La sécurité au travail est l'une des questions les plus pressantes au Maroc. Plusieurs mesures ont été prises depuis l'incendie de l'usine Rosamor en 2008, dont la loi-cadre sur la sécurité et l'Institut national des conditions de vie au travail. Mais le rythme de croisière ne sera atteint qu'en 2012. «Un accident de travail coûte trois fois plus cher à l'entreprise. Le premier coût est imputé aux frais de soins quand le salarié est accidenté. Le deuxième est que la personne a besoin de quoi vivre, donc il faudra l'indemniser. Le troisième coût consiste dans le manque à gagner pour l'employeur en perdant une main d'œuvre», souligne Pr. Abdeljali El Kholti directeur de l'INCVT. La sécurité au travail est l'une des questions les plus épineuses au Maroc. Entre le laxisme de certains employeurs et l'absence de décrets d'application des lois existantes, le nombre des accidents ne cesse de croître. Certes, aucune statistique ne retrace cette donne, mais les chiffres de la Fédération marocaine des sociétés d'assurances et de réassurance donnent déjà un aperçu sur l'ampleur de ce phénomène. A fin juin de l'année en cours, les primes accordées au titre des accidents de travail ont atteint 1,3 milliard DH contre 1,2 milliard DH, soit une hausse de 8,1%. En 2009 le montant de ces primes se chiffrait à 1,1 milliard DH. La hausse entre 2009 et 2011 serait de l'ordre de 11,3% et ces chiffres ne concernent que les accidents déclarés ! Dernier en date, l'effondrement de l'usine de textile Projexti, le 24 septembre dernier à Sidi Maârouf, qui a engendré un mort et 25 blessé. Toujours dans le textile, mais cette fois à Lissasfa, l'incendie de 2008 à Rosamor qui avait fait 56 victimes a été considéré comme une facture lourde. Suite à ce tragique accident, le roi avait donné ses instructions pour la réforme et le renforcement des mesures de sécurité au travail, notamment en matière de réglementation. Une commission interministérielle a vu le jour, de même qu'un Institut national des conditions de vie au travail (INCVT) a été établi en mai 2010. La première entité avait pour objectif la mise en œuvre des mesures réglementaires et des dispositifs nécessaires pour renforcer la sécurité. L'institut, lui, a pour mission la réalisation des actions de mise à niveau des entreprises en collaboration avec la protection civile, les zones industrielles et les organisations patronales, la mise à niveau des capacités d'intervention ainsi que la formation des professionnels de la santé et de la sécurité au travail. «L'INCVT a été mis en place pour prendre la relève après la fin des travaux de la commission ministérielle. Son rôle s'inscrit donc dans une logique de continuité», explique le professeur. La seule partie des réalisations visible aujourd'hui est la loi cadre sur la sécurité, et encore. Ladite loi devait être, selon l'agenda du gouvernement, déposée au Parlement en décembre 2010. Or, à ce-jour, le texte est encore dans les tiroirs du Secrétariat général du gouvernement après avoir été soumis aux différents départements pour avis. Par ailleurs, la mise à niveau des entreprises était censée démarrer cette année, mais rien n'a été fait. Les fonds d'appui permettant cet accompagnement devaient provenir du ministère de l'Industrie et du Commerce, mais ne sont toujours pas débloqués. Outre cet aspect, pour agir, l'Institut a besoin d'un cadre juridique. Ce qui n'est pas possible en l'absence de la loi-cadre. Pour El Kholti, «la conjoncture économique, politique et sociale a fait en sorte que la mise en œuvre de ses actions prenne du retard. Le même scénario concerne également la loi cadre sur la sécurité qui dépend aujourd'hui de l'agenda électoral». Par ailleurs, il faut noter qu'une convention de financement a été signée mai dernier entre les ministères de l'économie et des finances, de l'emploi et de l'industrie ainsi que l'ANPME, comme le souligne le professeur. Celle-ci permettra de débloquer 252 millions DH qui profiteront à la mise en place effective de l'institut en lui octroyant les ressources financières et humaines nécessaires et couvriront le programme 2011-2014. «Cela dit, le retard enregistré ne signifie pas que rien n'a été fait. Au contraire», rassure El Kholti. Avant de préciser que «l'ensemble des instruments nécessaires pour accompagner les entreprises est déjà élaboré, les procédures de contrôle et d'autorisations pour la ville de Casablanca, choisie comme ville-pilote sont mises en œuvre». Le plan d'action pour la ville-pilote vise d'accompagner 800 entreprises en 2011, 1 500 en 2012, 1 800 en 2013 et 1 800 autres en 2014. «Le retard accusé sur la première année nous a poussés à réfléchir à un réajustement des objectifs de sorte à garder le même nombre d'entreprises ciblées par le plan», souligne le professeur. Ainsi donc le rythme de croisière ne sera atteint qu'en 2012 !