En réunion extraordinaire, les dirigeants de la zone euro devaient, hier à Bruxelles, se mettre d'accord sur la meilleure solution pour bâtir un second plan d'aide à la Grèce, tout en associant les créanciers privés. Deux scénarios émergent sur la table. Explications. Mercredi dernier, veille de ce sommet, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel se sont réunis pendant plus de sept heures à Berlin pour se mettre d'accord sur une proposition commune avant de la soumettre à l'ensemble des dirigeants européens lors de ce sommet exceptionnel. Première information de taille : l'idée d'une taxe bancaire pour sauver la Grèce d'un éventuel défaut de paiement serait définitivement abandonnée. Mais quelle solution durable à la crise grecque peut émerger de ce sommet ? Jacques Attali, écrivain et économiste de renommée mondiale expliquait hier sur France Inter : «On ne peut pas tenter de solutionner la dette grecque en l'écartant de la crise européenne. Rien de durable ne peut être envisagé si les marchés, autrement dit les prêteurs, continuent à spéculer sur les dettes des Etats. La seule solution durable, qui aura lieu un jour ou bien l'Euro disparaîtra, c'est de mettre face aux marchés un acteur suffisamment fort pour que ces derniers n'aient plus de raisons ou d'intérêts à spéculer». L'économiste français propose ainsi de «créer un budget fédéral européen, avec la possibilité pour l'Europe, qui n'a pas de dette propre, d'emprunter à la place des Etats européens à travers des obligations, des bons ou un grand emprunt, tous européens, pour faire les immenses investissements nécessaires afin de moderniser la grande Europe». Si l'Europe arrive à centraliser ses emprunts à travers un puissant fond souverain, les marchés n'auront plus lieux de spéculer sur ces dettes car face à eux, ils auront un emprunteur d'une solvabilité sans faille, ce qui est dans la logique de la continuité de l'Europe. Mais «ce qui est triste, insiste l'économiste, c'est qu'on s'adresse aujourd'hui à la seule crise grecque et pas à cet ensemble qu'est l'UE. Il ne s'agit pas de sauver la Grèce, ce sont tous les emplois européens qui sont menacés». Si l'Europe décide de reporter les échéances de paiement de la Grèce, il s'agirait d'enclencher un roulement (rollover) de la dette. La solution consiste à reconduire la moitié, voire les trois quarts de la dette souveraine venant à échéance entre 2011 et 2014. L'avantage, c'est que la Grèce bénéficierait d'une longue période pour se rétablir avant de devoir rembourser. Les investisseurs, eux, garderaient leurs titres, et ne perdraient pas leur mise en évitant une faillite grecque. L'inconvénient, c'est que cette solution sera probablement considérée «comme un défaut de paiement sélectif», et jetterait le discrédit sur l'ensemble des créances européennes. La seconde option restante, et qui rejoint brièvement l'analyse de Jacques Attali, c'est le rachat par l'Europe de la dette grecque. Les investisseurs volontaires accepteraient de vendre leurs titres actuels, à un prix négocié avec une décote au Fonds européen de stabilité financière. L'avantage, c'est que les dettes grecques, mal notées, remboursables sous peu et à taux d'intérêt élevé, seraient alors échangées par d'autres créances plus avantageuses, à échéance longue, et garanties par le FESF, donc bénéficiant d'une note AAA. Une dette bien plus facile à rembourser pour la Grèce. Reste à s'assurer que les détenteurs des créances grecques ne perdraient pas une partie de leur mise dans la transaction. Tout dépendra de l'ampleur de la décote et du taux d'intérêt des nouveaux prêts. A l'heure où nous mettions sous presse, «la demande visant à éviter un défaut sélectif n'est plus sur la table. Nous pouvons poursuivre sur la voie d'un plan bancaire, qui reste confidentiel», a déclaré jeudi, devant le parlement européen, le ministre néerlandais des Finances Jan Kees de Jager. «Le nouveau plan d'aide à Athènes, qui doit se chiffrer à quelque 115 milliards d'euros, comprendra en outre un soutien financier plus important du Fonds européen de stabilité financière et du Fonds monétaire international (FMI)», ont précisé les sources européennes.