La confédération générale des entreprises du Maroc vient de rendre publiques ses propositions pour la réforme constitutionnelle. La CGEM jure par l'économie de marché et rien que l'économie de marché… En un mot : économie de marché. Voilà le principe directeur de la philosophie économique patronale. C'est à la lumière de ce temple que le patronat marocain a tracé ses pistes de recommandations pour le grand chantier de réformes constitutionnelles. Pourquoi parle-t-on de temple ? Pour la simple raison que la présentation de Mohamed Horani – président de la confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) – des propositions du patronat, mercredi au siège de la Confédération, laissent croire que la compétitivité à tout prix est «la religion de la CGEM». Partant de cette constante, le patron des patrons détaille qu'économie de marché et Etat de droit ont un seul dénominateur commun, à savoir la démocratie. «La nouvelle constitution devra refléter ce processus d'approfondissement de notre démocratie et de notre modernisation», appuie-t-il. Un processus qui exige un ajustement du modèle politique, économique et social. À méditer les propositions patronales déclinées en quatre axes que sont : «les principes directeurs de notre philosophie de l'Etat, les droits fondamentaux, la constitutionnalisation de l'économie de marché et l'Etat et les instituons », il semble que cette potion magique, bien qu'elle se veuille «osante», n'est en soi qu'un prolongement naturel du processus actuel en vigueur. Plus encore, le modèle capitaliste occidental, « notre guide spirituel », n'a-t-il pas démontré, à l'épreuve de la crise économique mondiale, ses limites ? Allons plus loin, la réforme constitutionnelle proposée, a une connotation «apolitique», pour reprendre le terme exact de Horani, alors que la constitution est par essence même un acte politique. Et il n'est d'ailleurs secret pour personne que le politique et l'économique sont les revers de la même médaille. Il paraît donc clairement que la marge de manœuvre du patronat reste très restreinte. Le président l'a même avoué : «on ne peut pas se prononcer sur des sujets purement politiques ». A titre d'illustration, prenons l'exemple de l'égalité des droits. Le patronat a mis l'accent sur les droits politiques, économiques, sociaux et culturels. Mais du coté des droits civils, il s'est abrité derrière un silence radio. Comme si la vie privée des employés était un monde à part. Propositions de poids Ceci dit, il faut noter que des propositions de poids sont à mettre à l'actif de la confédération patronale. Le primat du droit sur le politique, contrairement à ce que stipule la constitution marocaine actuelle, qui puise sa valeur dans les fondements juridiques de la cinquième république française, en est une parmi d'autres. Sur ce chapitre, Horani explique qu'on «s'est inspiré du modèle allemand», ce cas de figure n'étant pas le seul recours aux modèles autre que français. Le patronat suggère en effet de constitutionnaliser le lobbying, à l'exemple des Etats-Unis, dont l'article 2 de la Constitution prévoit que cette stratégie d'influence est un droit, relate Horani. Autrement dit, de codifier la représentativité des entreprises, de sorte à faire valoir ses avis auprès de toutes les instances officielles et de tirer vers le haut la barre de ses intérêts. Autre valeur ajoutée et pas des moindres, des propositions patronales, à savoir la constitutionnalisation de l'égalité et du pouvoir fiscaux. «Le pouvoir fiscal doit être encadré et ne doit pas rester absolu (…), la fiscalité à caractère confiscatoire ne doit pas primer», conseille-t-il. Notons enfin que ce plan de réformes, en cohérence avec la vision 2020-CGEM, n'a pas laissé de côté la constitutionnalisation de l'activité recherche & développement, ainsi que la protection de l'environnement. Principes directeurs - Primat du droit sur le politique, - accès des justiciables au Conseil constitutionnel, - démocratie sociale, - pluralisme, - séparation des pouvoirs et indépendance de la justice, - citoyenneté, - droits fondamentaux, - respect de la vie privée, - garantie de la liberté d'expression et de communication, - égalité de genre, - égalité fiscale, - constitutionnalisation de l'économie de marché, - liberté d'entreprendre, - garantie de l'économie de marché, - garantie d'une concurrence libre et non faussée, - libre-circulation des personnes, biens et services dans le cadre de la régionalisation avancée, - régionalisation avancée et gouvernance locale, - principes de la composition du Conseil économique et social (CES), - constitutionnalisation de certaines instances de régulation (Banque centrale, audiovisuel, télécommunications…)