Salé accueille du 19 au 24 septembre le 5e Festival international du film de femmes de Salé, pour une programmation riche et placée sous le signe de la diversité. Tour d'horizon. E comme émotion, F comme femme, H comme hommage. Tels sont les maîtres-mots de cette cinquième édition du Festival du film international de femmes de Salé. Des habitants rassemblés massivement pour rendre hommage à leurs stars, Mohamed Majd, Driss Roukh, Amal El Atrache. Des regards croisés, des récits narratifs issus d'aires géographiques contrastées prenant leur source au Maroc, leur envol sur le continent noir, faisant halte en Europe pour une programmation riche, avant tout placée sous l'angle de l'humain. Les noms évocateurs d'histoires de femmes, de l'Afrique, de l'humanité représentant la vitalité et la réalité ivoiriennes, suisses, françaises, vietnamiennes, égyptiennes, maliennes, australiennes ponctueront cette semaine, où sont réunis le public, la profession et la critique. Quelle autre ville, mieux que Salé, terre des apatrides, des flibustiers, des esprits libres, pouvait accueillir un événement cinématographique faisant la part belle aux premiers films et aux œuvres indépendantes féminines ? «Je tiens à remercier le directeur de ce festival, les membres du jury et les organisateurs, car cet hommage renforce mon combat personnel et celui de l'équipe du 15e Festival du film de femmes à Ankara », a déclaré la féministe turque Halime Güner, manifestement émue, et à laquelle le festival a rendu hommage lors de la cérémonie d'ouverture, le 19 septembre dernier. Engagé pour le combat des femmes en Turquie aux premières heures, Halime Güner a œuvré dans les services sociaux entre 1975 et 1990, puis à l'organisme général des statuts et des problèmes féminins en 1990. Toujours soucieuse des droits de ses sœurs, elle embrasse la fonction de conseillère auprès du ministère chargé de la Femme et de la Famille, avant de prendre sa retraite en 1996 et de créer l'association Le Balai volant, destinée à améliorer la communication, l'interaction, la coopération entre les organisations et les femmes. Figure emblématique du féminisme turc, elle s'est engagée sans jamais se départir de sa lutte pour l'égalité des sexes dans son pays. Ce même pays, dont un fait divers a inspiré le réalisateur franco-roumain Radu Mahaileanu, qui a présenté au public de Salé, en avant-première marocaine et arabe : La Source des femmes. L'opus, situé à Warielte à 50 km de Marrakech, avait en effet représenté les couleurs du Maroc au 64e Festival de Cannes, où il a créé la surprise. L'histoire de femmes originaires d'un village, décidées à faire la grève de l'amour si leurs hommes – époux, frères, fils – ne participent pas aux tâches difficiles. Tourné durant plus de quatre mois au plus profond de la cité ocre, La Source des femmes réunit en haut de l'affiche Mohamed Majd, Amal El Atrache, Malek Akhmiss, Farida Bouazaoui, Saad Tsouli, Omar Azouzi, Biyouna, Leïla Bekhti, Hafzia Herzi. « Bien qu'originaire des Balkans, j'ai souhaité transmettre le message d'amour de ces femmes vivant à Warielte. Je remercie les productrices Souad Lamriki et Bénédicte Bellocq, tous les comédiens, mes amis marocains. Un grand merci à ce festival du film de femmes, au Centre cinématographique marocain, au directeur du festival, pour m'avoir fait cet honneur. Pardon pour l'accent de certains comédiens qui parlent en darija. Nous travaillons actuellement à ce que leur usage de la darija n'ait plus d'accent », a précisé Radu Mihaileanu. C'est une coproduction entre le Maroc (Agora Films) et la France (Elzévir et Oïe Oïe Oïe Production). D'ailleurs, les producteurs français présents, Denis Carot et Marie Masuonteil, ont confié au Soir échos avoir été sensibles à la thématique féminine et environnementale : la place de la femme. «Le cinéma est une aventure sur le monde. nous avons tourné en Roumanie, au Tadjikistan et en Argentine ». C'est avant tout le souvenir des habitants de Warielte qu'ils retiennent de cette aventure humaine : «Ce tournage au Maroc a été exceptionnel. Les 300 villageois n'ont jamais cessé de nous offrir ce qu'ils avaient. Des liens forts se sont tissés entre eux et l'équipe de comédiens et de techniciens», ont-ils conclu. Le public marocain a été particulièrement réactif à certains temps fort de La Source des femmes, notamment les séquences mettant les femmes du villages aux prises avec leurs époux. Les esprits ne sont pas près d'oublier la réplique de l'actrice Leïla Bekhti, disant «J'existe» à son mari lorsque celui-ci lui demande ce qu'elle veut. Deux mots rappelant que la femme aspire à sa dignité et à sa liberté, au même titre que l'homme. Traversé de dureté mais également d'un souffle poétique, cet opus offre un regard appuyé sur «l'Islam des Lumières », comme aime à le rappeler le cinéaste, qui s'est longuement documenté avant de s'attacher à évoquer ce projet. « L'Islam était la religion la plus progressiste en ce qui concerne les droits des femmes du temps où l'Europe n'avait même pas conscience de la valeur de la femme», ajoute-t-il. Un discours que la vieille Europe n'est pas accoutumée à tenir, mais auquel elle peut s'ouvrir et qu'elle peut entendre, si La Source des femmes lui est, en quelque sorte, conté lors de ses sorties en salles à venir. Pour le comédien Malek Akhmiss, la présentation de ce film «est une profonde fierté». Et d'ajouter : «Je suis très heureux d'avoir participé à la fabrication de ce film aux côtés de comédiens franco-maghrébins, palestiniens, algériens, nous avons formé une véritable famille, à l'issue de quatre mois de tournage». La Source des femmes sort en France le 2 novembre et au Maroc le 9 novembre prochains. Beau dessein d'humanité et d'ouverture à autrui.