A la veille de la clôture du plus grand salon estival américain de l'agroalimentaire et des produits du terroir, dans la capitale américaine, le bilan de la présence marocaine est plutôt positif, bien qu'encore timide. La foule ne se bouscule pas dans les allées du pavillon national pourtant très apprécié par les visiteurs pour son « élégance » et la qualité de la cuisine préparée tout au long de la journée par un chef marocain installé aux Etats-Unis. Néanmoins, même si la clientèle est visiblement moins nombreuse que sur les stands espagnol et italien, nos entreprises ont réussi à faire des affaires. Chez Dari, « on a eu peu de contacts mais des sérieux », témoigne Hassan Khalil, le vice-président de la marque de couscous et de pâtes, qui répète que le marché américain est « difficile parce que très exigeant ». Pour travailler avec les Etats-Unis, il faut s'armer de patience, parce que le consommateur « est très prudent et prend son temps pour bien choisir », atteste-t-il. « Il faut aussi consacrer beaucoup d'attention à notre communication et au marketing », ajoute encore Hassan Khlalil, « mais le jour où ça prend, ça prend vraiment et ça vaut le coup de s'adapter à leur façon de faire. En revanche, c'est une clientèle qu'il ne faut surtout pas décevoir », assure-t-il, sous peine de se faire rayer de leur carte en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, un clou chassant l'autre à la vitesse grand V dans ce marché hyper-concurrentiel. Contrairement à Dari qui est déjà présent sous sa propre marque aux Etats-Unis, Oli Argana, une petite société d'huile d'argan (comestible et cosmétique) montée en 2007 par Issam Jdidi, vient présenter ses produits pour la première fois sur le marché américain. Pour lui, le salon a été une bonne expérience grâce à laquelle il a pu se faire quelques contacts et, surtout, faire communiquer sur cette huile encore méconnue ici. « Ils sont très curieux de l'huile d'argan et je crois que les américains aiment bien découvrir quelque chose de nouveau, alors c'est positif pour moi », assure le jeune entrepreneur qui s'exporte déjà au Moyen-Orient, en Allemagne et en Hollande. Autre nouveauté pour le pavillon marocain, la première présence des Celliers de Meknès, venus promouvoir les vins marocains Ksar Bahia, Domaine Riad Jamil ou encore le château Roslane. Connus pour leur goût des vins du monde, les Américains qui viennent s'enquérir auprès du stand du vignoble, « sont intéressés mais on sent que c'est quand même timide », note Jean-Pierre Dehut, responsable de l'export des Celliers. « Peut-être que c'est un salon trop généraliste pour nous…», poursuit-il. De son côté, Khadija Benslimane qui coordonne l'administration de la Maassera Brahim Zniber (production d'huile d'olive) a eu de bons retours sur la première huile d'olive du groupe Zniber, Caracterre, conçue pour l'export : « L'idée que nous contrôlions la chaîne d'un bout à l'autre de la production plaît beaucoup », assure la jeune femme, « les gens s'arrêtent, prennent le temps de regarder et de toucher la bouteille, c'est un produit qui leur parle, le packaging entre dans ce qu'ils appellent leur « zone de confort » (folklorique, mais pas trop) et quand ils la goûtent, ses notes herbacées, terreuses et fraîches finissent de les convaincre », se réjouit-elle, précisant au passage que « les gens de Oil & Vinegar (l'une des plus importantes entreprises de condiments US, ndlr) sont venus (les) voir ». Au final, que les participants nationaux aient fait des affaires ou non, ils ont pu avoir un avant-goût du marché US et c'est déjà un premier pas, toujours intéressant, vers une évolution du commerce extérieur marocain. Abdellatif Maâzouz, ministre du Commerce extérieur «Le marché américain est très sophistiqué et les acheteurs très prudents» Parmi tous les secteurs, quel est le produit qui s'exporte le mieux vers les Etats-Unis ? Les exportations marocaines vers les Etats-Unis ont augmenté de 56 % en 2010, par rapport à 2009 et nous leur vendons principalement des phosphates, des composants électroniques et des produits alimentaires, notamment des conserves de poissons. Au fil des ans, on remarque un intérêt grandissant pour les produits marocains mais nos principales problématiques concernent notre offre, qui n'est pas en quantité suffisante et surtout pas assez diversifiée et le fait que nos produits ne sont pas toujours adaptés aux normes internationales, qui en plus diffèrent selon les pays. Mais la bonne volonté de nos entreprises existe et beaucoup ont justement appris à s'adapter aux différents marchés, en innovant et en multipliant leur offre. Comment décririez-vous le marché américain ? Ici, c'est la compétitivité qui prime. Le marché américain est très sophistiqué et les acheteurs sont très prudents. Ils doivent voir le produit, le goûter pour s'assurer de sa qualité, puis ils commenceront par commander de petites quantités, pour voir les réactions sur place et s'assurer du sérieux du suivi côté marocain, avant de se lancer dans des commandes de conteneurs. Mais les Américains savent faire la part des choses et contrairement à ce qu'on pourrait penser, le marché US est très différent du marché britannique, ils n'ont de commun que la langue. Quel est l'intérêt pour le Maroc de participer à ce genre de salon ? Tous les salons internationaux font office de grande vitrine. Ils attirent énormément de monde et habituent le consommateur à la « marque Maroc » et à ce que le pays a à proposer. C'est une chance pour nos jeunes entreprises d'y participer et c'est audacieux de leur part d'approcher un marché aussi compétitif que l'américain. Cette année, 14 entreprises participent pour la première fois au Fancy Food Show et viennent présenter des produits « difficiles » parce qu'« ethniques » et encore inconnus ici, comme le safran ou l'huile d'argan, mais il y a une niche certaine et leur audace paiera sûrement. On a de grandes possibilités ici, sachant que la diaspora marocaine est très présente et qu'on peut l'utiliser. En revanche, on n'a pas le droit aujourd'hui de valoriser un seul produit au détriment des autres, l'offre marocaine doit être globale.