Parfaitement en déphasage avec les appels du sommet du G8 à Deauville, nos autorités privilégient la manière forte pour disperser des manifestations pacifiques. Les dimanches se suivent et se ressemblent. Celui du 29 mai n'a pas dérogé à la règle. La matraque était encore au rendez-vous, notamment à Casablanca, Tanger et dans d'autres villes, et ce, en dépit de la détermination des manifestants à organiser des marches pacifiques. Dans la métropole économique, les jeunes du Mouvement du 20 février qui manifestaient dans le quartier Idriss Harthi, dit des Arbres, ont subi les affres de l'intervention des forces de l'ordre avec, à la clé, plus d'une soixantaine de blessés, dont quelques cas graves. Si le Mouvement du 20 février est unanime à dénoncer le recours à la force pour disperser les manifestants du 29 mai, le gouvernement est également ferme dans sa condamnation de ces marches. Des personnes ont été arrêtées et relâchées après avoir effectué un passage obligé dans des fourgonnettes de police. « Il est clair que les autorités ont opté pour la menace et n'entendent pas augmenter le chiffre des arrestations », souligne Hassan Bennajah de l'association Al Adl wal Ihssane. Pour étayer ses dires, il avance ce qui s'est passé à Kénitra : « Après avoir été tabassés dans des véhicules de police, des jeunes ont été jetés dans une forêt ». A Tanger, la mobilisation des manifestants est montée d'un cran. Des sources locales affirment qu'il y a eu sept marches. Au début, elles convergeaient toutes vers la place baptisée de « changement », à Béni Makada, mais face à l'important déploiement policier qui a commencé dès les premières heures de dimanche dans ce haut lieu de la contestation de la capitale du Détroit, les organisateurs ont opté pour que chaque marche reste cantonnée dans son propre quartier. « Ce n'est que la conséquence de la prééminence de l'option sécuritaire qui privilégie l'intervention brutale contre des marches pacifiques », estime une source locale. Si les composantes du Mouvement du 20 février sont unanimes à dénoncer le recours à la force pour disperser les manifestants du 29 mai, le gouvernement est également ferme dans sa condamnation de ces marches. Son porte-parole assure dans des déclarations à l'agence Reuters que « les forces de l'ordre ont reçu des instructions de ne pas céder à la provocation ». Ne dérogeant pas à ces précédentes sorties médiatiques – même pas d'un iota – le ministre de la Communication a souligné que le Mouvement du 20 février est sous le contrôle des intégristes et des extrémistes de gauche. Khalid Naciri a en revanche annoncé l'organisation de contre-manifestations à Rabat, Casablanca et Fès. Le recours successif à la force pour disperser les marches du Mouvement du 20 février tombe au mauvais moment pour les chantres de l'option sécuritaire. Il s'inscrit en effet en déphasage avec le contexte international. L'Union européenne et le G8, réunis la semaine dernière à Deauville, ont récompensé les premiers pas de l'Egypte et de la Tunisie sur la voie de la démocratisation en espèces sonnantes et trébuchantes. Le représentant de l'UE au Maroc, dans un entretien accordé à notre journal (voir www.lesoir-echos.com), a affirmé sans ambages que « ceux qui acceptent nos objectifs politiques (ceux de l'UE, ndlr) recevront plus de soutien ». Des propos qui ont le mérite d'être clairs. Le recours à la force était tout à fait prévisible. La veille des marches, les médias officiels ont joué la même partition intitulée : «les protestations nuisent à l'activité économique». Des témoignages ont ponctué la diffusion simultanée de ces reportages sur Al Oula et 2M. Dimanche 29 mai, les autorités ont donné un coup d'accélérateur à leur « mobilisation » anti-20 février. Une manifestation de commerçants a sillonné les rues de la capitale pour protester contre les sit-in et autres marches. Bien entendu, les deux chaînes officielles étaient au rendez-vous pour couvrir cet événement évidemment tout à fait citoyen, au même titre que les marches initiées par les jeunes du Mouvement du 20 février.