La fée cathodique marocaine innove. Après les programmes classiques, convenus, parfois indigestes de la période ramadanesque, Madame M'Safra réalisé par Zakia Tahiri et Ahmed Bouchaala détone. Eclairage. Diffusée mardi 11 octobre dernier à 21 heures sur 2M, Madame M'Safra donne un véritable coup de balai et de fraîcheur au paysage audiovisuel marocain de cette rentrée : 5,2 millions de téléspectateurs ont suivi le premier épisode. Inclassable parmi la grille destinée aux sitcoms et aux émissions de télé-réalité, qui inondent de leur flot ininterrompu les chaînes arabes ou européennes, depuis l'ère de la vie mise à l'œil nu, Madame M'Safra est un concept inédit et audacieux. Parce qu'il s'agit d'un docu-réalité, à coup de quatre épisodes d'une durée de 52 minutes, parce que la diffusion d'un tel concept est une première dans un pays arabe, parce qu'il respecte l'espace du téléspectateur et le tient en haleine face à des héros du quotidien marocains. Les protagonistes de la petite lucarne ne sont pas Kathleen Turner et Michael Douglas, célèbre couple de la guerre des Rose, ni Bonnie & Clyde, mais de petites gens ordinaires, touchantes, en parfaite harmonie amoureuse au sein de leur couple. L'idée de ce programme citoyen, une première dans un pays musulman, a été adaptée et réalisée par Zakia Tahiri et Ahmed Bouchaala, également producteurs exécutifs (Made in Morocco Films) à partir d'un programme créé par la BBC « The Week The Women Went », déjà réalisé avec brio au Canada, en France, en Inde, en Allemagne et aux USA. Une première dans un pays musulman «Ce concept nous a intéressé, car il correspond aux valeurs et à la mission de service public défendue par 2M. Celle d'une société moderne où la parité homme-femme est une réalité» Salim Cheikh, DG de 2M Le pitch ? Dix familles de la résidence El-Baïda II à Casablanca (commune de Hay Moulay-Rachid) sont volontaires pour participer à cette expérience unique dans le pays. Les hommes acceptent de laisser partir leurs femmes pour une semaine de vacances à Marrakech. Durant cette semaine, les hommes seuls dans leurs maisons s'occupent de tout en plus de leurs activités professionnelles : tâches ménagères, cuisine, garde d'enfants. Ils font face à la gestion d'une maison, d'une famille sans leurs femmes. « Il ne s'agit pas d'une téléréalité, c'est un docu-réalité : ce n'est pas un jeu, et ce concept est totalement dénué de voyeurisme. Nous accompagnons les participants à travers une expérience unique et intime, car nous entrons dans l'intimité du téléspectateur », souligne Zakia Tahiri au Soir échos en poursuivant : « Ce qui nous a interpellé, c'est le questionnement de pays européens qui ont vécu l'expérience de ce projet. Ils s'interrogent encore sur ce type de sujets qui n'est pas l'apanage du monde arabo-musulman. Le format initial de la BBC ne comporte pas de charte. Aussi, ce concept s'adapte facilement, chaque pays se l'est approprié, et le Maroc d'aujourd'hui a permis une véritable adaptation. Madame M'Safra est un produit marocain », précise Ahmed Bouchaala. Quant au choix des dix familles, les deux cinéastes souhaitant éviter l'écueil de la caricature, se sont tournés vers des Marocains lambda, issus des classe sociale moyenne. L'approche des couples s'est opérée d'une décision commune avec la chaîne 2M. « Nous nous sommes choisis les uns et les autres pour un mariage temporaire d'une durée de 3 mois. Les participants ont rapidement compris la finalité de cette idée : ils ne gagneraient pas de lot ni de somme d'argent mais ils allaient s'enrichir humainement et personnellement. Certains l'ont vu comme un défi. Nous retenons l'incroyable amour de ces couples, le besoin de parler et surtout d'être écoutés des Marocains», explique Zakia Tahiri. Le résultat offre une sacrée leçon de vie et d'humanité pour l'Europe et les sociétés arabes, qui doivent regarder nos femmes et nos hommes de confession musulmane, car ils ont un discours louable au sujet de leur vision de l'amour et de leur rapport à la vie, à la famille et à la société. La réplique : « Je veux assurer » Celle d'un mari désireux de savoir tenir son foyer en l'absence de sa femme. Les vases communicants : Une participante – « Je sais que mon mari saura faire la cuisine, il a toujours aimé ça. Mais il ne pourra pas s'occuper du linge, Il ne sait pas rangerses vêtements ». Son époux : – « Pour la cuisine, je ne m'en fais pas mais la lessive, ce n'est pas mon truc ». Pour Salim Cheikh, directeur général de la chaîne 2M « ce concept nous a intéressé car il correspond aux valeurs et à la mission de service public défendu par 2M. Celle d'une société moderne où la parité homme-femme est une réalité. Elle permet de sensibiliser par un biais dédramatisant l'importance du rôle de la femme au sein de la famille. Au-delà de l'audience suscitée, l'important est le message de parité homme- femme, conforme à la nouvelle Constitution, destiné au plus grand nombre. » Madame M'Safra suscite déjà de vives réactions au Maroc et en Europe auprès de familles immigrées et de sites d'information du Machrek. Deviendra-t-il un phénomène de société ? Avis aux amateurs…