Le champ politique marocain manque de visibilité et de clarté pour l'opinion publique. Les alliances entre les différents partis sont plus issues de circonstances historiques et d'arrangements téléguidés, que de programmes communs, négociés dans l'ombre d'une opposition guettant l'alternance politique. Le moteur socio-économique de notre pays dont la gouvernance sera, très probablement, pleinement transmise à la souveraineté populaire, devrait pouvoir être alimenté par des impulsions successives destinées d'une part à créer de la richesse, et d'autre part à veiller à une meilleure répartition de cette dernière, pour asseoir les conditions nécessaires à un nouveau cycle. Pour simplifier, une gouvernance libérale devrait offrir des conditions plus favorables au capital, quand une gestion socio-démocrate renforcerait les conditions liées au travail ; les politiques alternatives se succédant dans une continuité garantie par les institutions, les accords internationaux avec une éventuelle force d'appoint, faisant basculer la majorité politique nécessaire pour gouverner d'une voie à l'autre. Cabinets de l'ombre Avec l'existence de plus de trente partis politiques dans notre pays, les coalitions gouvernementales ne sont pas aisées et beaucoup de partis servent des ducs ou des barons locaux transhumants, dont l'ambition pourrait se résumer à l'obtention de mandats électoraux ou de postes ministériels. La soif de pouvoir de nos acteurs politiques ne saurait être assouvie que s'ils jouent un rôle effectif dans la gestion de la chose publique, alors qu'une démocratie saine exige qu'une opposition se prépare pendant que la majorité gouverne. Pour répondre à ce besoin, la Grande Bretagne a inventé un cabinet de l'ombre, désigné par le leader du principal parti d'opposition, qui nomme un gouvernement fantôme, respectueux des institutions et de la légitimité des ministres en fonction. Ce gouvernement de l'ombre, a pour charge d'animer une opposition constructive et de préparer un politique alternative à proposer aux citoyens. Aujourd'hui, un vingtaine de démocraties, à travers le monde, ont institué ce type de cabinets, dont le Canada qui reconnait officiellement son existence en tant qu'institution. Pour consolider le champ politique national, nous pourrions organiser l'opposition et définir son rôle à travers la nouvelle Constitution. Ainsi, le premier parti non gouvernemental issu des urnes aurait la charge de créer un cabinet dont la liste des membres sera publique ; chacun étant chargé de veiller à un pôle ministériel et le tout représentant équitablement l'ensemble de l'opposition parlementaire. Opposition solide nécessaire à la consolidation de la démocratie Le président de ce cabinet d'opposition aurait, par exemple, le droit de siéger en tant qu'observateur au conseil des ministres et/ou du gouvernement et serait membre de droit d'un éventuel conseil supérieur d'orientation et de sécurité. Les membres du cabinet d'opposition auraient aussi la charge de présider différentes commissions parlementaires, notamment au niveau de départements sensibles comme l'intérieur, les finances, les affaires étrangères et la défense.Un dispositif similaire pourrait être envisagé pour les conseils régionaux et les membres de l'opposition pourraient aussi être invités à siéger ou à designer des représentants dans les divers organes de gouvernance des établissements publics. Une opposition solide, structurée et reconnue, est un des piliers nécessaires à la consolidation de la démocratie de notre pays. Au-delà de l'avantage induit par ce système, qui est de préparer des élus à reprendre le flambeau dans une alternance salutaire, la reconnaissance officielle de l'opposition et sa participation à diverses instances de contrôle et de surveillance de l'exécutif, offre aux citoyens des garanties de transparence et de bonne gouvernance de la chose publique, ainsi qu'une crédibilité supplémentaire à la démocratie.