La nouvelle campagne agricole s'annonce sous de bons auspices, grâce vraisemblablement à une bonne saison des pluies et à certaines mesures prises. Cependant, les principales revendications des professionnels sont restées lettre morte. Analyse. Annoncées en grande pompe samedi dernier à Fès, les mesures prises en faveur de la campagne agricole 2011-2012 ne s'avèrent être que des mesurettes, selon nombre de professionnels sondés. «Cette période est la plus propice à la sécheresse. C'est pourquoi les besoins en aliments de bétail se feront de plus en plus pressants. D'où la nécessité, pour l'Etat, de subventionner ce volet sur tout le territoire et non pas seulement en faveur de quelques régions comme l'Oriental ou le Sud», nous déclare Zniber Seddik, président de l'association marocaine des bovins. Une déclaration en réaction à la proposition du ministre de l'Agriculture et de la Pêche Aziz Akhannouch, celle de réduire le taux de la TVA de 17 % à 7% pour tous les aliments de bétail. Mesure salutaire mais insuffisante.D'ailleurs, cette proposition n'est pas près de voir le jour, étant donné le report de l'adoption de la loi de Finances 2011. Et, même si elle l'était, elle ne serait pas effective pour cette campagne agricole. Sur le registre des denrées de base, Seddik nous rappelle que leurs prix ont connu des hausses vertigineuses ces dernières années. Les prix de revient du maïs, l'orge ou du tournesol ont connu des hausses de plus de 50 % cette dernière année, pour se hisser à plus de 3,5 dirhams le kilo pour quelques denrées, alors que le prix à la production est resté le même. «Il faut que l'Etat prenne des décisions concrètes pour subventionner ce volet», ajoute Seddik. Même son de cloche du côté de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (Comader). Son président Ahmed Ouayach insiste sur le fait qu'il urge de venir en aide aux petits agriculteurs. Selon lui, les mesures prises sont conventionnelles, et il n'y a pas eu de véritable nouveauté cette année. «Nous exigeons que l'Etat prenne en main le dossier de la restructuration du secteur de la betterave et l'application de l'accord de libre-échange avec l'UE, que l'on attend depuis trois ans déjà», rappelle-t-il. Toutefois, Ouayach ne nie pas que l'assurance agricole est une nouveauté salutaire. « c'est une bonne mesure mais il est encore prématuré de porter un jugement sur cette assurance. On doit attendre sa vulgarisation. Cependant, il faut l'adapter aux attentes des petits agriculteurs en y intégrant une accélération de leur encadrement», ajoute-t-il. Un encadrement qui ne sera effectif que si les organes régionaux relevant du département de tutelle (ORMVA, directions régionales et Centres de travaux ) deviennent réellement impliqués dans ce processus. Akhannouch vient d'annoncer que les petits agriculteurs seront exonérés des frais des eaux d'irrigation au titre des campagnes agricoles antérieures à 2008, à concurrence de 10 000 dirhams, avec l'exonération des intérêts et le rééchelonnement des créances dépassant ce montant. Ensuite, en matière d'arboriculture fruitière, une enveloppe de l'ordre de 60 millions de dirhams sera consacrée aux directions régionales de l'Agriculture pour l'acquisition des plants d'arbres fruitiers et de palmiers dattiers.Enfin, en matière de production animale, il est proposé de fixer à 7 % la taxe sur la valeur ajoutée appliquée à tous les aliments de bétail, d'exonérer les produits gras d'origine végétale entrant dans la composition des aliments de bétail (2,5 %), et de continuer d'exonérer l'importation des bovins des droits de douane et de la TVA (10 %). Pour ce qui est des 1,3 million de quintaux de semences sélectionnées et qui seront mobilisés pour approvisionner le secteur, Ouayach nous rappelle que cette mesure ne relève pas du registre des nouveautés, puisque la campagne agricole de l'année dernière a bénéficié du même volume de semences. Même constat pour les subventions, étant donné que le secteur en bénéficie depuis plus de vingt ans. De ce fait, les agriculteurs attendent des prises de décisions qui concerneraient des réformes structurelles, comme l'arrêt du monopole dans le secteur des engrais qui les prend toujours en otage.Ouayach va plus loin : «Il faudra revoir le Plan Maroc Vert en adopter une nouvelle lecture de ce dernier prennant en compte les principaux soucis du petit agriculteur». Cette réaction n'est pas fortuite, car le secteur est en perte de vitesse surtout en termes de production. À titre d'exemple, il y a 20 ans, la production du tournesol avoisinait les 200 000 hectares. Aujourd'hui, elle n'est que de 10 000 hectares! Autre exemple : alors que le Maroc couvrait ses besoins en sucre à hauteur de 60 %, il y a une dizaine d'années, ce taux n'atteint aujourd'hui que 30%. C'est dire que la situation nécessite que l'Etat remette en question les mesures prioritaires, comme l'intensification et la généralisation des subventions, ou encore l'ouverture du secteur sur la concurrence et faire disparaître les monopoles qui le tirent vers le bas . Pour conclure, Féniri Ben Mbark, président de l'Association des ovins et caprins (Anoc) reste optimiste malgré les quelques défaillances que connaît le secteur. Selon lui, la prochaine campagne s'annonce bien, mais dans la perspective d'une bonne pluviométrie. Les mesures concrètes, elles, peuvent attendre, la pluie fera le reste !