Ce soir, la Galerie Nadar expose 150 tableaux atypiques, émouvantes expressions de vie de quatorze femmes de la coopérative Talaït. Une success story au résultat tout en couleurs et émotions, permise par l'association Kane Ya Makane. Il était une fois « Talaït », une « grappe » solidaire de quatorze femmes artistes récemment alphabétisées, vivant dans le douar enclavé d'Alma dans la région d'Agadir. Après deux ans de recherche artistique, ces femmes exposent à compter de ce soir, leurs toiles à la Galerie Nadar de Casablanca. Une présentation au public qui couronne la persévérance et la soif d'apprendre de ces femmes. « Exposer à Casablanca est une grande joie que j'arrive à exprimer avec les mots et que je partage avec ma famille qui me soutient. Mes enfants n'arrivent pas à croire que leur mère qui était analphabète soit devenue maintenant une artiste peintre », témoigne Keltoume Aït Yahia, une des femmes de la coopérative Talaït. Eclatant de couleurs, mélangeant les techniques et les inspirations, environ 150 tableaux sont exposés à la galerie. Sous l'égide de l'association Kane Ya Makane, ces quatorze femmes ont suivi trois formations en arts plastiques, encadrées par des peintres. Aux côtés de Ahmed El Hayani, Aziz Nadi et Tibari Kantour, le groupe s'est lancé dans l'apprentissage des couleurs et techniques, chacune à la recherche de son expression propre. Une démarche qui a bouleversé leur routine. « Dessiner m'aide à oublier mon quotidien et me transporte dans un autre monde imaginaire, sans frontières, un monde en couleurs dans lequel je me sens heureuse » déclare Malika Dadsi, une de ces talentueuses femmes, devenue aujourd'hui présidente de la coopération Talaït. Les tableaux, émouvantes expression de vie, reflètent ces parcours de femmes, marquées par la rencontre avec le monde des arts. Au détour des couleurs, la calligraphie se retrouve dans les toiles, symbole de leur attachement au monde lettré, qu'elles ont découvert en 2009 grâce à un programme d'alphabétisation de la Fondation Zakoura. En poussant après leur alphabétisation la porte de la création, elles ont entamé un processus décisif. « Entre la première et la dernière formation, le changement a été exceptionnel. Très réservées et pudiques, les femmes ont énormément gagné en confiance, même si elles ont beaucoup douté pendant cette aventure. Pour certaines, ce projet a été une véritable libération », constate Mounia Benchekroun, présidente de l'association Kane Ya Makane. Au delà d'un épanouissement personnel et d'une conception de l'art pour l'art, le processus de création est aussi et surtout une activité génératrice de revenus. Dans cette perspective, la coopérative Talaït reverse aux artistes féminines une somme issue de la vente des tableaux. A chaque vente, une partie leur revient directement et une autre est placée dans une caisse de solidarité du douar, pour faire face aux aléas de le vie. « Grâce à ce que je gagne maintenant, je peux aider ma famille et surtout mes filles pour payer les frais de scolarité » témoigne avec fierté Fatima Ayoub Ahmed. Forte de son succès couronnée par cette exposition, la coopérative Talaït , qui signifie grappe en amazigh, a encore de beaux jours devant elle. Avec une formation encadrée par un peintre prévue chaque année, suivie d'une exposition, de nouvelles vendanges créatives s'annoncent au douar d'Alma, gorgé de graines de talents. Céline Girard Exposition du 8 au 11 juin, à la Galerie Nadar, 5 rue Al Manaziz, Maârif, Casablanca, puis au Festival de Timitar, du 22 au 25 juin, avant de revenir à Casablanca, au siège de Kane Ya Makane, à compter du 30 juin.