A la morgue de Marrakech Arrivée à Marrakech, le soir de l'attentat, les rues sont calmes, les cafés vides et les visages graves. Seuls lieux encore vivants, les hôpitaux et, ironiquement, la morgue, où quinze cadavres sont encore en cours d'identification. A minuit et demi jeudi soir, des corps continuent d'arriver à la petite et discrète morgue de Marrakech. « Nous avons reçu quinze cadavres en tout, deux Marocains, des Français et des Hollandais, mais nous sommes encore en train de les identifier » déclare un membre du personnel de la police judiciaire, une grosse pile de passeports (on en reconnaît au moins quatre français) et de permis de conduire à la main. C'est tout ce qu'il reste des gens qui étaient venus boire un thé sur la place Jmâa el Fna ce matin, avant que n'explose une bombe, à 11h45, au premier étage du café Argana, qui surplombe la place la plus emblématique du pays, une des plus célèbres du monde. Dans la cour de la morgue, que les Marrakchis surnomment « la fourrière », deux cercueils en bois sombre et aux minces poignées dorées sont posés par terre, faute de place. Devant eux, une dizaine de bouquets de fleurs, encore emballés, comme figés eux aussi par cet événement aussi soudain que tragique. Il fait froid et une dizaine de policiers en civil, en uniforme ou encore en combinaison blanche de la scientifique s'activent en silence, se glissent des informations, renseignent les deux personnes venues identifier leur proches encore présentes sur place et attendrons certainement toute la nuit l'arrivée de nouveaux corps, de personnes décédées dans deux hôpitaux et une clinique de la ville. Certains sont à l'hôpital Ibn Tofail, où la première blessée, une marocaine, est arrivée à 12h30 et le dernier, marocain aussi, à 20h03, selon la liste des personnes hospitalisées que nous avons pu nous procurer. 34 personnes figurent sur cette liste, dont trois français et deux italien. 27 victimes passaient la nuit à l'hôpital, « et vont bien. Les autres se font opérer dans d'autres hôpitaux ou sont morts » dévoile une infirmière. « Il y en a encore au bloc » confirme un jeune pompier. Parmi les traumas enregistrés en même temps que leurs hospitalisations, des personnes extrêmement choquées – la plupart, d'autres nécessitant des chirurgies viscérales, neurologiques ou encore ophtalmologiques.