Tanger à l'heure de la 17e édition du Forum international MEDays    Le Chef du gouvernement s'entretient avec le Premier ministre de la République Fédérale de Somalie    Nouveau livre blanc chinois sur la paix et le désarmement    Hammouchi décoré de la plus haute distinction d'INTERPOL    Marrakech. Interpol décerne à Abdellatif Hammouchi sa plus haute distinction (Vidéo)    Al-Raisi depuis Marrakech : "Vous nous avez offert une expérience qui dépasse les limites du succès et qui restera inoubliable"    La nouvelle BMW iX3 présentée pour la première fois au Maroc, et sera exposée lors du FIFM    Bourse de Casablanca : clôture sur une note positive    ZEEKR dévoile au Maroc le 7X, SUV 100% électrique nouvelle génération    Chakib Alj : «Le monde ne se contente plus d'observer l'Afrique. Il se tourne vers elle»    Joseph Nyuma Boakai : « L'Afrique ne cherche pas la charité, elle cherche des partenaires»    Plan de paix pour l'Ukraine. Trump investit dans la paix    CAN-2025: Cinq Marocains parmi les arbitres retenus    Africa Cycling Awards 2025 : Kigali accueille le gratin du cyclisme africain    CAN 2025. La Guinée officiellement écartée de la compétition    En manque de temps de jeu, la situation compétitive de Ben Seghir inquiète    Femmes sous cyber-menace : la riposte s'organise    Ilyas El Malki placé en détention à la prison locale d'El Jadida    Moulay Rachid met en avant l'élan du FIFM durant plus de 2 décennies    Nathacha Appanah remporte le prix Goncourt des lycéens    Sidi Kacem : Ouverture de la première édition du Salon National des Agrumes    Maïs doux : nouveau record pour les exportations vers l'Allemagne    Economie bleue : le Maroc franchit une nouvelle étape avec la Banque mondiale    Commerce : des entreprises de Castille-La Manche lorgnent le Maroc    Mondial 2026 : tout savoir sur le tirage au sort    LdC: Couhaib Driouech savoure une "nuit spéciale" à Anfield    Droits humains dans le sport : accord entre la Fondation Morocco 2030 et le CNDH    CDM (f) Futsal / Maroc - Portugal, un duel décisif pour les quarts de finale : Horaire ? chaîne ?    Initiative d'autonomie au Sahara : les centrales syndicales soumettent leurs propositions    Accord agricole Maroc-UE : le Parlement européen rejette une tentative de blocage    Démantèlement d'un réseau criminel de trafic international de drogues, 16 tonnes de « chira » saisies    Les températures attendues ce jeudi 27 novembre 2025    Le temps qu'il fera ce jeudi 27 novembre 2025    USA : le FBI enquête sur une vidéo d'élus démocrates appelant les militaires à désobéir aux « ordres illégaux »    Incendie à Hong Kong: 55 morts, le pire sinistre de l'histoire de la ville    Ali Hajji : "La participation de grandes figures du 7e Art conforte la stature mondiale du Festival du film de Marrakech "    « Orangez le cinéma » : Briser le silence sur les violences contre les femmes dans le 7ème Art    Le rappeur Maes condamné à 7 ans de prison au Maroc pour enlèvement et tentative de meurtre    Islas Canarias: Una misión comercial en Dajla provoca la ira del Polisario    Tétouan : Arrestation d'un membre de Daech en phase d'exécuter un plan terroriste imminent    Tanger : Le rappeur franco-marocain Maes condamné à sept ans de prison    Maroc : Lancement des services de l'hôpital de proximité d'Imintanout    Affaire Bygmalion : Nicolas Sarkozy définitivement condamné    Kebir Mustapha Ammi : « Il faut trouver la possibilité de bâtir un pont entre les uns et les autres »    Le Festival Nuits d'Orient de Dijon jette des ponts vers Chefchaouen    Températures prévues pour jeudi 27 novembre 2025    Bloqué, affaibli, surveillé : le président algérien est-il empêché de quitter l'Algérie?    [Vidéo] À Valence, le Maroc dévoile la richesse culturelle de ses provinces du Sud    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Juan José Saer, un romancier argentin d'origine syrienne
Publié dans Le Soir Echos le 03 - 11 - 2011

En 1969, je lus avec passion Le Mai argentin d'un romancier de langue espagnole traduit alors pour la première fois en langue française : Juan José Saer, qui, comme ce Polonais d'Argentine que fut Witold Gombrowicz, autre romancier d'envergure, était alors publié aux lettres nouvelles par Maurice Nadeau. Ce Mai argentin de Saer refit surface des années plus tard dans une nouvelle traduction et devint Cicatrices (Seuil).
Entre-temps, j'eus le plaisir de saluer rituellement Juan José Saer car nous vivions dans le même arrondissement de Paris. Du moins s'y trouvait-il, pour sa part, lorsqu'il n'enseignait pas à Rennes. J'étais aussi impressionné de converser avec Juan José Saer que si j'avais rencontré le Péruvien Mario Vargas Llosa dont le roman Conversations à la Cathédrale (Gallimard) me semblait une réussite insurpassable. Or, Juan José Saer , né en 1937 dans la province de Santa Fe (Argentine) où s'était établie sa famille d'origine syrienne et mort à Paris en 2005, est un romancier moins célèbre, certes, que le lauréat du Prix Nobel de littérature 2010, mais d'une inspiration aussi riche et d'une intelligence aussi fine.
Pour découvrir son art, on lira ses romans, dont certains disponibles dans la collection de poche Points, et les autres au Seuil : Cicatrices, certes, mais aussi Le tour complet, Grande fugue, et encore Les grands paradis (Flammarion, 1980) et Nadie nada nunca (Flammarion, 1983).
Juan José Saer était un conteur prodigieux qui entremêlait les anecdotes et les épisodes, cernait l'ineffable et défiait le lecteur en le séduisant ou en l'effrayant. Au fond, il fut un enquêteur passionné qui avait l'âme et le corps des gens pour témoins assistés lors de cette audition panoptique à laquelle il procédait dans ses romans.
Comment cerner la pensée d'un tel écrivain qui était à la fois un intellectuel et un conteur ? En lisant Une littérature sans qualités (Arcane 17, 1985), un texte paru d'abord dans le n° 5 de Confrontation, la revue qu'animait le psychanalyste René Major et qui s'ouvrait sur une affirmation dont on appréciera, aujourd'hui encore, la clarté : « Le travail d'un écrivain ne peut se définir à l'avance. Même dans le cas où l'écrivain semble parfaitement identifié et conforme à la société de son temps, où son projet est d'être exemplaire et bien-pensant, s'il est un grand écrivain, son œuvre est modifiée, dans l'écriture, d'abord, dans les lectures successives, ensuite, par l'intervention d'éléments spécifiquement poétiques qui dépassent les intentions idéologiques».
Comment ne pas savourer la vigueur de la protestation si légitime et si intensément réfractaire à la bêtise que contiennent les observations suivantes : « Sur les jaquettes des livres, dans les articles des journaux dans la publicité, dans le chantage de la supériorité numérique des ouvrages les plus vendus, on escamote la réalité matérielle du texte dont la valeur objective passe au second plan ».
Une littérature sans qualités se ferme sur un entretien avec Juan José Saer recueilli par Gérard de Cortanze (lequel vient de se déclarer candidat à la succession de Pierre-Jean Rémy à l'Académie française…). Cortanze demande à Saer de développer ce qu'il écrivait dans un article publié en septembre 1979 par Le Magazine littéraire : « Je n'écris pas pour exhiber ma propre argentinité… Je ne parle pas en tant qu'Argentin mais en tant que romancier. Être narrateur exige une énorme capacité de disponibilité, d'incertitude la même patrie : l'épaisse forêt vierge du réel ».
Saer était un écrivain ardent mais aussi quelqu'un de parfaitement vigilant et non dupe : « Comme à l'âge d'or de l'exploitation coloniale, la majorité des écrivains latino-américains procure au lecteur européen certains produits qui, comme le prétendent les clercs, se font rares en métropole et qui rappellent les matières premières et les fruits tropicaux que le climat européen ne saurait produire : exubérance, fraîcheur, force, innocence, retour aux sources. En outre, il faut que tout produit ait une une apparence décemment latino-américaine et que les ouvrages édités gardent un certain air de famille». Or il savait que, chez les plus grands mais pas les mieux lus des écrivains latino-américains : « Toutes les forces de leur personnalité, conscientes ou inconscientes, se retrouvent dans une image obstinée du monde, dans un emblème qui tend à universaliser leur expérience personnelle ». Les considérations auxquelles se livrait Juan José Saer conservent toute leur valeur. Mais l'une des plus savoureuses fut sans doute celle par laquelle il avait choisi de clore sa communication de l'été 1981 au colloque de Cerizsy-la-Salle consacré au plus célèbre écrivain argentin Jorge-Luis Borges : « Si les romans du XXe siècle ne sont pas romanesques, et si Borges n'a pas écrit de romans, c'est parce que Borges pense et toute son œuvre le montre, que seule façon pour un écrivain, au XXe siècle, d'être romancier, c'est de ne pas écrire de romans ».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.