Les défis planétaires, le foisonnement du communautarisme réel ou virtuel et la mondialisation économique et financière remettent en cause les organisations humaines établies autour de l'Etat-Nation. Les citoyens doutent de plus en plus de la capacité des organes nationaux à influer sur le cours des événements et se désintéressent de plus en plus de la chose publique délaissant la gouvernance aux mains de quelques uns. Or, l'Etat-Nation devient plus que jamais le levier essentiel des peuples qui le composent. D'un côté, il reste le seul vecteur pour un développement humain cohérent et harmonieux d'un pays et de l'autre, il représente une entité reconnue et représentative capable de défendre les intérêts de plusieurs millions d'individus dans le brouhaha mondial. Le Maroc de par son histoire, sa population, ses valeurs, sa position géographique et ses projets occupe une place non négligeable dans l'échiquier régional et continental et s'intègre progressivement dans le nouvel ordre mondial grâce à des stratégies nationales ambitieuses et un véritable programme de développement humain. A l'heure où notre pays a entrepris de réformer sa législation suprême en associant l'ensemble des sensibilités qui désirent s'exprimer à l'élaboration d'une nouvelle Constitution, il apparaît plus que jamais nécessaire d'associer l'ensemble des citoyens à l'exercice régulier de la démocratie réelle. Si plusieurs analystes lient l'abstention observée lors des derniers scrutins organisés dans notre pays à un déficit de crédibilité vis-à-vis du pouvoir réel des élus, cette recrudescence de l'abstention s'observe aussi dans plusieurs démocraties rodées que ce soit dans le vieux continent ou encore outre-Atlantique. Tout citoyen appelé à contribuer à l'effort national, en bénéficiant du soutien public se doit de se prononcer directement et indirectement sur l'organisation et la gouvernance de cet ensemble et cela ne peut être acquis qu'à travers un système de vote obligatoire. Ce devoir de vote a été instauré en Belgique dès 1893, en Australie en 1924 (élections nationales), en Grèce, au Costa-Rica ou encore au Brésil. « Majorité silencieuse » Les opposants au devoir de vote arguent de la liberté du citoyen à ne pas se reconnaître dans l'offre politique ou de se voir empêché de s'exprimer par sa santé ou d'autres obligations. Or, si l'offre politique est insuffisante, le citoyen reste éligible pour offrir de nouvelles perspectives et peut aussi exprimer sa désapprobation par un vote blanc. Quant aux empêchements, des aménagements techniques peuvent être mis en œuvre dans certaines situations exceptionnelles. L'obligation de vote implique le citoyen dans la gestion de la chose publique et le responsabilise dans ses choix. Elle rend aussi moins accessible l'achat des voix qui gangrène notre démocratie naissante. Le devoir de vote mobilise naturellement cette fameuse «majorité silencieuse» évitant la confiscation de l'outil démocratique par les élites ou les extrêmes. La réforme tant attendue de notre Constitution a pour objectif affiché d'installer définitivement un système démocratique crédible avec pouvoirs, contre-pouvoirs, mandats et contrôles transparents. Au-delà des grands principes liés aux droits de l'Homme et à l'exercice du pouvoir par et pour le peuple qui ne sauraient être écartés, il apparaît utile de déployer l'exercice démocratique à toute la population à travers le vote obligatoire tout en assurant la gouvernabilité de l'ensemble du dispositif capable de générer des majorités cohérentes et efficaces avec des oppositions critiques et constructives qui se préparent méthodiquement à l'exercice des alternances au pouvoir.