On nous promet une vague verte dans toute l'Afrique du Nord. Mais on ne cesse de nous répéter que le Maroc est différent. Pourtant, le PJD a toutes les chances de remporter le prochain scrutin. Décryptage… Avant d'établir tout pronostic, tâchons de rappeler le contexte dans lequel le Maroc se trouve actuellement. Depuis le début de l'année 2011, le monde arabe assiste à un remodelage sans précédent, au niveau politique surtout. Un an auparavant, l'hypothèse de l'arrivée des islamistes au pouvoir en Afrique du Nord était loin d'être plausible. Aujourd'hui, la donne a changé : les islamistes tunisiens d'Ennahda sont sur le point de former un gouvernement, les Frères musulmans sont crédités de la majorité des suffrages lors des prochaines élections, alors qu'en Libye il n'y a qu'un seul modèle, la « charia » islamique. Au Maroc, même si la donne est différente, l'un des partis qui a été le moins attaqué par l'opinion publique depuis la manifestation du 20 février est le PJD, l'on se souvient de Mustapha Ramid criant à vive voix son souhait de voir s'installer une monarchie parlementaire au Maroc. Mais le PJD a d'autres atouts… Un parti arrivé n°1 en 2007 Rappelez-vous, en 2007, contre toute attente c'est l'Istiqlal qui remportait les élections, avec 10,7% des suffrages. Or, le deuxième n'est autre que le PJD, qui avait obtenu 10,9% des suffrages, soit plus que le premier ! La faute au découpage électoral. Le principal enseignement de ce scrutin -mis à part le faible taux de participation, qui d'ailleurs a pénalisé le PJD- est que malgré toutes les contraintes dont ont fait l'objet les candidats du PJD, celui-ci a réussi à obtenir le plus grand nombre de sièges. Et on voit mal comment le PJD pourrait avoir moins de sièges en 2011 qu'en 2007. Une opposition frontale au PAM Lors de la création du PAM en août 2008, la seule formation politique ayant clairement crié à la manipulation politique est encore une fois le PJD. Alors que tous les autres partis, parmi eux ceux de la gauche, ont essayé de composer avec ce nouveau parti, qui n'a pas hésité à leur voler plusieurs de leurs députés, le PJD ,lui, a fortement montré son opposition et a même souffert des manipulations du PAM, notamment lors des communales de 2009 . Il en est d'ailleurs sorti grandi depuis que Fouad Ali El Himma, fondateur du PAM, a été forcé de quitter la vie politique. Une opposition salvatrice Avant le gouvernement d'alternance, l'USFP jouissait d'une grande popularité. Une popularité grandement due à ses activités au sein de l'opposition. Depuis sa participation au gouvernement, la donne a changé, et l'image du parti de la Rose en a pris un sérieux coup, les Marocains ne faisant plus de différence entre l'USFP et les autres partis de la majorité gouvernementale. Le PJD ,quant à lui, a eu l'intelligence de ne pas participer au gouvernement. Il a donc gardé intact son capital sympathie auprès du peuple. Alors que les autres partis se plaisaient à faire des concessions, quitte à aller à l'encontre de leurs référentiels idéologiques, le PJD a eu la chance de ne pas se mouiller dans un gouvernement dans lequel il aurait été obligé de composer avec d'autres formations, en faisant un certain nombre de concessions. Ce qui lui aurait été fatal. Un leader charismatique On reproche souvent à nos partis politiques de ne pas avoir un véritable leader, charismatique de surcroît. Le PJD en a un, en la personne de Abdelilah Benkirane, très bon orateur, détenant un charisme indéniable, qui n'hésite pas à utiliser l'humour quand il le faut. On pourrait lui reprocher bien des choses à ce Benkirane, notamment son passé dans la Chabiba islamia, ou encore son populisme exacerbé, mais on ne peut pas lui reprocher d'être dans son rôle, c'est -à- dire chef d'un parti de droite conservatrice, et il le fait bien. Une fréquentabilité retrouvée Il y a quelques années à peine, proposer une alliance aux autres partis avec le PJD était tout à fait hors de question. Aujourd'hui, même des partis comme le PPS (ex communiste), dit ne pas fermer la porte face à cette éventualité. Cette fréquentabilité regagnée du PJD compte énormément. Surtout quand on sait que le parti arrivé premier aux élections a besoin d'autres formations pour former un gouvernement. Le PJD se trouve aujourd'hui beaucoup moins isolé que par le passé. Un contexte maghrébin favorable Auparavant, l'éventail islamiste était agité à tout- va par à peu près tout le monde. Sauf qu'en 2011 la donne a changé. Proche de nous, les élections de l'Assemblée constituante en Tunisie ont profité au parti islamo-conservateur d'Ennahda. Celui-ci dirigera donc la Tunisie pour au moins une année, et face à l'exercice du pouvoir, il montrera qu'il est un parti à peu près comme les autres, et qu'il y a bien plus de priorités pour un pays que d'obliger une femme à porter le voile. Le mouvement Ennahda s'est d'ailleurs toujours défendu de vouloir restreindre les libertés individuelles. Et le PJD est en train de s'en inspirer. « Nous n'allons pas créer le phénoméne d'Al Capone », avait dit Benkirane à la Bourse de Casablanca. Une manière d'expliquer à tout le monde que le PJD ou Ennahda, qui sont d'ailleurs très proches, sont plus proches du référentiel turc que celui du khoméinisme iranien. Et le PJD profitera certainement de la prise de pouvoir d'Ennahda, pour dire que les islamo-conservateurs sont capables de diriger un pays sans pour autant transformer ses institutions.