Les TPE (Toutes petites entreprises) ont décroché l'affaire de l'année. La loi de finance de 2011 les soumet à un taux d'imposition sur le revenu de 15% seulement. Ceci représente une réduction, à vie, de 50% par rapport au taux actuel de 30% qu'elles payent. La logique qui est derrière cette baisse est d'attirer un maximum d'entreprises, qui n'y sont pas encore, vers le secteur formel. Un secteur qui représente un enjeu majeur et mérite une attention particulière, puisqu'il constitue 37% de l'emploi non-agricole et 40% du PIB, comme précisé lors d'une édition précédente de Le Soir Echos. En effet, les membres du Centre marocain de conjoncture (CMC) considèrent cette initiative largement insuffisante. La nouvelle mesure a été assortie de la révision du plafond du chiffre d'affaires imposable de 2 à 3 millions de dirhams pour les sociétés éligibles. C'est la première fois qu'un tel système est appliqué au Maroc. En effet, l'imposition sur les sociétés variait, jusque là, en fonction du secteur d'activité (un taux normal de 30 % et un taux de 37% pour les établissements de crédit et organismes assimilés : BAM, CDG, sociétés d'assurance et de réassurance). A ceux-là s'ajoutent d'autres impositions dites spécifiques. A titre d'exemple, les entreprises qui exercent leurs activités dans les zones offshores bénéficient d'un taux d'imposition spécifique de 8,75% sur 20 ans (article 19 du code général des impôts), après l'exonération totale sur les cinq premières années. La question qui se pose tout naturellement est la suivante : les entreprises, notamment les TPE, qui étaient soumises aux taux spécifiques et qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 3 millions de DH seront-elles obligées de se soumettre au nouveau taux ? La logique tend vers le contraire, mais rien n'est précisé sur le texte de la loi de finance 2011. Vraies ou fausses TPE ? Grâce à ce nouveau taux d'imposition, on assistera probablement à une hausse considérable du nombre de nouvelles TPE en cette année de 2011. Cette augmentation sera bien évidemment causée par une hausse du nombre d'entreprises, séduites par ces nouvelles conditions, qui abandonneront l'informel. Mais il sera beaucoup plus le résultat de l'apparition d'une nouvelle génération de pratiques. Car cette nouvelle imposition a donné des idées à certains esprits malhonnêtes. En effet, dès que cette proposition a été faite, et longtemps bien avant que l'amendement ne soit approuvé, des stratagèmes circulaient déjà dans les différents forums et sites Internet pour profiter au maximum de ce nouveau type d'imposition. Il s'agit notamment d'éclater une entreprise qui réalise un chiffre d'affaires supérieur à 3 millions de DH en plusieurs sociétés dont le CA reste inférieur à ce seuil. Ceci permettrait de rester dans la tranche d'imposition de 15% introduite dans la nouvelle loi de finance. Un effet inverse à celui escompté peut donc voir le jour. Pour sa part, l'administration fiscale n'a, pour le moment, aucun moyen pour détecter ces pratiques (du moins automatiquement et systématiquement). En effet, rien n'interdit la création de plusieurs entreprises au Maroc. Pour déceler des cas pareils, il faudrait d'abord que l'on sache qui a combien d'entreprises pour que des vérifications soient faites. Celles-ci doivent se faire dans l'optique de vérifier s'il ne s'agit pas d'un éclatement (et non pour déceler des impôts non déclarés). Même en ayant identifié une cible, il serait difficile de prouver quoi que ce soit. Il suffirait que l'objet social de l'entreprise soit totalement différent et que les prestations fournies (aux mêmes clients) soient réellement différentes. Il y a donc un réel travail à faire par l'administration fiscale pour contrer ce phénomène s'il commence à se généraliser. A titre de rappel, les secteurs non échangeables s'adjugent, à eux seuls, plus de 60% du tissu productif du pays (cf. Le Soir échos). Ce qui ne favorise nullement l'intégration de l'économie informelle. Cette dernière à, d'autre part, joué un rôle important dans la stabilité économique pendant la période de crise internationale. Aujourd'hui, elle est perçue comme un tremplin pour une croissance économique et un développement de l'emploi. Si l'on veut éliminer les effets négatifs de ce fléau, il faut penser à un système beaucoup plus complexe. Un circuit qui filtre les entreprises informelles et qui les conduit systématiquement à leur fin.