Les juges créent leur association malgré l'interdiction de l'Intérieur. Le Club des juges du Maroc, déçu par l'action de l'Amicale hassania des magistrats, promet de faire mieux. Une première ! Près de 400 magistrats, venus des différentes régions du pays, se sont rassemblés samedi dernier devant l'Ecole nationale de l'industrie minérale (ENIM) de Rabat, pour créer leur association baptisée « Club des juges du Maroc ». Nos juges ont voulu, par cette action sans précédent, braver l'interdiction du ministère de l'Intérieur. C'est que l'Assemblée générale constitutive du «Club des juges du Maroc» devait avoir lieu dans les locaux de l'ENIM. Cependant, l'accès leur a été refusé. « Cette interdiction est pour nous un cadeau de l'Intérieur. Cela nous a permis de tenir notre Assemblée constitutive sur la voie publique, devant tout le monde ». Mohamed Anbar, vice-président du Club des juges du Maroc. « Le directeur de l'ENIM nous a clairement affirmé qu'il avait reçu des instructions de la part de parties hautement placées au sein du ministère de l'Intérieur pour interdire cette réunion. Nous avons loué ces locaux et nous avons tous préparé l'AG. Nous avons suivi les procédures en vigueur. A notre surprise, on attend jusqu'à la dernière minute pour nous annoncer la décision d'interdiction», s'indigne Mohamed Anbar, vice-président du Club des juges du Maroc. Et de poursuivre : « Nous ne savons pas qui exactement a donné l'ordre. Nous sommes habitués à ce comportement. On procède par des déclarations indirectes et peu transparentes. Dans tous les cas, nous ne sommes pas prêts à céder. Cette interdiction est pour nous un cadeau de l'Intérieur. Cela nous a permis de tenir notre Assemblée constitutive sur la voie publique, devant tout le monde». Ainsi, en plein air, les juges ont tenu leur assemblée générale constitutive. Après l'approbation des statuts, les magistrats ont procédé à l'élection des instances de leur ONG professionnelle. Yassine Mkhalli a été élu président du Club des juges du Maroc et Mohamed Anbar son vice-président. Une question s'impose : quelles sont les motivations de cette interdiction alors que la nouvelle Constitution accorde à nos magistrats ce droit d'association ? La Constitution stipule en effet dans son article 111 que « les magistrats jouissent de la liberté d'expression, en compatibilité avec leur devoir de réserve et d'éthique judiciaire. Ils peuvent appartenir à des associations professionnelles, dans le respect des devoirs d'impartialité et d'indépendance et dans les conditions prévues par la loi. Ils ne peuvent adhérer à des partis politiques ou à des organisations syndicales ». Les réactions des syndicats de la justice ne se sont pas fait pas attendre. Le syndicat démocratique de la justice, affilié à la FDT ( Fédération démocratique du travail), dénonce avec vigueur, dans un communiqué, les parties qui veulent « saboter » cette initiative « louable qui vise à œuvrer pour l'indépendance de la Justice ». Cette centrale syndicale appelle le Conseil national des droits de l'homme à ouvrir une enquête pour « déterminer les responsabilités ». Le syndicat ne manque pas d'affirmer son soutien à l'association des juges. Après ce tumultueux accouchement, le Club des juges du Maroc se prépare pour les grandes décisions. « De grandes décisions seront annoncées. Le bureau exécutif devrait tenir une réunion cette semaine », renchérit le vice-président de l'association, qui se veut le porte-parole des magistrats. Tout porte à croire qu'une guéguerre entre le Club des juges du Maroc et l'Amicale hassania des magistrats ne tardera pas à éclater au grand jour. « Nous ne sommes pas contre la Widadya Hassania. Nous estimons uniquement que cette organisation, créée depuis 17 ans, n'est pas à la hauteur des aspirations et des ambitions des juges. Depuis sa création à ce jour, elle n'a pas réussi à atteindre les objectifs escomptés et à concrétiser les ambitions des magistrats, à savoir défendre leurs intérêts et leurs droits ainsi que l'amélioration de leur situation, leur qualification….», regrette Mohamed Anbar, vice-président du Club des juges du Maroc. L'ONG promet de remédier à ces lacunes.