Privée ce ramadan de séries-bulldozers égyptiennes ou syriennes, l'audience marocaine reste fidèle aux productions nationales, aujourd'hui foisonnantes. Décryptage. L'engouement des Marocains pour les séries télévisées pendant le ramadan n'est un secret pour personne. Portés jadis sur les productions syriennes et égyptiennes, les férus de séries télé sont aujourd'hui tournés vers le local. Toujours en pleine recrudescence, ces séries prennent plusieurs visages et varient entre le sociétal populaire et le pur comique. Dans ce contexte, le bras de fer entre Al Oula et 2M continue, 2M récoltant la part du lion dans le Top 5 des émissions les plus regardées pendant la première semaine du mois sacré, selon Marocmétrie. Parmi les cinq séries locales qui passent sur 2M : Dima Jirane (56,2% de part d'audience) diffusée à 19h43, Salon Shehrezade à 20h35 (50,1% de part d'audience), Lfhaymia et Hossein et Sofia figurent en tête de liste. Dima Jirane, diffusée après le ftour, est une série comique décryptant légèrement les histoires de quartiers et de voisinage, alors que Salon Sherhrezade nous livre, sur un ton nettement plus sérieux, une succession d'histoires indépendantes, sociétales et comportementales. Sur Al Oula, Une heure en enfer rafle toujours un pourcentage non négligeable d'audience (26%), toujours selon Marocmétrie. Cette série à succès, passant tous les dimanches à 22h15, met en images des épreuves initiatiques puissantes, sur fond de drame social urbain et contemporain brassant toutes les couches sociales. De même, Sawlou Hdidane n'a pas fini d'attirer les masses et figure cette année à la 11e place sur la liste du Top 30 des émissions publiée à l'issue de la première semaine de ramadan. « La production marocaine a atteint une certaine maturité. Il y a dix ans, il n'y avait quasiment pas de feuilletons marocains, ce qui n'est plus du tout le cas maintenant », précise Zouheir Zrioui, directeur des programmes à 2M. Un foisonnement sans précédent, certes, mais qui ne pourrait juguler la turkomanie ambiante. Oui, les séries turques n'ont pas fini de séduire, un constat confirmé par Zrioui: « Les feuilletons marocains et turques sont ceux qui marchent le plus sur nos ondes ». Ces séries, de par leurs intrigues, instaurent une symbiose identitaire palpable, et miroitent un système patriarcal et des valeurs familiales qui attirent grandement les conservateurs que nous sommes. Sila, la série du moment, en est l'exemple vivant, et raconte un chassé-croisé romantique d'un couple sans cesse ballotté entre amour et traditions. Du côté des séries doublées, deux feuilletons mexicains, Estrella et Ayna Abi, font le bonheur des téléphiles. Estrella, diffusée tous les jours sur 2M à 17h45, récolte 45,7% d'audience. Mot d'ordre du mois de ramadan: les séries étrangères ne sont diffusées que pendant la journée. « Aucun programme étranger ne passe entre 18h et 1h du matin, ces heures de pointe étant exclusivement dédiées aux programmes locaux », précise Zrioui. Longtemps réputée pour ses têtes d'affiche et ses séries musclées, la production égyptienne est aujourd'hui en perte de vitesse. Le quotidien égyptien The daily news affirme que la production égyptienne a enregistré une chute de 50% en 2011. Loin de nous les années folles où la vague des séries égyptiennes emportait tout sur son passage, notamment au Maroc. Aujourd'hui, la présence d'un seul feuilleton égyptien, Samara, dans la programmation de 2M, cette année, en dit long sur le positionnement timide de ces séries. Quant à la production syrienne, elle dégringole sans toutefois s'étioler complètement. La Syrie, en proie aujourd'hui à ses propres démons, s'était attelée ces dernières années à booster ses infrastructures de production et à multiplier les succès télévisés, allant jusqu'à détrôner les séries égyptiennes. En témoigne le succès fulgurant de Bab El Harra diffusé sur Nessma TV, saga syrienne sous la colonisation française pendant les années 20 à Damas, qui a bouclé sa saison 5 l'année dernière. Cette année, Jalsat Nisaiya, qui dresse les portraits de 4 femmes représentatives de la société arabe, a réussi à se démarquer ainsi que Al 3chk El Haram qui joue la carte de l'audace, déroulant l'histoire d'un père qui tombe amoureux de sa fille. Pour suivre de près ces pérégrinations levantines ou égyptiennes, les Marocains se branchent sur MBC et ART, les deux chaînes arabes phares qui cumulent capitaux saoudiens et savoir-faire moyen-oriental. Au Maghreb, ces chaînes sont largement implantées et concurrencent les chaînes locales, sans toutefois leur voler la vedette. Entre ART Hikayat, ART Tarab et ART Aflam, et en zappant sur MBC1, 2, 3, 4 et récemment MBC+ – exclusivement dédiée aux séries -, les téléphiles du royaume se régalent. Quand l'estomac est creux, rien n'empêche les esprits de se nourrir, ou de s'occuper. Vive la boîte parlante.