A l'occasion du « Women's tribune » organisé à Essaouira, du 6 au 8 mai, les jeunes ont pris la parole pour discuter citoyenneté. Un débat riche en idées, où chacun a exprimé sa vision du concept, ainsi que les moyens de l'intégrer dans la société maghrébine. Pour sa troisième édition, le « Women's tribune » a décidé de consacrer un temps de débat aux jeunes. « Cette année, suite au Mouvement des jeunes du 20 février, nous ne pouvions pas passer à côté du rendez-vous de la jeunesse arabe avec la citoyenneté », a expliqué, en ouverture, Fathia Bennis, présidente du « Women's tribune ». Durant une matinée, la parole a été donnée aux jeunes du Mouvement du 20 février, à des militants associatifs ainsi qu'à des blogueurs marocains et tunisiens. Une occasion d'entendre la voix de ces jeunes, qui regrettent le manque de place qui leur est accordée en cette période d'effervescence démocratique. « On prend toujours les jeunes pour consultants ou mascottes, alors que nous sommes des acteurs de la vie publique comme tout le monde », s'est révoltée Aida Doggui Moreno, secrétaire générale du Mouvement Byrsa en Tunisie. Au cœur du débat : la citoyenneté. Comment devient-on citoyen ? Comment vit-on la citoyenneté, en tant qu'individu ou société ? Comment ancre-t-on la citoyenneté dans le vivre-ensemble ? Pour répondre à ces interrogations, la plupart des intervenants ont évoqué leurs expériences personnelles, revenant sur la construction de leur citoyenneté dans le cadre familial. « La citoyenneté s'est toujours imposée à moi comme une évidence. Le Maroc a toujours été à la maison », témoigne Roukaya Benjelloun, jeune médecin de 27 ans. Une expérience partagée par Aïcha Elabassy, militante associative : « Ma citoyenneté s'est surtout construite avec mon père. Celui-ci me disait toujours : « Je voudrais que tu fasses tout ce que tu veux pour toi et pour les autres ». Mais au-delà du cadre familial, le sentiment citoyen ne peut se généraliser que s'il existe une cohérence dans la transmission des valeurs, reliant le cercle familial au milieu scolaire. « Il faut changer le système éducatif pour qu'il devienne porteur d'esprit critique. On doit passer de la récitation à la réflexion, en transmettant des valeurs démocratiques », préconise Rabii Leouifoudi, président de l'Union des jeunes euro-maghrébins. Dans cette perspective, les cours d'éducation civique, s'ils constituent un premier pas essentiel vers la citoyenneté, ne suffisent pas. « On construit la citoyenneté par l'action. Il faut la vivre. Il ne suffit pas d'avoir des cours théoriques », insiste Aida Doggui Moreno. Etre citoyen relève d'une démarche quotidienne. « Le premier acte civique est de s'indigner contre les injustices au jour le jour », souligne Youssef Chehbi, avocat et blogueur marocain. Administrations, écoles, espaces publics, institutions : les lieux où l'attitude citoyenne peut s'exprimer foisonnent. Corollaire à cette attitude de tous les instants, la notion d'égalité apparaît comme primordiale. Malheureusement, l'égalité n'a encore guère de réalité au Maroc. « Nous avons une bourgeoisie qui continue de vivre retranchée dans des bunkers, dans une posture de colons, se conduisant avec la population comme avec des esclaves. Pour amorcer le changement, il faut commencer par s'adresser à l'élite. Il faut d'abord que les élites se comportent en citoyens », analyse Youssef Benkirane, doctorant à Sciences Po Paris. En somme, il faudrait commencer par inculquer des valeurs d'égalité aux nantis, en éveillant des consciences souvent anesthésiées par le confort et l'opulence. Encore faut-il que l'éveil les intéresse, l'égalité étant pour eux d'accepter de se passer de certains privilèges. Mais œuvrer pour que tous jouissent des mêmes droits, n'est-ce pas là un devoir citoyen ?