A la veille de l'élaboration du projet de la nouvelle loi suprême, faudrait – il rappeler qu'au-delà des modalités de la pratique du pouvoir et les modes de la représentativité garantissant l'exercice de la souveraineté populaire et l'émergence de la citoyenneté responsable, le dispositif constitutionnel devrait refléter l'esprit d'un peuple et le génie d'une civilisation. En effet, quels que soient l'intérêt et la portée politique de la réforme constitutionnelle, le fondement et le socle sur lesquels cette réforme se construit et se consolide devraient incarner les grandes valeurs culturelles et civilisationnelles ayant distingué l'histoire du Maroc et déterminé le devenir de son peuple. Le rappel de l'histoire et l'invocation du devenir représentent à cet égard la voie la plus sûre permettant de mobiliser les composantes fondamentales de l'identité plurielle nationale afin de s'approprier les valeurs universelles qui portent le sceau des temps modernes et s'inscrivent dans l'ordre de l'universel. La culture savante aussi bien que le patrimoine populaire et la fabuleuse tradition orale expriment chacune à sa manière les multiples facettes de l'être et l'extraordinaire richesse de l'imaginaire et de la culture d'un peuple. Une telle exigence présuppose l'élévation de la conscience et la transcendance des clivages qui, à force de s'enfermer dans la contingence, peinent à accéder au sentiment de la nécessité historique et celui de l'être ensemble et du devenir en commun. Rappelons à cet effet que ce qui fait le génie des peuples et la grandeur de leur histoire réside dans leur capacité de se décider en fonction de la situation particulière et unique qui détermine leur condition spécifique. Le philosophe Hegel disait à ce propos que les grands caractères sont précisément ceux, qui chaque fois, ont trouvé la solution qui leur soit la plus appropriée. La question culturelle tout en étant au cœur même de la réforme constitutionnelle ne devrait nullement sombrer dans l'instrumentalisation politicienne ni s'emporter dans le tumulte passionnel. Autant, la loi suprême illustre la totalité de l'Etat à travers la détermination consensuelle du fonctionnement des institutions, autant elle incarne et exprime l'héritage en commun que nul ne peut se prévaloir y être le seul et unique dépositaire. A cet égard, les chantres de la spécificité originelle aussi bien ceux qui clament l'unité totalitaire s'égarent dans le sombre sentier qui ne leur permet nullement de percevoir l'astre éclatant dont les rayons ont illuminé le merveilleux arc en ciel ayant éclairé le ciel marocain. Au-delà de la métaphore, force est de constater que la pluralité culturelle ayant façonné l'être marocain au fil des siècles ne se prête ni à la récupération sectaire, comme nul ne peut la réduire à une seule composante au détriment d'autres sans qu'il se dépouille lui-même des ses plus belles parures. A cet égard, la culture savante aussi bien que le patrimoine populaire et la fabuleuse tradition orale expriment chacune à sa manière les multiples facettes de l'être et l'extraordinaire richesse de l'imaginaire et de la culture d'un peuple. De la sorte nulle hiérarchie dévalorisante de l'un de ces patrimoines n'est admise en matière de reconsidération, aussi bien que nulle approche faussement intellectuelle ne peut prétendre œuvrer pour une prétendue mise à niveau de l'une de ces composantes par rapport aux autres. Par contre la question de la transmission de l'ensemble de ces patrimoines demeure d'une importance capitale et relève plutôt du savoir faire que de l'approche idéologique qui se nourrit du fantasme et cultive la controverse ignorante. De la sorte, le débat en cours relatif à la réhabilitation de l'ensemble des patrimoines culturels marocains court le risque de s'inspirer des mythes d'origine considérés par les uns et les autres comme étant les seuls à incarner l'essence même de l'identité culturelle marocaine. Les dangers que recèle l'opposition qui se profile entre ceux qui clament que l'Amazighité fut et demeure la marque la plus originaire de l'être marocain et ceux qui par contre mettent l'accent sur la composante arabo-musulmane comme étant le socle ayant forgé l'identité nationale, portent à plusieurs titres préjudice à une approche sereine de la question culturelle. En effet, nul n'est sensé ignorer que la diversité marquant le champ culturel marocain puise ses racines d'une multitude de sources dont l'africanité, l'amazighité s'ajoutent à la tradition judéo-chrétienne et arabo-musulmane pour forger une pluralité ayant englobé aussi un riche héritage constitué de multiples paganismes qui remontent aux temps immémoriaux. L'ensemble de ces composantes représentent un héritage en commun dont la sauvegarde ne devrait nullement susciter les clivages, qui en fin de compte ne sont que les avatars de diverses formes de fondamentalisme qui font fi des données de l'histoire et des vérités de l'anthropologie et finissent par sombrer dans l'illusoire quête des mythes de l'origine propre et la vaine appropriation de l'identité substantielle. Le Maroc pluriel est appelé à inscrire la réhabilitation de l'ensemble de ses patrimoines culturels dans le cadre des processus de changement sociétal qui vise l'enracinement des idéaux de la démocratie et les valeurs de la modernité au sein du corps social. Cette tâche de laquelle dépend le devenir du pays nécessite plus que jamais la consolidation du socle garantissant le vivre en commun soucieux de la destiné d'un peuple et le salut d'une nation. Au pire moment de l'histoire du Maroc la nation entière avait su faire face au complot le plus odieux fomenté par la puissance coloniale afin de semer la discorde au sein d'un peuple uni et solidaire et contrairement aux attentes des forces obscures, le fameux Dahir berbère avait donné naissance à un grand soulèvement populaire ayant clamé haut et fort l'unité sacrée du peuple marocain et illustré de la manière la plus grandiose la destinée d'un pays. Aux élites d'aujourd'hui de se munir de la conscience historique leur permettant de méditer les leçons du passé et d'exprimer l'âme d'un peuple.