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Les filles sans joie de Saïdia
Publié dans Le Soir Echos le 25 - 09 - 2011

Marrakech et Agadir ne sont pas les seules villes où la prostitution monte en flèche. A Saïdia, le coût de la vie de plus en plus élevé, le chômage et des situations familiales précaires poussent de nombreuses femmes à se prostituer. Reportage.
Une heure du matin, un samedi soir à Saïdia. Le sourire en bannière et le décolleté à tout vent, Asmae entame sa nuit. Du haut de ses douze centimètres de talons rouges, elle entre dans une boîte de nuit de la marina. Des effluves sonores de musique orientale et de raï s'échappent du lieu. Sous les néons rouges, des tablées d'hommes se dessinent, agrémentées de chicha et de bouteilles d'alcool. Originaire de Rabat, celle qui se fait surnommer « Shakira » en raison de sa flamboyante chevelure blonde, se prostitue depuis un an à Saïdia. « Je ne sors pas tous les soirs pour travailler. La journée, je suis serveuse dans un restaurant de la marina, mais cela ne me fait pas gagner assez. Dans l'Oriental, il n'y a pas de vrai travail avec un bon salaire pour les femmes. Alors je n'ai pas le choix », résume-t-elle. Ces « extras », elle les monnaye entre 700 et 800 dirhams au printemps et 1 000 dirhams en été. Fraîchement divorcée, elle transfère une grande partie de l'argent à ses sœurs qui gardent sa petite fille de 4 ans à Rabat. « Mes sœurs ignorent le travail que je fais », avoue-t-elle.
«Je me prostitue depuis mes 17 ans. Je le fais toujours avec la peur au ventre. Même après tant d'années, c'est toujours aussi difficile. On ne s'habitue jamais».
Fatima
Une demi-heure après son entrée dans la boîte, Asmae se dirige vers le bar, un homme l'y a invité à coups d'œillades insistantes. Ses clients sont principalement des Rifains, quelques Marocains émigrés en haute saison, et occasionnellement des étrangers. « C'est toujours dangereux, on ne sait jamais sur qui on tombe. Les Rifains sont souvent très violents », confie Asmae.
Sur la piste, les filles dansent tandis que les hommes les regardent en buvant. « A cette heure-là, impossible de trouver une fille qui ne soit pas une prostituée ici », juge Yassine, jeune étudiant oujdi attablé avec trois amis. Depuis la création de la station balnéaire en 2008, le phénomène de prostitution a pris de l'ampleur. « Elles sont de plus en plus nombreuses. La région était vide avant, alors c'est un marché vierge. Saïdia est connue pour cela maintenant », raconte Rachid, patron d'un restaurant de la marina, avant de poursuivre « Dans l'Oriental, les femmes et les hommes sont séparés depuis l'enfance. Du coup, dès qu'ils peuvent se le permettre, et notamment avec l'argent des trafics, les Rifains viennent dans les boîtes et ils payent. On laisse faire et on ignore le problème parce que la prostitution fait partie du développement économique de la région », estime-t-il.
3h du matin. Debout dans un coin, Fatima attend de trouver un client. Les yeux tristes, cette jeune trentenaire longiligne originaire de Khémisset parle de sa vie d'une voix monotone, se tordant nerveusement les mains. « Je me prostitue depuis mes 17 ans. Je le fais toujours avec la peur au ventre. Même après tant d'années, c'est toujours aussi difficile. On ne s'habitue jamais », confie-t-elle, le regard dans le vide. Les risques encourus à chaque client sont nombreux : le vol, les violences, voire le viol. Quant aux maladies sexuellement transmissibles, elle connaît les risques et avoue en avoir peur. Elle brandit fièrement des préservatifs qu'elle garde toujours dans son sac. « Je les ai toujours sur moi, mais lorsque je demande, ils ne veulent jamais. Pour les Rifains, mettre un préservatif c'est hors de question. Seuls des étrangers acceptent. Les Rifains ne savent même pas ce que c'est ».
Après un passage à Dubaï, puis à Assilah, Fatima est arrivée il y a 3 ans à Saïdia un peu par hasard. Elle pensait aller à Mélilia, mais a renoncé devant le coût de la vie trop élevé. « Ici à Saïdia, la concurrence est moins dure qu'à Marrakech ou à Casablanca », estime-t-elle, avant de poursuivre « Mais cela augmente. La plupart des filles viennent des grandes villes, mais on voit aussi apparaître des filles du coin, de Berkane, Oujda ou encore Sidi Slimane ». Et pour cause, pour les jeunes filles issues de familles modestes, et souvent monoparentales, il n'est pas facile de trouver un emploi. Passant d'une population de 10 000 habitants à 50 000 l'été, la station balnéaire propose surtout des emplois saisonniers, principalement aux hommes. De plus, à Saïdia, la plupart des jeunes filles ne poursuivent pas leurs études en raison des établissements scolaires souvent situés à des kilomètres de leur domicile.
«Mon père a quitté ma mère lorsqu'elle était enceinte de mon petit frère. Je suis l'homme du foyer».
Leïla.
C'est notamment le cas de Leïla, originaire d'Oujda et âgée de 19 ans, qui vient de commencer à se prostituer depuis 6 mois. La raison ? « La misère », résume-t-elle, en détournant ses grands yeux bleus aux longs cils. Elle rêvait il y a quelques mois encore d'être avocate puis tout a basculé un été. « Avant je travaillais comme serveuse, on m'avait déjà fait des propositions mais je refusais. Puis l'été de mes 18 ans, un homme m'a violée alors que j'étais encore vierge », explique-t-elle. Elle ne porte pas plainte mais commence à se prostituer. Même si elle refuse d'en parler directement, une de ses compagnes nous confie que c'est la mère de Leïla qui la pousse à la prostitution pour l'argent. « Mon père a quitté ma mère lorsqu'elle était enceinte de mon petit frère. Je suis l'homme du foyer », explique-t-elle simplement avant d'avouer « Mais j'aimerais arrêter, je pense des fois à quitter ma maison. Je voudrais faire des études et me marier ».
Changer de vie, elles l'ont toutes imaginé plus d'une fois « J'aimerais arrêter mais c'est trop tard pour recommencer une autre vie », se désole Asmae, qui fait languir son client en espérant obtenir un meilleur prix. Les yeux brillants, elle tire une photo de son portefeuille et nous montre sa petite fille de 4 ans. « Je garde le sourire, mais des fois, je n'arrive même pas à manger ou à dormir. Je reste des fois les yeux ouverts la nuit à penser à ma fille. La distance me fait souffrir, mais je tiens le coup ». En attendant, comme ce soir, elle négocie son corps jusqu'à à 5h du matin, où elle accepte de partir avec le client du bar pour 1 500 dirhams.
Même écho chez Selma : « Arrêter ? C'est mon rêve », nous confie-t-elle laconiquement, avant d'ajouter « J'aurais aimé avoir un autre travail. Maintenant, je n'y pense même plus, il n'y a pas d'emploi pour moi. Même en étant serveuse, tu ne gagnes pas bien ta vie, juste à peine pour le loyer. J'aimerais que quelqu'un nous aide. Je suis fatiguée ». Mais déjà, elle se lève et rejoint un homme à la table d'à côté.


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