Alors que les sondages prédisent une victoire écrasante du PJD, les déboires du parti islamiste légaliste ne cessent de se multiplier. Au lieu d'une valse à mille temps, on assiste plutôt à une marche au pas. Que se soit au sein du Parlement ou au niveau local, les islamistes entristes essuient des attaques croisées et, surtout, vivent au rythme d'une transformation mal vécue. La plus édifiante à ce propos est, sans doute aucun, celle de la mairie de Mèknes. Le maître des céans, qui n'est autre que Aboubakr Belkourra, vit réellement au creux de la vague, et ce n'est pas seulement à cause de l'émulation politique ou du bras de fer, à peine voilé avec les autorités. Loin s'en faut. Le filet de la mort Tout a commencé par un filet sur les colonnes d'un journal français, local. Le 24 mai, «MIDI LIBRE», le journal de Nîmes, publie un entretien de Michel de Nays -Candau, l'adjoint délégué au jumelage au conseil de la ville. Il y est question des cérémonies organisées à l'occasion du 20ème anniversaire du jumelage avec la ville israélienne Rishon la Zion. Il se trouve que le président de la ville de Mèknes, le pjdiste, était, lui aussi, de la fête. Et pour cause, le jumelage de Mèknes avec la ville française est des plus récents. Il a juste un an, apprend-on du journal. Une question, une réponse et voilà la boîte de Pandore grande ouverte, au grand dam de notre maire barbu. A la question, dans quel état d'esprit se sont déroulées ces rencontres, l'adjoint délégué répond par des émotions. Non sans un trémolo dans la voix, il répète ce qui n'est pas à l'hôtel de ville «c'était très fort, nous avons vécu un grand moment d'émotion» a-t-il commenté. De quoi s'agit-il en fait ? «Le maire de Rishon la Zion et celui de Mèknes, poursuit Michel Nays-Candau, sont tombés dans les bras l'un de l'autre» et Belkora d'ajouter : «Je voudrai être le premier maire islamiste à conclure un jumelage avec une ville israélienne». Qu'à cela ne tienne. Certaine presse de la place en fait écho. L'événement est ébruité et fait l'effet d'une vraie bombe au sein du PJD. A tout le moins, au niveau local. Si Attajdid a défendu, sans grande conviction, parait-il, la jeunesse du parti et certains membres du parti, également membres du bureau communal, eux, n'ont pas fait de leur grogne un secret. Irréparable, ni le mot, ni l'émotion du maire ne sont tolérés. On demande des explications, mais on ne trouve qu'une littérature déjà consommée. Pour l'heure, «on n'a pas encore réalisé le coup de tonnerre, note un jeune du parti à Méknes, mais on devine déjà la portée de la secousse». Effectivement, le PJD a toujours fait du soutien à la cause palestinienne un cheval de bataille. Plus, il ne rate aucune occasion pour vilipender les «réalistes défaitistes» et autres «esprits faibles prompts à normaliser avec l'Etat israélien». Des comptes, il devra les donner aux siens, avant d'essayer de convaincre les autres. D'autant plus que c'est à l'aune de la politique de son maire à Mèknes que le PJD sera jugé. On en fait même " le laboratoire " qui révélera les couleurs de ce que sera l'avenir avec les islamistes. D'où, effectivement, l'originalité de la ville impériale. Le PJD risque de casquer tout seul, étant donné que Belkoura a déjà annoncé son prochain retrait de la vie politique. Dans une déclaration rapportée par Le Point français, Belkoura déclare, sans ambages, qu'il ne se présentera ni aux législatives ni aux prochaines municipales. Et de commenter : «Six ans, cela suffit ; je retourne à mes affaires». Voilà qui ne fera pas l'affaire des islamistes, sur une échelle beaucoup plus grande. Et ce, au moment où le parti compte peu d'amis au sein de la classe politique. Parlement Mercredi dernier, les téléspectateurs et autres observateurs, ayant suivi la séance des questions orales, ont eu droit à un spectacle très édifiant. C'était un après-midi pas comme les autres. Les députés islamistes, saâdeddine Al Othmani en tête, se sont déchaînés contre le ministre chargé des relations avec le Parlement. La cause déclarée est que ce dernier ne donne pas suite à leurs questions dont l'objectif final, plaident-ils, est «l'intérêt des citoyens». Le ministre, lui, ne l'a pas entendu de cette oreille. Et de répliquer : «En fait, ce sont des requêtes purement personnelles qui sentent le clientélisme» ; ce à quoi les islamistes ont répondu par un hourvari sans précédent. Et c'est là que le ministre, encore une fois sifflé et chahuté, commence à lire quelques exemples desdites questions. On en trouve, entre autres, le cas d'une femme mal traitée par son mari ou celui d'une autre qui " exige " la fixation d'une date pour rentrer de l'étranger et avaliser son divorce. Comble du comble ! En fait, ce jour-là, les observateurs ont visité un remake. Le même spectacle, même si moins houleux, a eu lieu l'année dernière. Pomme de discorde de toujours, la nature des questions jugées personnelles, clientélistes, sinon sectaire. Pour un PJD qui compte beaucoup sur ses réseaux, douter de la foi de ses deputés s'apparente à une insulte, voire à une mise au pas. Solitude Fait saillant : personne n'a jugé nécessaire de défendre les députés islamistes. Et pour cause : ils sont réellement seuls. Traversée de désert pour un parti auquel on promet monts et coalitions, qui séduit des alliés ou ressuscite d'autres. Personne, sauf les petits partis, ne s'intéresse visiblement au PJD. Signe prémonitoire de ce que sera son étoile demain. Ou une solitude passagère que la politique, souvent situationnelle, est à même de palier. Quoi qu'il en soit, on assiste, déjà, à un avant-goût des échéances tout aussi électorales que politiques à venir.