Tarfaya, petite ville côtière, a longtemps été incontournable au Sahara. Elle est progressivement tombée dans l'oubli, emportant avec elle un riche patrimoine historique et architectural. Elle domine la plage de Tarfaya depuis plus de deux siècles. Comme son nom l'indique, la Casa del Mar trône au milieu des flots. Pour accéder à cet ancien bastion anglais en terre sahraouie, il faut prendre le bateau ou attendre que la mer se retire. Erigé en 1882 par la «North West African Compagny», le bâtiment sert de comptoir commercial aux Britanniques pendant trois ans avant qu'ils ne soient chassés par les tribus sahrouies. Rongée par le temps et l'air marin, cette ancienne position anglaise tombe aujourd'hui en ruine. Des monuments comme la Casa Del Mar, il en existe plus d'une vingtaine à Tarfaya. Edifiés au cours des XIXe et XXe siècle par les Européens, ces vestiges sont dans un état de délabrement avancé et rien n'est fait pour les préserver. Pourtant, ils constituent l'un des patrimoines historiques et architecturaux les plus riches de la région. «Tarfaya est sans aucun doute la mémoire du sud marocain», affirme Sadat Shaibata, jeune trentenaire dynamique et président de l'association Les amis de Tarfaya. Portugais au XVe siècle, Anglais au XIXe, Espagnols et Français au XXe, de nombreuses puissances coloniales se sont installées sur la côte du Cap Juby. Tous ont laissé une trace de leur passage. Lorsqu'ils débarquent en 1916, les Espagnols font de Tarfaya une de leur place forte au Sahara. Ils y construisent un grand fort et une caserne de police. Outre ces installations militaires, ils fondent une véritable petite ville à Tarfaya. Une église, des villas, un cinéma et même une piscine sont progressivement installés. Les Espagnols quitteront définitivement Tarfaya et le Cap Juby en 1958, après leur défaite contre le Maroc, lors de la guerre d'Ifni. Dans les années 1920, Tarfaya a également servi de base relais aux avions de l'Aéropostale. La piste d'atterrissage, matérialisée par deux lignes de pneus au milieu d'une vaste étendue de sable, est toujours visible derrière la plage. Parmi les employés de la compagnie aérienne qui sont passés à Tarfaya, un nom se détache, celui d'Antoine de Saint-Exupéry. Arpentant le musée municipal dédié au célèbre pilote-écrivain français, Sadat aime raconter les liens qui unissent « Saint-Ex » à sa ville. « Il a été nommé chef d'escale à Tarfaya-Cap Juby en 1927. Il est y resté 18 mois, durant lesquels il a beaucoup écrit. Il a commencé par de longues lettres à sa mère avant de rédiger son célèbre Courrier Sud ». D'après le président des Amis de Tarfaya, c'est aussi à ce moment-là que Saint-Exupéry aurait eu l'inspiration pour le Petit-Prince. Fier du passé de Tarfaya, Sadat estime que l'ancienne cité phare du Sahara n'a plus la place qu'elle mérite. «La ville a connu un grand recul à partir des années 1970 explique-t-il. Après la récupération de Laâyoune par les Marocains en 1975, les autorités ont fortement encouragé les habitants de Tarfaya à venir s'installer dans la nouvelle capitale sahraouie. La ville a alors perdu la moitié de sa population». Pour le jeune historien, les militaires sont également responsables de la situation actuelle. Leur caserne est située dans le cœur historique de la ville, ce qui empêche l'accès à un certain nombre d'édifices emblématiques, comme la maison de Saint-Exupéry. «Ça leur arrive même de détruire certains bâtiments pour construire de nouvelles choses, se désespère Sadat. J'espère qu'ils vont bouger, ça nous permettrait de redynamiser le patrimoine culturel de Tarfaya». Malgré les nombreuses difficultés, l'espoir de voir les richesses de Tarfaya retrouver un peu plus d'éclat est toujours là. Un recensement précis des monuments historiques de la ville a été fait. Désormais, ces anciennes constructions font partie du plan d'aménagement urbain et ne sont plus menacées. Le musée Saint-Exupéry va lui être modernisé dans les mois à venir afin de le rendre plus interactif. Quant à la Casa Del Mar, elle devrait bientôt être remise sur pied grâce à un projet de restauration lancé par les Amis de Tarfaya avec le soutien de différents partenaires. Si Sadat se réjouit de ces différentes initiatives, il a lui aussi une petite idée derrière la tête. «Mon père est toujours propriétaire de l'ancien cinéma espagnol. On compte y installer un petit café culturel pour redonner vie à cet endroit», révèle-t-il en souriant. Délaissée, la belle Tarfaya l'est assurément. Mais grâce à quelques uns de ses habitants, cette vieille centenaire n'a pas dit son dernier mot, loin de là. Benjamin Roger (dnes) Aucun article en relation !