Le Royaume-Uni sera affecté par les tarifs douaniers américains    Tamwilcom : un volume de financements de plus de 47,5 MMDH en 2024    Canada: Près de 400.000 foyers privés d'électricité en Ontario à cause de la pluie verglaçante    Hors-jeu: la Premier League adopte dès le 12 avril la technologie semi-automatisée    Accidents de la circulation : 19 morts et 3.002 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Comment soumettre l'ennemi algérien sans combattre    Sahara : Le Conseil de sécurité programme une session pour la mi-avril    Education/Droits humains : Bourqia, Bouayach et Belkouch pour incarner la vision Royale    6e Conférence Franco-Marocaine des Notaires : investir au Maroc en toute sécurité    Maroc : Après le ramadan, la date du retour à l'heure GMT+1    Suez Maroc : Soufiane Jakani nommé directeur général    Sommet de l'élevage 2025 : Le Maroc invité d'honneur en France    Les pensions vieillesse au menu du Conseil de gouvernement    L'Algérie revendique l'abattage d'un drone malien Akinci    Europe. Les tribunaux contre la démocratie?    Le gouvernement kabyle en exil reçu au sénat français    Droits de douane: que signifie la réciprocité voulue par Donald Trump?    Espagne : Le PSOE refuse de reconnaitre le Polisario seul représentant des Sahraouis    France : François Bayrou fait marche arrière sur l'interdiction du voile dans le sport    Tebboune revient sur ses pas face à la France malgré la reconnaissance de la marocanité du Sahara    Equipe nationale : Regragui, out? Simple fake news!    Ligue 1 : Hakimi et Ben Seghir en lice pour le prix Marc-Vivien Foé    1⁄4 de finale. LDC / Aujourd'hui ''Pyramids - AS FAR'': Horaire ? Chaîne ?    Migration : Le Maroc renforce la surveillance des frontières avec Ceuta    Les Forces Armées Royales... Un œil vigilant pour protéger les frontières du Maroc    Aïd al-Fitr : Attention aux excès alimentaires après le jeûne !    Ligue 1: Hakimi y Ben Seghir en carrera por el premio Marc-Vivien Foé    Francia: François Bayrou da marcha atrás sobre la prohibición del velo en el deporte    Khénifra: El cuerpo de un niño hallado 13 días después de su ahogamiento en el Oum Er-Rbia    Une chanson qui relie le passé au présent... Quand la voix de Hassan II rencontre les rythmes d'aujourd'hui    Lancement de "Visions Théâtres", nouvelle revue scientifique spécialisée dans la pratique théâtrale    Maroc : Le Festival On Marche, du 4 au 12 avril à Marrakech    Zineb Hattab : première cheffe végane étoilée en Suisse, une révolution gastronomique    Maroc : repli temporaire des exportations de tomates cerises malgré une production abondante    La Compagnie chinoise de construction et de communication (région Centre-Sud) décroche un nouveau contrat d'infrastructures au Maroc    En Algérie, Boualem Sansal puni pour avoir pensé de travers, la solidarité des militants marocains en congé    L'or délaissé par les ménages marocains, victime de sa récente envolée fulgurante    Maroc : nouvelles exigences d'homologation et d'étiquetage pour les équipements télécoms bientôt en vigueur    Charbon thermique : repli des importations mondiales au premier trimestre, hausse notable au Maroc    Muay Thai : deux combattants marocains en lice lors du ONE Fight Night 30 à Bangkok    Le «Kruzenshtern» russe en escale à Agadir du 2 au 4 avril    Le Chinois Lingyun Industrial, spécialiste des équipements automobiles, prépare son implantation au Maroc    Accords migratoires UE-Maroc : Bruxelles examine le 7 avril sa coopération avec Rabat sur les retours et la gestion des flux    Des vestiges vieux de 3 000 ans, découvert à Kach Kouch au Maroc, réécrivent l'histoire du Maghreb    CAN U17 : L'Afrique du Sud renverse l'Egypte au bout d'un match à 7 buts !    Maroc – Algérie : Après la bataille Wikipédia, l'affrontement numérique via Grok sur X    Rabat : Cérémonie en célébration de la Journée mondiale du théâtre    Ramadan 2025 : Les Marocains préfèrent le pôle audiovisuel public    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



En lisant trois poètes syriens dont la joie n'est pas le métier
Publié dans Le Soir Echos le 03 - 05 - 2011

Pourquoi des poètes en ces temps de détresse ? » La question qui brûla le coeur d'Hölderlin, comment ne nous viendrait-elle pas à l'esprit au moment où une répression meurtrière s'abat en Syrie sur les manifestants qui réclament la démocratie. Qui pourrait songer à placer la poésie hors d'atteinte lorsqu'on tire sur la foule ? Est-ce le moment de relire Adonis et ses Chants de Myhyar le Damascène, publiés en 1961 et traduits en 1983 par Anne Wade Minkowski aux éditions Sindbad dans un volume qui s'ouvrait sur une adresse exaltée du poète français Guillevic : «Adonis,/ Si j'étais Dieu, / je t'assoirais à ma droite, / Je te donnerais pouvoir/ Et je te regarderais/ Faire naître et régir».
Cet élan éxagératif ne me dissuada pas, à l'époque, de découvrir ces Chants, et voici que je les relis tandis qu'Adonis, ce poète libanais d'origine syrienne, qui vit à Paris depuis des dizaines d'années, frémit d'horreur et de tristesse aux tragiques nouvelles nous parvenant de Syrie.
Est-ce son poème Vision qu'Adonis relit aujourd'hui ? Alors, écoutons-le : « Entre les pages des livres serviles / dans la coupole jaune / je vois une ville transpercée qui s'envole / Je vois des murs de soie / et une étoile assassinée / flottant dans une aiguière verte / Je vois une effigie de larmes / de fragments de céramique / et des prosternations devant le prince».
Mais ce ne sont pas des étoiles qui sont assassinées quand l'armée syrienne ouvre le feu sur des civils.
De quel recours serait le poème Paysage/Rêve : «Comme si l'Histoire se lavait dans mes yeux/ et que les jours me tombaient dans les mains / tombaient comme des fruits», tandis que d'innocentes victimes tombent par centaines ?
Est-ce toujours Mihyar le Damascène qui dit, un demi-siècle plus tard : «J'attaque, je déracine, je passe, je défie. Là où je suis passé tombent les cataractes d'un autre monde. Là où je passe est la mort, la voie sans issue» ? Et il conclue : «Je demeurerai ainsi – enclos par moi-même».
De la poétesse Maram al Masri, on peut aussi lire Je te regarde traduit par François-Michel Durazzo aux éditions al Manar, en 2007, en collaboration avec cette auteure dont le poète Lionel Ray saluait « le tracé net et délié de l'émoi ». Mais aujourd'hui comment relire ceci : «Un coeur mille fois percé / par les balles / de sa désillusion » tandis que sifflent dans le pays de cette poétesse née à Lattaquié, des balles qui ne sont pas des images traversant le flux d'une écriture ?
Le poète libanais de langue française Salah Stétié, – qui fut ambassadeur de son pays au Maroc – a écrit de Maram al Masri que, selon celle-ci, «il n'y a que l'amour qui vaille d'être vécu, et l'amour est en train de partir, de s'en aller, de mettre son pardessus pour nous tourner le dos».
S'il n'y avait que l'amour qui vaille d'être vécu, est-ce que la liberté pourrait tranquillement mettre son pardessus avant de nous tourner le dos, que la poésie nous émeuve ou pas, qu'elle nous soutienne de son chant ou nous ébranle de son aveu d'impuissance ?
Or il est un poète syrien, Mohamed Al Maghout, remarquablement traduit par Abdellatif Laâbi, qui a défié la supposée impuissance de la poésie en unissant ses poèmes à la liberté, envers et contre « les balles de la désillusion» intime ou collective. Le recueil d'Al Maghout paru dans la collection Orphée aux éditions de la Différence, en 1992, s'intitule La joie n'est pas mon métier. C'est un livre de résistant à l'oppression, à la vilénie, à la dislocation des raisons et des causes.
Plutôt que de distiller quelque amertume légitime, Mohamed Al Maghout dresse ses poèmes tels des barricades miraculeuses fermant le passage à la démission intérieure : «O siècle, insecte vil / toi qui m'a fait miroiter un ventilateur en guise de tempête / des allumettes en guise de volcans / je ne te pardonnerai jamais / je retournerai à mon village, à pied s'il le faut / et je propagerai dès mon arrivée des rumeurs sur ton compte». Abdellatif Laâbi affirmait dans sa préface à La joie n'est pas mon métier que, pour Al Maghout, «l'écrasement de l'humain, le triomphe du mal, remontent à une malformation du monde qui n'est pas sans rappeler l'idée de péché originel». Mohamed Al Maghout nous prouve cependant pourquoi il faut des poètes en ces temps de détresse. Cette grande voix syrienne continue de retentir, loyale, en tous ceux qui ont lu La joie n'est pas mon métier. le poète s'élève contre l'avilissement en des termes intranquilles. Avec Al Maghout, la liberté la plus concrète, et pas moins intime que collective, constitue l'horizon atteint dans l'honneur d'écrire.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.