Adopté par la Chambre des conseillers, le texte de loi portant sur la protection des témoins et dénonciateurs des actes de corruption ne suscite cependant pas l'unanimité au sein de la société civile. Pour Transparency Maroc, les mesures prévues demeurent insuffisantes. Le projet de loi portant sur la protection juridique des victimes, témoins, experts et des dénonciateurs de la corruption franchit le cap de la Chambre des conseillers. La semaine dernière, les conseillers ont adopté à l'unanimité ce texte, qui comprend une batterie de mesures visant à assurer la protection juridique des victimes ou dénonciateurs de la corruption ainsi que leurs familles et proches. Ce projet de loi n 37-10 modifiant et complétant la loi n 22-10 du code pénal suscite le mécontentement des ONG de la société civile dont Transparency Maroc. Azeddine Akesbi, membre du bureau de Transparency Maroc, fustige ce nouveau dispositif juridique. Il proteste d'emblée contre sa mise à l'écart dans l'élaboration de ce texte de loi avant de critiquer les mesures prévues. « Ce projet de loi a été préparé et adopté à la va-vite sans concertation avec les spécialistes. On a l'impression qu'on a fait cette loi rien que pour dire qu'on est conforme aux textes internationaux», dénonce ce militant associatif, avant de poursuivre : « Ce texte dissuade les gens à dénoncer la corruption car il ne prévoit pas de mesures pour assurer leur protection. A titre d'exemple, une personne qui a pris connaissance de corruption dans son administration notamment dans le cas des marchés publics. Si cette personne dénonce eh bien elle risque de perdre son emploi ou de voir sa carrière professionnelle freinée ». Pour Azeddine Akesbi, le projet de loi comporte plusieurs lacunes. «Les corrompus opèrent en réseau. Et ils ne sont pas tous connus. Les dénonciateurs de délits de corruption courent le risque de représailles », poursuit-il. Même son de cloche chez l'avocate Michelle Zirari, membre de Transparency Maroc. Cette spécialiste en droit pénal trouve que les mesures prévues dans le projet de loi sont insuffisantes. « Ce texte de loi est conçu pour protéger les victimes, les témoins, les experts et les dénonciateurs en ce qui concerne les crimes de corruption, de détournement, de trafic d'influence, de dilapidation des deniers publics et autres délits. Le projet de loi garantit certes aux témoins, qui ont vu ou entendu ou assisté à un acte de corruption, l'anonymat. Leur identité n'est pas divulguée. Les témoins bénéficient en plus de l'anonymat en procédure judiciaire d'une protection policière. Cependant, pour les dénonciateurs qui ne sont pas forcément témoins directs d'un acte de corruption, le projet de loi demeure insuffisant », critique cette professeur universitaire. Et de poursuivre: « Un fonctionnaire dans le cadre de ses fonctions peut prendre connaissance d'un acte de corruption. S'il le dénonce, les conséquences sur sa carrière seront graves : harcèlement moral, mutation… ». « En situation de crise sanitaire, le sensationnel n'a pas sa place ! Il est indispensable de transmettre un message juste et utile, sinon les retombées peuvent être néfastes sur la population ». Abdelghani Drhimeur, chef de la division de la communication au ministère de la Santé. Ce qui suscite le plus la colère de Transparency est la sanction prévue par le projet de loi contre les dénonciateurs de corruption en cas de manque de preuve pour établir la véracité de ses allégations. « Le dénonciateur peut se retrouver en prison pour trois ans. C'est insensé ! », s'indigne Azeddine Akesbi. Et ce n'est pas Michelle Zirari qui le contredira. « Le dénonciateur sera accusé de faux témoignage et sera condamné à une peine criminelle ». Par ailleurs, des interrogations restent posées sur l'application concrète des mesures prévues dans ce texte de loi, en particulier la protection de l'intégrité physique et des biens des personnes. Celle-ci pourrait se trouver compromise vu les moyens et les ressources humaines alloués aux différents services de sécurité qui demeurent très limités.