La grâce nigériane a promené sa voix à la tessiture soul hier soir lors du concert d'ouverture du Festival de Casablanca. Alors que le Festival de la métropole est au plus fort de son ouverture, les nombreuses performances dédiées à cet événement ne cessent de nous tourner la tête. 16 h. Institut Cervantes. Depuis près d'une heure, je suis avec une extrême attention la sixième séance de l'atelier de vidéo et de danse de la chorégraphe et metteur en scène espagnole, Olga Mesa, dans le cadre de Nouzah Fennia. Dix corps allongés sur le sol qui ne font plus qu'un avec quelque chose d'innommable tant ils sont relâchés, suite à une profonde respiration, un voyage qui semble les avoir portés vers un inconnu dont l'écho leur murmure sûrement relax, take it easy… Je me dis en observant ces dix disciples, yeux clos et large sourire aux lèvres, que cette expérience devrait se dérouler à la rédaction à l'issue de chaque réunion matinale pour oublier le temps d'une respiration, que nous sommes rompus à écrire dans un état de guerre et d'urgence, soumis au diktat du temps, condamnés à remplir le ventre du monstre, gargantuesque, jamais rassasié. Un SMS me parvient sur l'écran de mon téléphone portable : 18h interview avec Ayo, Place Rachidi. L'aimable tyran qui m'extrait de ce rare moment de contemplation, n'est autre qu'une ravissante liane et grâce nigériane. Une sirène dont on ne peut évidemment, résister à l'appel. 19 h. Ayo entre sur scène, Ray-ban sur le bout du nez en jean et T-shirt noir. L'artiste « essaye » sa voix, appelle son ingénieur du son et continue de pousser la chansonnette. Plus d'une demi-heure plus tard, nous sommes réunis autour d'elle pour une interview express, un quickly, diraient nos confrères anglo-saxons. Joviale, elle revient sur son passage à Casablanca, ville dont elle aime particulièrement «la fureur et l'énergie », sa venue, il y a deux ans à Jazzablanca, « ce sont la vie et les gens qui m'inspirent». Je lui demande si elle suit ses brothers and sisters de la scène nigériane, Nneka, Asha, « bien sûr et surtout Kezia Jones ! », souligne-t-elle. Je poursuis avec une question liée à Tiken Jah Fakkoly, qui l'a invitée à poser sa voix sur son dernier album, African revolution. L'artiste ivoirien change la donne d'un son qui n'est pas seulement destiné à «ambiancer». Tiken Jah Fakol y a, en effet, introduit des instruments africains comme la flûte peule, la guitare ngoni, la cora, harpe africaine. Il fait partie des ces rares artistes qui « passent » de la conscience à travers leurs textes chocs. Ils évoquent la dictature, la corruption, la guerre. Se revendiquant d'une union africaine, ils rappellent le panafricanisme rêvé au moment des indépendances des Afriques, porté par Sankara, Mandela, Kouam, Lumumba. Une consœur a la sensibilité d'évoquer le titre du dernier et troisième album d'Ayo, Billie-Eve on pense notamment à sa fille qui en porte le prénom, et qui se tient à quelques mètres, dans les bras de sa nounou. Une autre question fuse, au sujet du printemps arabe, «selon moi, le système, ce n'est pas les gens qui se mobilisent». 22h30. Ayo fait son entrée sur scène face à une foule de Casablancais, la marée humaine s'étend à perte de vue. Elle nous offre durant plus de deux heures, un très beau moment, chaleureuse, touchante, enjouée comme une enfant, ne cessant de s'adresser à Casablanca. On aime son interprétation de That Thing, de la queen, Lauryn Hill et I want you back, des Jackson 5, la main gantée… La star, c'est Casablanca, qu'Ayo prend en photo du haut de la scène avec son téléphone portable… Aucun article en relation !