Abordant une démarche à faire rougir de jalousie ses consoeurs, le prostitué homosexuel cache bien son jeu. Ne vous fiez pas aux apprences, ces gens là ne sont pas des tendres. À les voir faire les cent pas sur leur trottoir préféré, esquissant une démarche 100 % sensuelle où déhanchement se marie à une gestuelle féminine méticuleusement exécutée, le commun des mortels risquerait de les prendre à la légère. Avec leur allure de gays en puissance, ils cachent une tout autre réalité. On a coutume de dire que l'habit ne fait pas le moine, on ajoutera que la démarche du prostitué n'en fait pas forcément un tendre. Morale : ne vous fier pas aux apparences, elles sont souvent trompeuses. Alors que nous allions débuter notre enquête, on nous a conseillé de «faire attention» et de ne pas les «aborder seuls» … Avouons que ces conseils nous ont fait sourire. Imaginer un prostitué dans la peau d'une «brute épaisse» était assez marrant. On avait tort de se marrer ! Le petit «pédé sympathique», ce n'est pas lui que vous allez trouver, à minuit, en train de zoner dans les sombres ruelles de Casablanca. C'est plutôt le bas de gamme que vous allez rencontrer. Des «prêts à tout» pour rentabiliser leur soirée, à l'image de leur clientèle : généralement des bisexuels enivrés et frustrés par leur statut de père de famille nombreuse. Bref, c'est le même style de vicelards qui ont l'habitude de faire le tour des lycées de jeunes filles. Les prostitués homosexuels ne sont jamais seuls. Vous les trouverez en petits groupes de trois à quatre. Assez pour se protéger contre les agressions des machos et aussi pour agresser au cas où le client se révèle être un pigeon. Malgré l'étiquette «d'homosexuels», ils sont réputés être très agressifs. À travers leurs tournées nocturnes, ce n'est pas le plaisir qu'ils cherchent, mais le fric. Leur corps n'est qu'un outil, un moyen comme les autres, de gagner leur vie. Dans les coins chauds de notre capitale économique, les cas d'agressions commis par des prostitués homosexuels sont très fréquents. Le vol en fait très souvent partie. Homosexuel, Hassan n'est pas un prostitué, mais en l'absence de son mec (constamment en voyage), il va faire un petit tour du côté du jardin de la ligue Arabe. Il fait son choix, et consomme sur place dans un taillis bien en retrait. Bouchra, le prostitué «consommé», a aussi comme profession pickpocket. Il subtilise le portefeuille de son client et prend la poudre d'escampette. Un vol qui ne sera pas puni, puisque Hassan n'oserait jamais raconter sa mésaventure. Ayant du mal à cacher son homosexualité, porter plainte serait se jeter dans la gueule du loup. D'ailleurs, les rares cas où les «victimes» ont eu le courage de porter plainte, précisons-le pour vol, se sont soldés par un échec. N'ayant rien à y gagner, sinon le deshonneur, les clients retirent souvent leurs doléances. En niant tout rapport sexuel (qualifié de prostitution), le client perdra la face, puisque le prostitué le clamera haut et fort. Et ce sera sa parole contre celle du plaignant. Ok, vous pouvez concevoir que le prostitué est peut-être un pickpocket, mais de là à être un individu dangereux… C'est une autre affaire. En voici un topo. Jaâfar ne prétend pas être homo, ni bi-sexuel non plus. Pourtant, quand il est bourré, il ne fait pas la différence entre hommes ou femmes. Quand l'occasion se présente, il fonce… Wafaâ, par contre, comme il aime qu'on l'appelle, est prostitué. Ses clients, il les chope à la sortie de bars du centre ville. Un petit déhanchement «sexy» par ci, un clin d'œil coquin par là, et le tour est joué. Sans grande surprise, Jaâfar mord à l'appât. Il tente une approche, titubante, mais qui réussit quand même. Et le voilà à faire causette avec le prostitué. Ils traversent le boulevard puis prennent la première ruelle à gauche. Le chemin est sombre, mais apparemment Jaâfar est confiant, il laisse son partenaire mener la marche. Et sans prévenir, Wafâa lui fausse compagnie. Ça se passe si vite que le client n'a pas le temps de réfléchir. D'ailleurs, si vous lui posez la question : qu'est ce qui t'est arrivé à la sortie du bar ? Il ne répondra pas. Disons qu'il préfère oublier tout ce qui s'est passé cette nuit-là. Au moment où Wafaâ se barre en courant, un colosse sort de nulle part et mobilise l'inconscient. Deux autres inconnus font leur apparition sur scène et empoignent le malheureux par les pieds. Ils l'entraînent dans un immeuble abandonné, le rossent de coups et lui piquent tout ce qu'il a de précieux. Ancienne ruse de prostituées, les homos se la sont appropriés. Le groupe, généralement formé par quatre individus, pas forcément tous des prostitués homosexuels, ne craint pas les risques de plaintes. Evidemment, ils sont minimes puisque les agressés préfèrent éviter la honte. À Casablanca, la criminelle a recensé une dizaine d'association de malfaiteurs œuvrant de la sorte. Neuf d'entre elles ont été démantelées. Subsiste encore une. Amateurs de bar et de boîtes de nuit, prenez-en note. Une Wafaâ peut en cacher trois autres. Et elles ne sont pas des tendres.