Une vague de joie a parcouru l'Egypte à l'annonce du départ de Moubarak vendredi, après dix-huit jours de contestation populaire. Mais la vraie révolution visant l'instauration d'un régime démocratique reste à faire. A la tête du pays, le Conseil des forces armées a la charge de mener à bien cette transition. L'armée a commencé dimanche à disperser les manifestants encore rassemblés sur la place Tahrir, haut-lieu du mouvement de révolte. Après dix-huit jours de manifestations, le trafic sur le rond-point reprenait lentement, signe d'une remise en marche progressive du pays. Malgré le départ de Hosni Moubarak vendredi, les manifestants restaient sur leurs gardes. «Si l'armée ne remplit pas nos exigences, notre soulèvement et ses manifestations concrètes repartiront de plus belle», a prévenu Safouat Hegazi, l'un des chefs de file de la contestation. La «Coalition pour le changement», qui rassemble plusieurs groupes d'opposition, a appelé à revenir sur la place Tahrir chaque semaine, pour maintenir la pression. Et pour cause, la révolution égyptienne n'est qu'à son début après l'abdication du président, au pouvoir depuis 30 ans. Après l'euphorie de la chute du raïs, un long chemin s'annonce pour l'Egypte qui doit à présent mettre en place des mécanismes démocratiques transparents. A la tête du pays désormais, le Conseil des armées s'est engagé à mener «un processus transparent et démocratique», selon un communiqué lu à la télévision d'Etat. L'objectif : «un pouvoir civil élu». Mais quand ? C'est une autre histoire, puisqu'aucun calendrier détaillé n'a encore vu le jour. Dissolution du Parlement Le souvenir du putsch des officiers libres de 1952, où l'armée avait assis son pouvoir avec une Constitution liberticide, reste vivace, teintant la joie des Egyptiens d'une certaine méfiance. Face aux doutes, le Conseil des armées, collectif d'une vingtaine de haut gradés dirigé par le ministre de la Défense, Mohamed Hussein Tantaoui, multiplie les gages d'une transition vers un «Etat démocratique libre». «Le gouvernement actuel et les gouverneurs continueront de travailler jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement soit formé», a-t-il assuré. De leur côté, les protestataires attendent la levée de l'état d'urgence après la dissolution, dimanche, du Parlement issu des élections législatives de novembre, largement considérées comme truquées au profit du Parti national démocrate (PND) au pouvoir. Sur le plan judiciaire, le procureur général a interdit à l'ancien Premier ministre Ahmad Nazif et à l'actuel ministre de l'Information Anas el-Fekki de quitter le pays «au vu des plaintes déposées contre eux», a rapporté la «Mena». Vendredi, l'annonce de la démission de Moubarak a provoqué des explosions de joie dans de nombreux pays. En Tunisie, la foule en liesse a fêté le départ du président égyptien tandis qu'à Nazareth, au nord d'Israël, un millier d'Arabes israéliens ont également défilé. Effet boule de neige, la chute du raïs égyptien renforce la puissance de l'onde de choc tunisienne. Ainsi, des milliers de jeunes ont manifesté samedi à Sanaa pour appeler au départ du président Ali Abdallah Saleh tandis qu'à Alger, la manifestation en faveur de changements démocratiques a été fortement réprimée par les forces de l'ordre. Vent d'espoir en Palestine Avec le départ de Moubarak en Egypte, c'est une véritable redistribution des cartes qui est en train de s'opérer. Une réalité inquiétante pour l'Etat hébreu, qui craint de voir un pays ami se transformer en ennemi. Israël entend préserver à tout prix l'accord de paix signé avec l'Egypte en 1979. Rassurante pour son voisin, l'armée a annoncé samedi que l'Egypte «restera engagée envers tous ses traités régionaux et internationaux». Des «assurances», dont le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s'est félicité, assurant que le traité de 1979 constituait «une pierre angulaire pour la paix et la stabilité dans tout le Moyen-Orient». Reflétant les craintes de leur gouvernement, un sondage rapporté par «L'Express» montre que deux Israéliens sur trois estiment que la chute du régime Moubarak aura un impact négatif pour leur pays, et 59% d'entre eux parient sur l'instauration au Caire d'un pouvoir islamiste. Du côté du fidèle allié d'Israël, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a salué les promesses de retour à un pouvoir civil et du respect des obligations internationales. En Palestine, l'heure est à la joie. Le départ du raïs fait souffler un vent d'espoir pour la cause palestinienne. A l'annonce du départ de Hosni Moubarak, des manifestations se sont produites à Ramallah, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où les drapeaux égyptiens et palestiniens brandis haut et fort s'entremêlaient. Le Hamas a vu dans cette démission le «début de la victoire», demandant la levée immédiate du siège de la bande de Gaza et l'ouverture du terminal égyptien à Rafah .