Paris, Rio, les territoires palestiniens occupés, rien n'échappe à l'œil de JR, photographe qui affiche, sans détours, ses positions politiques. Photographe armé de son 28 mm, en quête de chaire urbaine destinée à alimenter le corps de ses travaux, JR, ne cesse de fixer ses frères humains dans leur vérité. Son objectif ? Sortir des sentiers battus : défricher les angles morts, montrer les exclus, les oubliés, les ténébreux de Paris, Rio, Tunis. « Plus le monde va mal, plus il faut regarder de la peinture », disait Paul Klee. Pour JR, plus le monde va mal, plus il faut le donner à voir au plus grand nombre, l'immortaliser à coups de clichés mais aussi d'humanité. Alors en 2004, son appareil en bandoulière, il n'hésite pas à passer derrière le périph pour « shooter » le bitume, celui des murs de la cité des Bosquets à Montfermeil, en banlieue parisienne. JR aurait pu se tourner vers des sujets cosy, aseptisés, du côté de la vie calme de l'ouest parisien, il préfère au contraire se frotter à la fureur du monde, aux espaces décadents, aux êtres qui sont à la marge. Toujours sur une ligne de faille. Cette cité est le théâtre de départ d'émeutes sociales en novembre 2005 ; 10 000 véhicules y sont incendiés au cours du mois. Les regards des politiques de toutes les franges, convergent vers ce qu'ils ont refusé de voir durant plusieurs décennies : l'abandon, l'isolement, l'exclusion des enfants de la République. Liberté, Egalité, Fraternité est à présent un jeu de dupes. Les petits frères ne sont plus motivés à être bardés de diplômes comme leurs grands frangins, restés sur le carreau, incapables de briser le plafond de verre du faciès à l'embauche… En 2006, JR n'oublie pas et s'installe aux Bosquets avec Ladj Ly, un artiste du quartier. Afin de tordre le cou aux préjugés qui leur collent à la peau, inscrits dans l'inconscient du voisin blanc qui vit intra muros, dans la capitale lumière, Jr et Ladj Ly photographient la jeunesse des Bosquets dans des poses menaçantes, histoire de caricaturer à l'excès leur image de bad boys. Le projet « 28 mm » – « Portrait d'une génération » voit le jour. Ces photos grand format fleurissent les murs de la cité et ceux des quartiers bobo de la capitale. La représentation médiatique de ces jeunes, de cette génération nan nan, en mal de vie et d'expression ne peut plus être cantonnée à des mots. L'image, leur visage, leur regard, leur sourire disent leur singulière histoire. L'élan de JR se poursuit, celui qui se définit « artiviste » trouve sa terre promise au proche-Orient en 2007. Le photographe y use de son art comme cheval de Troie, mené à dessein d'humanité. Il sillonne huit villes de part et d'autre du mur de séparation et réalise avec Marco « Face to Face ». Les héros anonymes palestiniens et israéliens tiennent la pose face à face à Hébron, Jérusalem ou Ramon pour la bonne cause : l'action artistique au nom de l'ouverture à l'autre. Il s'agit là, de la plus grande exposition illégale jamais aboutie. La finalité prend sens lorsque le passant palestinien interroge JR face aux portraits qui tapissent les murs de la ville, le sujet est-t-il israélien ou palestinien : «Lequel est lequel ? » « - Ah ! C'est un ami à nous » ou encore « Il est drôle celui-là, il est du Hamas ? », « Il est bien palestinien ! ». Réponse de l'artiste : « Non, il est israélien… ». Autre jalon dans l'itinéraire atypique de JR, « Women are Heroes ». Périple auquel il s'attèle en 2008 et destiné à mettre en lumière la dignité des femmes. L'objet de ce projet a de plus, donné matière à un film sorti sur les écrans en janvier 2011. Enfin le 2 mars 2011, lors de la conférence TED qui se tient en Californie, JR toujours animé d'idées inattendues lance un appel à la création de projets artistiques « inside out », à partir de de ses méthodes de collage de photos en grand format. La réponse vient d'un pays qui vient de souffler son printemps, deux semaines après l'annonce, le premier projet de cette série débute : «Artocratie » en Tunisie. JR et six photographes tunisiens photographient la population sans distinction d'âge ni de classe sociale. Là où les médias crient au loup, JR s'attache à disséquer les véritables acteurs de la planète.