouement national pour les partis politiques. Alors qu'en Espagne, la presse relève l'édulcoration entreprise avec calcul par le PJD pour séduire les électeurs, la presse française semble cautionner son aspect modéré. En Algérie, la victoire des islamistes est vue comme «sans bavure», à l'inverse des sièges gagnés par d'autres partis. Enfin, aux Etats-Unis, le scrutin ne soulève guère d'enthousiasme, en raison de la tiède campagne électorale, et du taux de participation peu marquant. Dans la presse de l'Hexagone, on met l'accent sur l'aspect « modéré » des islamistes qui remportent la victoire. Espagne. Focus sur l'apathie politique La presse espagnole regarde d'un œil critique les élections marocaines. El Mundo titre ainsi « Le boycott et l'indifférence gagnent les élections législatives ». Constatant le peu d'engouement pour les bureaux de vote, leur journaliste Erena Calvo estime depuis Rabat que la journée de vendredi aura surtout été marquée par l'abstention. « L'apathie politique des Marocains et l'appel au boycott du 20 février ont fait que peu de citoyens se sont décidés à exercer leur droit de vote », écrit-elle. De même, le quotidien El Pais estime lui aussi que « l'apathie et l'abstention gagnent ». Concernant le succès du PJD, le correspondant à Rabat, Ignacio Cembrero, estime que l'édulcoration du discours électoral réalisé par le PJD est en partie à l'origine de leur succès. « Benkirane et les siens ont modéré leur langage depuis plusieurs mois, et surtout, lors de la campagne électorale », estime-t-il, rappelant l'épisode de 2001 où Benkirane avait apostrophé une journaliste aux bras dénudés pour lui demander de se couvrir. France. Des islamistes « light » Dans la presse de l'Hexagone, on met l'accent sur l'aspect « modéré » des islamistes qui remportent la victoire. Le Figaro estime ainsi que ce sont des islamistes « light » qui accèdent au pouvoir. Comparant le Royaume chérifien à ses voisins du Maghreb, le journaliste Thierry Oberlé estime que le Maroc confirme son particularisme en optant « pour la méthode douce ». « Son expérience va être examinée à la loupe dans certaines monarchies arabes comme la Jordanie et suivie avec curiosité et intérêt en Europe » écrit-il. De son côté, le journal Le Monde s'intéresse aussi à «cette révolution en douceur » et place les élections à la Une de son édition de dimanche-lundi, en mettant en avant la « défaite des partis liés au pouvoir ». Leur envoyée spéciale, Isabelle Mandraud, nuance les résultats en raison du taux de participation, indiquant notamment que « dans plusieurs circonscriptions, notamment à l'Est, dans le Rif, l'abstention a, semble-t-il, battu des records ». « Le rendez-vous n'a pas totalement répondu aux espoirs. (…) Le processus de démocratisation des institutions engagé par Mohammed VI se voit affaibli et le mouvement de rue du 20 février, qui a appelé au boycott, a du grain à moudre », estime-t-elle. Algérie. « Victoire sans bavure des islamistes » Pour les islamistes qui raflent la mise, « la victoire est nette et sans bavure », estime le journal Liberté. Leur journaliste ironise en revanche sur le taux de participation qui « a eu beaucoup de mal à décoller : de 4% à 10h, le taux est monté péniblement à 11,5 % à 12h. De 22% à 15h, il est passé ensuite à 45% à la fermeture des bureaux de vote. Ouf ! ». « Est-ce à dire que la page de la désillusion des électeurs marocains à l'égard de leurs hommes politiques est définitivement tournée ? Rien n'est moins sûr ! », relève-t-il toutefois. Du côté d'El Watan, qui qualifie le succès du PJD de « première éruption du volcan islamiste au Royaume», leur envoyé spécial note quant à lui «l'échec cuisant des partis adoubés par Sa Majesté ». Le journaliste Hassan Moali revient également sur les « moyens » de la campagne du G8. Des bus auraient été affrétés par les huit pour «ramener les montagnards aux bureaux de vote non sans leur verser un petit pécule au sortir de l'isoloir ». Etats-Unis. Une campagne électorale « morose » L'agence de presse américaine, Associated Press, nuance le succès du scrutin en relevant deux points faibles : le taux de participation moins élevé que prévu et la campagne électorale « étrangement morose ». À l'inverse, le Wall Street Journal estime que la participation plus élevée qu'en 2007 constitue une « consécration de l'approche modérée qu'a adopté le pays pour gérer les revendications nées dans le Printemps arabe ». Enfin, le New York Times estime que bien que constituant « un tournant historique », la victoire du PJD ne sera pas significative pour autant d'un changement radical de politique du pays. Les réactions officielles Du côté des réactions officielles, le ton se veut positif, et la grande majorité des pays ont salué le déroulement du scrutin. Ainsi, samedi, la France s'est réjouie « du bon déroulement » des élections, et a salué « le processus ambitieux de réformes politiques, économiques et sociales engagé par le roi Mohamed VI ». Paris a tenu à réaffirmer son soutien à « un pays ami et allié indéfectible », en s'abstenant toutefois d'émettre le moindre commentaire sur la percée des islamistes. Aux Etats-Unis, même son de cloche. N'ayant pas hésité à qualifier de « modèle » les réformes annoncées en mars dernier, Washington a réaffirmé son soutien au Royaume, en félicitant « le peuple marocain suite à la tenue avec succès des élections législatives ». La Secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton a, en outre, relevé que « le dur labeur de la construction de l'édifice démocratique ne s'arrête pas à la fin du dépouillement des votes et de l'annonce des vainqueurs ». En Grande-Bretagne, William Hague, le ministre britannique des Affaires étrangères, a estimé que le scrutin du 25 novembre participe à la « consolidation de la mise en œuvre » des dispositions de la nouvelle Constitution au Maroc.