Le Maroc, un partenaire « fiable » et « un pilier de stabilité » dans la région (Commissaire européen à la politique de voisinage et à l'élargissement)    Installation du nouveau DG de l'ONMT, Achraf Fayda    Championnats Arabes Amateurs de Golf. Le Maroc triomphe    Opération antiterroriste DGST-CNP : six présumés djihadistes placés en détention provisoire    Rabat : Lancement de la 22e campagne de sensibilisation contre la violence à l'égard des femmes    Maroc-UE : signature d'une convention de 190 millions d'euros pour la reconstruction des zones sinistrées par le séisme d'Al Haouz    NARSA dans la tourmente : des responsables accusés de trafic de voitures    Gaza : Les Palestiniens sont sans abri et privés de nourriture et d'eau potable    Le calvaire prolongé de Mohamed Saad Berrada, le ministre des silences embarrassés    Vague de froid: l'Etat s'apprête à prêter assistance à 872.000 personnes ciblées durant l'hiver    Future Citroën C4 production moves to Kenitra, Madrid plant at risk    Rencontres : la philosophie au rendez-vous    Ligue des Champions féminine de la CAF : Sanaâ Mssoudy et Doha El Madani dans l'équipe type du tournoi    Malgré les menaces du Polisario, le Rallye Africa passera à nouveau par El Guerguerate    Maroc : Un touriste belge disparaît près de Taghazout    Israël nomme un défenseur de la marocanité du Sahara, ambassadeur aux Etats-Unis    El Español : Le Maroc continue de suffoquer Melilla    Italie : La chef marocaine Nour Maaffer remporte un prestigieux prix de cuisine    MMA : Boughanem, champion marocain de Muay Thai, remporte son combat en Autriche    Ahmed Spins, le fils Akhannouch sur la scène de Coachella 2025 en Californie    Swissport remporte la concession de onze salons VIP dans les aéroports marocains    Interview avec Peter PanyinAnaman: « J'ai réalisé que Ses citations ont le pouvoir d'inspirer, de motiver et d'éduquer »    Coupes africaines des clubs : Raja Casablanca-AS FAR en tête d'affiche, la RS Berkane reçoit les Angolais de CD Lunda Sul    Botola D1. JII: Football au degré zéro, il faut voir ailleurs pour se faire plaisir !    Le Maroc, l'Algérie et le syndrome de Cassandre...    La DGSN et la sûreté de l'Etat belge renforcent leur coopération en matière de sécurité    Le Parlement marocain prend part à la 70ème session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    Hommage à la solidarité des marocains lors des inondations de Valence    Etats du Sahel. Trois pays, un seul passeport    Un trafiquant de drogue belge recherché arrêté par les autorités marocaines à Casablanca    Achraf Fayda entame son mandat à la tête de l'ONMT    Afrique du Sud. L'ANC expulse définitivement Jacob Zuma    Le Maroc a exporté pour trois milliards de dollars de produits de la mer en 2023    Festival du Cinéma des peuples : "Gray Days" d'Abir Fathouni remporte le Grand Prix    Interview avec Asma Graimiche : « Il est nécessaire d›intégrer la critique de cinéma aux programmes universitaires »    Mode. Le caftan marocain fait sensation à Séville    Foot: la sélection marocaine U15 prend part à un tournoi international en Espagne    Olympiakos : Ayoub El Kaabi claque un hat-trick et devient le meilleur buteur du championnat    Ayyoub Bouaddi penche pour les Lions de l'Atlas    Assurances : Les primes émises en hausse de 4,8% à fin septembre 2024    Epson Maroc : Cinq années de réalisations, d'innovations et de leadership    CV, c'est vous ! EP – 77. Nasry Aboujihade, un chirurgien au service de votre sourire    M Avenue et le FIFM : Une collaboration qui illumine Marrakech    Taznakht : The Grand finale of the Aït Ouaouzguit carpet festival    Coopération sino-marocaine : Le Maroc, « un partenaire clé au sein de la BRI »    Investissements : Karim Zidane VRP du Maroc en Corée et au Japon    Libye: L'union africaine réitère la pertinence des processus de Skhirat et de Bouznika    Taznakht : Clôture en beauté pour le Festival du tapis d'Aït Ouaouzguit    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Du henné avec et sans amour dans un livre de Pierre Pachet
Publié dans Le Soir Echos le 19 - 05 - 2011

Quand un écrivain parvient à atteindre le regard intérieur des lecteurs, à enrichir et presque modifier leur regard rétrospectif et actuel sur l'existence. L'idée que la vie est hors de portée d'analyse disparaît aussi sûrement que l'ennui ou la lassitude s'effondrent à l'heure du coup de foudre.
Cet instant – littérature, effet de l'authenticité d'un propos nécessaire, c'est le cadeau intempestif que nous fait Pierre Pachet avec Sans amour (Denoël, 2011). L'écrivain procède à un inventaire lumineux de sa relation au monde par le biais d'une méditation sur des figures féminines, liaisons et déliaisons captées comme les rayons d'un soleil tantôt au zénith, tantôt presque éteint.
Dans le train, lisant Sans amour, j'observais en face de moi une jeune femme qui lisait Pygmalion de Bernard Shaw tandis qu'une dame pas encore mûre se passionnait visiblement pour L'intelligence collective en action, un ouvrage sur la couverture duquel je pouvais lire qu'il en était à sa deuxième édition. Or, l'intelligence individuelle en action dans la phrase, l'intelligence avec le monde et la perplexité remisée ou explicitée à force d'art, c'est toute la force des livres de Pachet depuis son Baudelaire. J'eus la chance de lire (et de commenter dans un quotidien marocain il y a plusieurs dizaines d'années) ce livre d'universitaire vivant avec la littérature l'expérience d'une rémanence absolue. A la même époque, Mustapha Kasri traduisait Les Fleurs du mal en arabe (finalement paru aux éditions Marsam). Une réédition de l'essai inaugural de Pachet est advenue sous le titre Le Premier venu. Baudelaire : solitude et complot (Denoël, 2009).
Aucun des vingt livres de Pierre Pachet n'est vain ; c'est sans doute pourquoi leur auteur jouit d'une renommée confidentielle, celle des «écrivains pour écrivains», comme était le cher Henri Thomas, qui rêva, dans son jeune temps de devenir instituteur au Maroc.
Le Maroc n'est pas absent de Sans amour. Voici comment Casablanca y surgit : « Pourvue d'une longue chevelure châtain à reflets roux, Agnès en prenait grand soin. Des amies marocaines lui envoyaient du henné acheté à une échoppe du marché de Casablanca, qu'elle délayait dans un peu d'eau, et elle s'enduisait soigneusement les cheveux avec cette pâte grumeleuse, mèche par mèche. Elle laissait ses cheveux s'imprégner de cette préparation pendant plusieurs heures, la tête entourée d'un vieux torchon sacrifié à cet usage. Puis elle les lavait à grande eau, avec plaisir, les rejetant en arrière pour qu'ils ruissellent et s'égouttent».
« Alors ses cheveux retrouvaient leur éclat, ils étaient odorants et souples, sa fierté de femme».
Le mot femme est le fil conducteur du livre, son
« rayon vert» dans le ciel d'un homme vieillissant qui, veuf lui-même, s'adonne à crayonner des portraits de veuves, réveillant ainsi des jeunes filles ou jeunes femmes endormies dans le souvenir.
Le voici qui cite Heidegger : « Le compte avec le temps est constitutif de l'être-au-monde». Mais Pierre Pachet a entrepris plutôt un conte avec le temps où l'amour n'est qu'une possibilité dans la vie d'une femme dont un homme, in fine, se souvient «qu'elle a brièvement, telle qu'elle était et qu'elle vivait, éclairé (sa) jeunesse».
Sans amour est de ces livre, trop rares, qui vous donnent envie de les relire aussitôt lus. Le sens de l'autre est si aigu, chez Pierre Pachet, qu'il renouvelle radicalement la perception par son lecteur de ce qu'est l'altérité, de ce que contient l'alliance, de ce qu'on en retient ou de ce qui la retient.
Dans sa solitude « hantée de fantômes», l'écrivain réussit des enluminures où rayonnent finesse du trait et brio de l'empathie. Femmes blessées par la cruauté de l'Histoire, ex-enfants cachées jamais vraiment guéries de l'angoisse de la séparation ou amante épousée accompagnée jusqu'en son heure ultime, c'est un trésor d'affects, le surgissement de villes lointaines, de vies martyrisées ou d'existences de survivantes, encore surprises d'exister, mais aussi des tendresses touchantes, la découverte du plaisir, la passion de comprendre, d'écouter et d'entendre, et le don de faire silence sans se taire, à moins qu'il ne s'agisse de se taire sans faire silence.
Peu d'écrivains auront aussi brillamment que Pierre Pachet laissé éclore comme dans Sans amour les raisons et les causes du mystère féminin pour un homme.
Parce qu'il a écrit Le Grand Age, Pachet ne craint pas d'accompagner sa curiosité pour les femmes jusque dans le temps où c'est sans amour qu'elles vivent, et il se souvient de la romancière Annie Ernaux qui à propos de son livre à lui L'Amour dans le temps (Calmann-Lévy, 2005) « qui évoquait (sa) vie un peu nomade depuis (son) veuvage, une vie de» chat de gouttière» selon (son) expression, se tourna vers (lui) et (lui) dit doucement mais sévèrement : « Mais si vous pouvez mener une telle vie, à votre âge, c'est parce que vous êtes un homme».
A la lecture de Sans amour qui sonde les reins et les cœurs, on est comme rasséréné : la littérature permet de mieux comprendre ce qui, dans le vécu de chacun (e), palpite sans mot. A moins qu'un prénom suffise, or du langage.
Salim JAY


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.