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Incendie de Lissasfa : tout ce qui vous a été caché !

Si les médias se sont fait l'écho durant toute la semaine passée des développements de l'affaire de l'incendie de Lissasfa, il n'en reste pas moins que de nombreuses zones d'ombre ont été passées sous silence… En plus de pointer du doigt les nombreuses incohérences dans les déclarations des officiels, Challenge Hebdo vous révèle les noms de certains partenaires de Rosamor, l'entreprise où a eu lieu l'incendie, et vous démontre à quel point la réglementation en matière de sécurité incendie est ignorée par ceux-là même qui sont censés assurer son application.
Casablanca, zone industrielle Lissasfa, samedi 26 avril, 10 heures. Un incendie s'est déclaré à «Rosamor», une usine R+3 spécialisée dans la fabrication de matelas. En l'espace de quelques minutes, le feu, qui s'est nourri de produits chimiques inflammables, s'est vite propagé dans l'usine où plus de 150 ouvriers sont pris au piège. La panique règne. Aucune issue de secours, le propriétaire a fermé les portes à clé pour empêcher tout acte de vol. La sécurité des employés était le dernier de ses soucis. Le bilan est accablant : 56 morts et plus de 12 blessés. Quatre jours après, le mercredi 31 avril à 13 heures, le building, qui abritait l'usine de fabrication de matelas qui a pris feu samedi 26 avril au quartier Lissasfa à Casablanca, a été démoli. Les autorités de la ville, notamment la protection civile, voulaient s'assurer qu'il n'existait plus de cadavres sous les décombres, décision prise par la justice. Et pourtant, aucun communiqué officiel publié avant cette date ne soulignait que le nombre de victimes était provisoire. Ce qui est sûr, c'est que le bilan des morts sera lourd. Outre la porte d'entrée de l'usine, il n'y avait aucune autre issue de secours. Les fenêtres étaient barricadées par des grilles métalliques. Le propriétaire de la société avait fait des changements sur le plan de construction initial courant 2007. Selon le ministre de l'Intérieur, il avait démoli le mur séparant l'atelier de menuiserie, le couloir menant vers la sortie et l'étage supérieur, annexé le parking à l'atelier, barricadé toutes les fenêtres et les couloirs et construit un étage supplémentaire au niveau de la terrasse qu'il utilisait comme dépôt de matières premières. Ces modifications ont été apportées en 2007, à savoir des travaux au rez-de-chaussée et la construction des 2e et 3e étages. Comment de gros changements ont-ils pu passer inaperçus quand rien n'est censé se faire à l'insu des agents de l'autorité et des responsables communaux? Où est cette fameuse commission tripartie (commune, préfecture, agence urbaine) élargie (protection civile…) qui est censée contrôler les travaux de construction, a priori et a posteriori, pour l'octroi du permis d'exploitation, ou encore les contrôles systématiques et réguliers post-exploitation ?
D'après le président de conseil d'une commune de la ville de Casablanca, la commission tripartite élargie a la responsabilité de vérifier l'existence des normes de sécurité élémentaires, à savoir les issues de secours, les escaliers menant droit à l'extérieur de l'édifice, les extincteurs…
Que dire lorsqu'on sait que deux étages ont été bâtis dans la clandestinité ?
Le propriétaire, toujours d'après le ministre de l'Intérieur, a obtenu un certificat de conformité au plan d'aménagement le 7 avril dernier et l'autorisation d'exploitation le 14 novembre 2007.
Pire encore, les services spécialisés au niveau de l'arrondissement de Hay Hassani avaient rédigé le 4 avril dernier un PV relatif à des travaux de construction non autorisés sur un terrain nu et la mise en place d'une toiture en zinc, soit 3 jours avant l'octroi du certificat !
Et ce n'est que le 14 avril qu'un avis urgent d'arrêt des travaux lui a été adressé. Cerise sur le gâteau, les services d'inspection du travail avaient adressé, en 2007, un courrier au gérant de l'usine et au propriétaire de Rosamor pour attirer leur attention sur le non-respect des conditions de préservation de la santé et de la sécurité des employés. Si l'inspection du travail et les autorités n'ont pu contraindre le propriétaire à respecter les normes de sécurité ou à arrêter les travaux d'extension de l'usine, l'on se demande qui pourra le faire ?
Une protection inexistante
Retour au jour du sinistre. L'incendie s'est déclaré à 10 heures. Il a fallu une heure et demie pour voir arriver sur place le premier groupe de la protection civile. L'arrivée tardive de la protection civile sur les lieux sinistrés est souvent la cause de la hausse du nombre des victimes. D'après un responsable de la protection civile, les sapeurs-pompiers reçoivent souvent tardivement l'alerte. Une justification futile puisque c'est toujours le cas. On relève au passage qu'aucun poste de protection civile n'est implanté sur le territoire de la zone industrielle. Et lorsqu'il y en a, le manque de moyens est flagrant. Selon le ministre de l'Intérieur, les services de la protection civile ont reçu, samedi à 11h, l'alerte à l'incendie, et vers 11h26, le premier groupe d'intervention est arrivé sur place, de même que d'autres équipes ont été mobilisées pour éteindre l'incendie et porter secours aux victimes. Il a précisé qu'au total 120 personnes et 15 camions et ambulances ont été mobilisés. Quel est l'apport d'un dispositif aussi important s'il n'intervient pas à temps ? Car la fumée avait déjà fini par asphyxier le reste des ouvriers calcinés. Les rescapés, peu nombreux, doivent leur vie à une équipe de volontaires, composée de citoyens et de maçons, qui a ouvert un trou sur le mur d'un immeuble mitoyen en construction.
Arrivés sur les lieux du sinistre, les sapeurs-pompiers ont du repartir à la recherche de bouches d'eau pour remplir leurs citernes. Quel gâchis ! «C'est la responsabilité directe de la commune qui devait s'en charger, en partenariat avec les services concernés», martèle un responsable de la protection civile. Ironie du sort, c'est la commission élargie qui attribue les autorisations et la protection civile qui devrait signaler ce déficit.
Quant aux citernes, «elles doivent toujours être pleines pour sauver ce qui peut l'être au moment opportun», renchérit le responsable communal. Dans la zone industrielle, on n'arrive pas à repérer une seule bouche d'eau, malgré la présence d'unités industrielles fonctionnant avec des produits chimiques fortement inflammables. Toutes ces défaillances ont été omises, pour ne citer comme entrave à l'action des services de la protection civile que les modifications non autorisées entreprises par le propriétaire de l'usine.
Sans compter que les zones industrielles relativement nouvelles comme celle de Lissasfa sont privées d'une identité urbaine. Elles sont sous-équipées, dans le sens où elles manquent de voiries, de bouches d'eau nécessaires à toute intervention de la protection civile, de panneaux de signalisation… L'accès à la zone se fait en traversant une piste cahoteuse. Même les sorties récemment construites reliant cette zone au quartier Sidi Maârouf et Hay Nassim n'ont pas été suffisantes pour facilité l'accès à cette zone. Qui est responsable de cette situation ? L'Etat? Car depuis belle lurette, les agents d'autorité et les responsables communaux et préfectoraux ainsi que ceux des agences urbaines ont été pointés du doigt.
Un président d'une commune urbaine de Casablanca nous éclaircit sur ce point. «Le rapport établi par la commission tripartite élargie est déterminant pour l'octroi du permis de construire, du permis d'exploitation. La commission est aussi chargée de contrôler l'existence des mesures de sécurité. Aussi, l'avis des différents intervenants, à savoir la commune, la préfecture, l'agence urbaine, la Lydec, Maroc Telecom, la protection civile est pris en compte et doit être respecté en ce qui concerne les normes de construction, les conduites d'eau et d'électricité, la voirie, les bouches d'eau… ».
Victimes de leur situation précaire
Côté employés, les ouvriers de l'usine n'étaient pas déclarés à la CNSS. Le ministre de l'Intérieur a indiqué que l'enquête avait révélé jusqu'à présent que cette unité industrielle, classée dans la 3ème catégorie, employait 130 salariés, dont 50 femmes, précisant que seuls 9 salariés étaient déclarés alors que le reste a été recruté via deux sociétés intermédiaires. Et pourtant Jamal Rhmani, le ministre de l'Emploi, a déclaré que les salariés de Rosamor sont tous affiliés à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), soulignant qu'une cellule de crise a été mise en place conjointement entre le ministère et la CNSS pour s'en assurer. Ces deux déclarations paradoxales ont été faites au parlement le même jour, à la même heure, et lues par le même ministre de l'Emploi.
Les salariés étaient-ils donc finalement déclarés ou pas ? D'après l'un des rescapés, le gros des ouvriers n'était pas déclaré et travaillait au «noir». Des défaillances, somme toute, à tous les étages. Tout bien pensé, il paraît clair que l'Etat, à travers ses différents services territoriaux et départementaux, a une grande responsabilité dans cette situation chaotique. Seulement, les industriels eux aussi sont peu regardants quant au respect de la réglementation. Encore faut-il que cette réglementation existe….
«Il n'y a pas de loi, ni de décret spécifique à la mise en place d'un matériel de sécurité incendie minimum». La déclaration est celle d'une source non autorisée au sein même de la protection civile. Choquant, aberrant, surprenant diriez-vous! Comment la protection civile peut-elle alors statuer sur telle ou telle construction qu'elle soit industrielle, civile…pour savoir si elle dispose des moyens de sécurité de base pour lutter contre l'incendie ? « Et bien nous nous basons sur notre expérience, puis nous nous référons à la réglementation française », poursuit la même source. Cela dit, il existe bien quelques textes épars, une loi dans le code de l'urbanisme datant de 1992 qui évoque dans le cadre des règlements généraux de construction (article 59) «les mesures destinées à prévenir l'incendie», sans aucune autre précision. La seule précision apportée concerne la violation de ces normes, qui est punie par une simple amende variant entre 10.000 et 100.000 DH. Il y a également le dahir du 25 août 1914, qui traite des établissements dits « classés », mais qui est aujourd'hui largement dépassé vu l'évolution de l'industrie et plus globalement de l'activité économique. «La seule véritable réglementation existante concerne les produits pétroliers et le gaz», nous affirme notre source à la protection civile.
Que dit exactement
la réglementation ?
Même lorsque vous interrogez les professionnels concernés à un moment ou à un autre par les questions de sécurité incendie, les réponses varient et restent pour la plupart très vagues… «Vous savez, vous devriez contacter un architecte car c'est eux qui sont en charge de la conformité des plans», nous conseille un des représentants de la commune. La commune qui, rappelons-le, est une des parties prenantes dans la commission délivrant des autorisations de construire. «En ce qui nous concerne, nous travaillons avec les textes de réglementation française.Cela dit, ce sont les pompiers, autrement dit la protection civile, qui disposent de l'ensemble de la réglementation concernant la sécurité incendie. En tous cas, à notre niveau et sur le terrain, c'est à eux que nous nous référons», nous confie un architecte casablancais. «Vous savez, la réglementation est très éparse», avoue Abdeslam Zriba, directeur de projet de Progress Partners, société spécialisée dans le conseil et la formation en matière de sécurité industrielle.
L'incendie de Lissasfa remuera sans doute une fibre sociale ou pour le moins «sécuritaire» chez les patrons marocains. Car la médiatisation de l'évènement, et surtout ses conséquences meurtrières, n'auront pas manqué de donner des sueurs froides à certains. Ceci étant dit, si les causes de l'incendie semblent plutôt évidentes même si la responsabilité n'est pas encore juridiquement établie, la question de la réglementation en matière de mise en place de moyens de lutte contre l'incendie, autrement dit la question des obligations légales, reste entière . Est-elle suffisante au Maroc? Comment assure-t-on son respect? Quels sont les moyens de contrôle disponibles? «Ce n'est pas que notre réglementation n'est pas bonne ou insuffisante. Il y a une réglementation plus que parfaite qui est intégralement copiée sur la France, seulement, son application n'est pas suivie», affirme un expert assermenté en incendie et agréé auprès des assurances. Une déclaration qui somme toute n'est pas si surprenante. Seulement, le simple fait de vouloir obtenir des informations précises relève véritablement du parcours du combattant. Où est consigné noir sur blanc l'ensemble du matériel réglementaire et obligatoire en matière de sécurité incendie?
A priori, lorsque vous êtes porteur d'un projet industriel quelconque, il vous faut nécessairement une autorisation de la part des autorités locales. Autorisation qui ne vous est délivrée en théorie que si vous respectez scrupuleusement la réglementation. C'est donc à ce niveau-là que l'investisseur est informé et contraint de mettre en place le système de sécurité nécessaire. «La seule chose qui soit réellement obligatoire, ce sont les extincteurs, qui doivent être vérifiés tous les six mois par un vérificateur assermenté, et les robinets d'incendie armés (RIA). A cela s'ajoute la configuration des lieux qui doit comporter des issues suffisantes pour pouvoir évacuer les lieux. Tout le reste (détecteur d'incendie, sprinkler,…) est à la bonne volonté de l'investisseur en fonction de son activité. Mais ce que je peux vous affirmer, c'est que la réglementation existe bel et bien, et que chaque type d'activité doit répondre à un certain nombre de normes en matière de sécurité incendie», explique notre expert assermenté. Seulement, nous n'avons pu mettre la main sur aucune réglementation auprès de la protection civile, de la commune ou encore auprès de professionnels de la sécurité ou d'un expert assermenté en incendie.
Sécurité incendie, plus qu'une question de moyens
Cela dit, si réglementation il y a, il reste tout de même une lacune flagrante. Car même si au départ tout le matériel de sécurité est effectivement mis en place sur le site, l'évolution de l'activité de l'entreprise et son développement font que parfois très vite le système de sécurité devient complètement insuffisant voire obsolète. «Je vais vous donner un exemple très simple. Imaginez tout simplement qu'au démarrage d'une usine, l'activité ne nécessite qu'une tonne de stock de matières inflammables, et que deux ou trois ans plus tard, l'évolution de l'activité soit telle, que l'usine se retrouve avec un stock de 20 tonnes de matières inflammables. Il faut donc que les installations de lutte contre l'incendie évoluent en fonction du développement de l'activité», insiste Abdeslem Zriba. Et puis, il y a également les cas où le bâtiment industriel change tout simplement de vocation et abrite une nouvelle activité, sans que l'industriel ne demande forcément une nouvelle autorisation, comme cela est prévu par la loi.
Cependant, à supposer que tout va bien dans le meilleur des mondes, la mise en place d'un système de sécurité reste inutile si elle n'est pas accompagnée d'une formation du personnel, et de la mise en place d'une organisation spécifique. «Vous aurez beau mettre un nombre infini d'extincteurs, si vous n'avez pas formé votre personnel à son utilisation, il ne servira à rien. De la même manière, le code du travail prévoit à partir d'un certain nombre de salariés la constitution d'une équipe de secourisme interne: ce sont des employés de l'entreprise qui sont formés pour délivrer les premiers gestes de secourisme», explique Abdeslem Zriba. Au-delà de cet aspect repris par le code du travail, il y a également toute l'organisation à établir et à travailler autour des plans d'évacuation par exemple. D'abord les plans d'évacuation doivent être établis selon certaines normes, et être régulièrement mis à jour. Seulement, encore faut-il encore organiser régulièrement des simulations pour s'assurer que les employés repèrent les lieux où ils sont affichés et sachent effectivement les lire. «La sécurité n'existe pas sans le trio «matériel, formation, organisation», conclut Zriba.
Enfin, dernier paramètre dans la sécurité, et qui plus est dans la sécurité incendie, il faut également parler d'assurance. Car les assureurs sont très impliqués dans la sécurité incendie. Au Maroc, l'assurance incendie comme chacun sait n'est pas obligatoire… sauf si l'entreprise a contracté un crédit bancaire et que dans ce cadre, elle y est contrainte. Dans le cas de l'incendie, la prime est comprise entre 0,1% et 0,2% des capitaux. Seulement ce qu'il faut savoir, c'est que les assureurs accordent des abattements sur les primes en fonction du système de sécurité incendie installé. En France, les professionnels se servent même directement des règles APSAD (règles techniques élaborées au sein de la Fédération Française des Sociétés d'Assurances) pour installer les différents systèmes de sécurité (cela va du simple extincteur au détecteur de fumée), et ce dans le but justement d'être en conformité avec les assureurs. Bien entendu, pour que ces abattements soient accordés, l'assureur doit pouvoir vérifier le bon fonctionnement de ces installations à tout moment.
«Si aujourd'hui, il est vrai que l'équipement en matériel de sécurité ou encore la formation ou l'assurance sont loin de constituer un automatisme auprès de nos industriels, ils restent malgré tout un problème majeur auquel fait de plus en plus face notre industrie. Les constructions en hauteur dans l'industrie, poussées par la cherté du foncier, sont une véritable poudrière à retardement», conclut notre expert assermenté.
Et figurez-vous que dans la zone industrielle de Lissasfa justement, la plupart des constructions sont au minimum en R+1. D'ailleurs, à en croire une source proche du dossier, si le roi Mohamed VI a donné l'ordre de constituer une commission interministérielle pour faire le point sur les mesures réglementaires notamment en matière de sécurité incendie, c'est bien parce que le flou le plus total règne en la matière.
A croire que les catastrophes passées (Dolidol, Samir,…) n'ont pas servi de leçon. «La grande différence entre ces incendies et celui de Lissasfa, c'est qu'il y a un grand nombre de morts. D'autant plus que dans les cas que vous citez, ces entreprises étaient dotées «du minimum légal» en matière de sécurité incendie. Pour la petite histoire, suite à l'incendie, Dolidol a été contrainte pour sa nouvelle usine de construire uniquement en rez-de-chaussée puisque dans l'industrie, le simple fait de construire sur plusieurs niveaux constitue un risque incendie majeur», conclut un expert en incendie.
Mobilia et Kitea, clients
de Rosamor
Nous sommes loin des modèles économiques qui rejettent toute idée de collaboration avec des entités qui ne répondent pas aux normes internationales des conditions de travail comme Puma, Adidas ou d'autres marques qui font de cet impératif un élément déterminant de leur politique marketing. Il se trouve que parmi les donneurs d'ordre de l'entreprise incriminée, en l'occurrence Rosamor, on peut citer deux enseignes nationales dites structurées et fonctionnant selon un mode de management moderne. «Tout semblait correct», explique à ce propos Hasna Idrissi Kabbaj pour le compte de l'enseigne d'ameublement Mobilia. Rosamor était l'un de leurs fournisseurs depuis pratiquement quatre années. «Nous étions satisfaits de la qualité du produit fini et du respect des délais de livraison». En effet, que demander de plus ? En tant que donneur d'ordre, Mobilia fournissait le tissu et la fabrication en était confiée à Rosamor. «Les mousses qui servaient à confectionner les matelas des salons étaient de qualité», poursuit Hasna Idrissi Kabbaj. Une interrogation subsiste toutefois. Une entreprise structurée, organisée selon des règles modernes de management, dont le département des achats s'occupe des transactions en fourniture, ne se penche-t-elle pas davantage sur le mode de fonctionnement de ses partenaires ?«Nous ne rentrons pas dans le détail. Nous ne nous soucions pas de savoir si l'usine répond aux normes de sécurité. Ce qui nous importe le plus, ce sont les délais de livraison et la qualité du produit fini». Y a-t-il eu des pertes enregistrées? «Pas spécialement, ce n'était pas notre fournisseur permanent», répond la responsable de Mobilia. Pour sa part, Kitea, enseigne active dans le même secteur que l'entreprise précédente, préfère ne pas être citée sur la question. Mais au final, ce que l'on peut retenir, c'est que la relation entre donneurs d'ordre et Rosamor témoigne d'une chose: la frontière entre le formel et l'informel tend à s'estomper. Si de telles entreprises (Rosamor) continuent à prospérer en toute illégalité, c'est que les commandes ne tarissent pas. Réformer de fond en comble le système administratif ne se fera pas du jour au lendemain, en revanche, pousser les opérateurs économiques à «moraliser» leur processus d'achats participerait sûrement à éviter un tel sinistre et notamment ses conséquences.
Les révélations de Tectra, une des boîtes d'intérim de Rosamor
De nombreux supports ont mis en Une les photos « choquantes » des victimes du terrible incendie. L'émoi populaire y est à son comble. Certaines d'entre elles sont parvenues au sein de l'établissement à travers des sociétés de recrutement d'intérimaires. C'est ainsi que deux principales entreprises ont fourni Rosamor en ressources humaines: Sherpagad et Tectra. Lorsque Challenge Hebdo est entré en contact avec cette dernière, son comportement a été révélateur du malaise que doivent ressentir ces sociétés: avoir fourni un contrat de travail avec à la clé une mort atroce. Voilà ce que l'intéressé a commencé par nous dire:« vous êtes les premiers journalistes à nous avoir contacté ». Mais après avoir accepté un rendez-vous dans l'après-midi du 29 avril, le responsable de Tectra, à travers son assistante, annule l'entrevue. «Nous sommes désolés, mais M. Gaudiau ne peut pas vous recevoir. Les seules questions auxquelles nous répondrons seront celles du ministère de l'Intérieur ». Que s'est-il passé ? Il est pratiquement certain
que cette décision a été prise sur les conseils «avisés» d'un avocat. «Nous ne pouvons pas nous prononcer, mais je peux vous dire que nous sommes en règle. Nos intérimaires sont déclarés et assurés. D'ailleurs, les dossiers ont été transférés chez notre assureur, en l'occurrence Axa Assurance», a déclaré au départ le responsable de Tectra. Et de continuer : «nous avons remis tous les dossiers et nous suivons toutes les instructions du ministère de l'Intérieur». Nous réussirons tout de même à récolter quelques indications quant à la procédure suivie par une boîte d'intérim dans le cadre des prestations qu'elles proposent. C'est ainsi que pour chaque client, une fiche détaillée est élaborée. Puis, des enquêteurs sont dépêchés pour prospecter les lieux où travailleront les recrues. Il semble selon toute logique que le but de ce déplacement est de se pencher sur les conditions de travail. Par ailleurs, les employés «temporaires» de
Rosamor ont vu leurs contrats à durée déterminée renouvelés à plusieurs reprises. C'est à se demander comment la boîte d'intérim n'a pu s'apercevoir au cours de ses visites des conditions de travail plus que précaires qu'offrait Rosamor. Une question qui conduit de nouveau tout droit à l'éternelle problématique de la professionnalisation du secteur. Espérons juste que de tels incidents activent le processus et contribuent à la mise en place d'une filière de l'intermédiation se souciant davantage des conditions de travail des employés que de l'augmentation de leur chiffre d'affaires.
Le référentiel OHSAS 18001
Pour les entreprises et industriels qui souhaitent mettre en place les infrastructures nécessaire pour assurer une certaine sécurité sur leur lieu de travail, il existe un référentiel. Cette spécification d'origine britannique OHSAS 18001 (pour Occupational Health and Safety Assessment Series ) précise les règles pour la gestion de la santé et la sécurité dans le monde du travail. OHSAS 18001 est un outil basé sur le volontariat dans le but de maîtriser les risques sur la santé et la sécurité au travail et d'améliorer les performances. C'est un référentiel contenant des spécifications pouvant être utilisées par tout organisme quel que soit sa taille et son implantation dans le monde. Attention, ce n'est pas une norme qui impose des moyens quant à la satisfaction de ses exigences. C'est un texte qui permet d'anticiper, notamment la conformité à la réglementation.
Son objectif est de fournir aux entreprises le souhaitant un support d'évaluation et de certification de leur système de management de la santé et de la sécurité au travail, compatibles avec les autres référentiels internationaux de système de management. Ce référentiel est né en 1999 dans l'espoir de la création d'une norme ISO en la matière. Mais l'ISO n'a pas décidé de produire la norme attendue. Finalement c'est l'Organisation Internationale du Travail qui s'est trouvée plus à même de remplir ce mandat avec l'édition du référentiel international ILO-OSH 2001 «principes directeurs des systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail» en 2001 (sans que l'ISO souhaite collaborer à ce travail).
La promotion de l'OHSAS a été assurée au niveau international par les organismes de certification. Quant à l'OHSAS 18 002, il s'agit de lignes directrices, sorte de boite à outils nécessaire pour la mise en place d'une démarche S&ST selon le référentiel OHSAS 18 001.


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