La saison de la chasse s'est ouverte dimanche 3 octobre dans tout le Maroc. Plus de 50.000 Marocains s'adonnent à ce sport. Le Soir échos a assisté au lancement de la saison à Aïn El Harcha, dans la région Larbaa Shoul (Salé). A llez, allez! On a pris du retard!». Devant cette grande tente, le président de l'Association des amis pour le sport et la chasse, Brahim Haddan, crée un point de rassemblement. Ce dimanche 3 octobre marque l'ouverture générale de la chasse. Ici, à Aïn El Harcha dans la commune rurale Larbaa Shoul, dans la banlieu de Salé, les mordus de la chasse sont nombreux à ne pas rater la première journée de la saison. Désormais, chaque dimanche et jour de fête nationale, jusqu'au 2 janvier 2011, ils ont droit à trois types de gibiers: le perdreau, le lièvre et le lapin. Et, pour encadrer le lancement, un staff du Haut commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification (HCEFLCD), chapeauté par le directeur régional, Hach Sekkou, a fait le déplacement. Le HCEFLCD et ses partenaires : la Fédération royale marocaine de chasse, la Fédéraration royale marocaine de tir aux armes de chasse, les autorités locales, les associations et sociétés de chasse tiennent ainsi à réitérer leur volonté d'unir leur efforts. Objectif: inculquer au chasseur la responsabilité de la préservation des potentialités cynégétiques. Sur le terrain, ce sont les associations de chasse qui deviennent le relais indispensable à l'accomplissement cette mission. «Au niveau régional, nous comptons 83 associations avec une moyenne d'une vingtaine d'adhérents et 25.000 hectares de lots pour la chasse», déclare Hach Sekkou, directeur régional du HCEFLCD. Passionné par la chasse, oui, braconnage, non! «En principe, c'est au lever du soleil que commence la chasse!», lance Brahim Haddan aux retardataires, dont certains serrent encore les lacets de leurs chaussures. Président également du bureau régional de la Fédération royale marocaine de la chasse (Rabat-Salé-Zemmour-Zaër), ce vétérinaire de formation est connu pour être strict sur les principes de la chasse. «C'est normal, c'est le rôle de l'association. Elle encadre et veille sur le respect des règlements. Nous comptons près de 40 adhérents, mais le quota, pour chaque chasseur, est de 5 perdrix au maximum par jour», rappelle-t-il, avant de demander aux chasseurs de vérifier une dernière fois leurs documents (permis de port d'arme et de chasse, licence de chasse délivrée par les services du Haut commissariat et carte d'adhésion à la Fédération royale marocaine de chasse), accéssoires et provisions. Chaque chasseur est aussi accompagné d'un guide qui l'assiste tout au long de la journée (de 50 à100dirhams par jour). Les chasseurs lèvent en choeur les mains au ciel pour prier que leur partie de chasse soit fructueuse. Fusil à l'épaule, cartouches autour de la taille et dans les poches, il ne reste plus qu'à se lancer. Précédés de leurs chiens de chasse (braque), ils se précipitent vers les buissons, cachette favorite du gibier. En un clin d'oeil, un groupe de perdreaux s'envole. Les chasseurs redressent rapidement leurs fusils et c'est une avalenche de coups de feu qui s'ensuit. Au fur et à mesure de leur traque, les chasseurs se divisent en deux groupes pour élargir leur zone de chasse. «Trois règles sont fondamentales pour le gibier: la quiétude, la nourriture et l'eau. Il faut que ces trois ingrédients soient réunis pour trouver du gibier», indique Hassan Mhenna, chef de la division de la cynégétique et de la pêche continentale. Il s'est pris pour la passion de la chasse depuis quatre années. Mais, aujourd'hui il n'accompagne pas les chasseurs, il les surveille de loin. «Mes amis m'ont initié à la chasse. Je les accompagnais dans les battues pour la chasse au sanglier, puis le virus s'est installé!», confie-t-il. Sa collègue au HCEFLCD, Ouafae Azzat, responsable du bureau amodiation au service de chasse, elle, n'a pas raté l'occasion de se joindre aux chasseurs. «Je n'ai pas trop l'expérience. C'est ma deuxième saison de chasse. L'an dernier, je suis revenue bredouille!», avoue-t-elle. Pas déçue, Ouafae Azzat n'attache pas d'intérêt au gibier autant qu'aux raisons qui l'amènent à ce sport/loisir : «Je chasse surtout parce que cela me rappelle de bons vieux souvenirs de mon grand-père qui était un passionné et parce que c'est aussi utile pour mon travail. Sur le terrain, je suis en contact direct avec les chasseurs et je peux donc mieux les connaître et les comprendre». Unique femme dans ce groupe d'hommes, Ouafae force l'admiration des ses pairs qui se précipitent pour l'aider à chaque fois qu'elle en a besoin. Son fusil de chasse semble lui poser un sérieux problème. Le gibier, elle devra y renoncer cette fois-ci aussi, en attendant de réparer son arme. Les autres chasseurs, eux, sont en pleine jouissance. Le gibier ne manque pas, surtout les perdreaux. «C'est l'espèce emblématique du gibier marocain. Mais pas toutes les armes sont permis à la chasse. Seuls les fusils à canon lisse sont autorisés. Ceux à canon rayé sont catégoriquement interdits. Quant aux balles utilisées, elles sont de calibre 12, 16 et 20 pour les bons tireurs», explique Mohamed Saïdi, chef du service de la chasse et de la cynégétique au HCEFLCD. Et de préciser que les étrangers peuvent également pratiquer la chasse au Maroc s'ils y résident, et ce, à travers un organisme de chasse touristique, société ou personne physique aggréée. Le Maroc compte environ 50.000 chasseurs nationaux et plus de 3.000 touristes cynégétes étrangers. La faune cyénégétique au plan national offre aux chasseurs une multitude de choix à commencer par la perdrix gambra. Cette espèce se classe en tête de liste des espèces sédentaires avec une moyenne nationale de prélèvement fluctuant de 2 à 2,5 perdreaux par chasseur et par journée. «Nous sommes en train d'élaborer, actuellement, le carnet du chasseur. Son but est de rappeller les documents, les accessoires, et les consignes nécessaires à la chasse, mais aussi de permettre aux chasseurs de dresser le bilan annuel de leur activité de chasse», souligne Mohamed Saidi. Grâce à ce carnet, les chasseurs sont aussi appelés à noter leurs observations. Cela peut concerner, par exemple, l'évolution d'une espèce ou sa rareté. Un moyen qui ramène le chasseur au but ultime de la responsabilisation. Chasseur et responsable A l'Association des amis pour le sport et la chasse, une carte de recensement permet d'ores et déjà à chacun des 39 adhérents de disposer de leur tableau de chasse individuel. Une avance à mettre sur le compte d'une longue expérience. «L'association opère dans le secteur depuis plus de quinze ans et, personnellement, je pratique la chasse depuis une trentaine d'années. J'ai sillonné toutes les régions du Maroc», confie fièrement Brahim Haddan. Originaire de Khémisset, il est, comme l'écrasante majorité des mordus, un chasseur de père en fils. «Mais, je ne sais pas si mon fils suivra!», plaisante-t-il. La bonne humeur règne. Les chasseurs terminent leur matinée de chasse, qui s'est tout de même prolongée jusqu'à 13h30, avec un lot satisfaisant de gibier. «Notre groupe contenait 6 chasseurs qui ont réussi à capturer 30 perdreaux», affirme le président de l'association. Mais les lièvres courent plus vite que les chasseurs qui n'ont réussi à attraper qu'un seul. Les chasseurs tenteront certainement de faire mieux la prochaine fois. «Vous irez chasser librement, dimanche prochain!», annonce Brahim Haddan. Pour des chasseurs comme Mohamed Louissi, 55ans, et Maâti Mesbahi, 56ans, attendre six jours nécessite une grande patience. «Je n'hésite pas à faire des déplacements un peu partout pour participer aux parties de chasse. J'ai été le champion de tire en 1983 et mon père, Cheikh R'ma, m'a appris à me passionner pour la chasse depuis ma tendre enfance», raconte Maâti Mesbahi. Et d'ajouter «Mon fils m'accompagne, lorsque son travail le lui permet». Une vingtaine d'années passées dans la chasse, Maâti Mesbahi ne sait toujours pas décrire ses émotions à la fin d'une partie de chasse : «Heureux, plein d'énergie, ressourcé… Je ne sais pas, c'est tout à la fois, je me sens comme sur un nuage de bonheur», confie-t-il avant de laisser son grand sourire témoigner de son euphorie. Mohamed Louissi, lui, a plus «la tête sur les épaules». Il enseigne à son fils une pratique dont il ne prendra certainement jamais la retraite : «Tant que ma santé me le permet, je ne louperai aucune saison de chasse. Je suis dans cette association depuis quinze ans et grâce à elle, j'ai aussi appris à gérer ma pratique, à mieux la respecter ». Ce qui impressionnent plusieurs chez Mohamed Louissi, c'est aussi le dressage de ses chiens. Ils suivent ses gestes et obéissent à ses ordres. «Ce qui est très important pour les chasseurs, ce sont les chiens. Je leurs conseille toujours d'en prendre soin, d'assurer un suivi chez un vétérinaire et de ne pas les délaisser jusqu'à la veille d'une partie de chasse», prévient Brahim Haddan. Dans la tente, la journée de chasse prend fin autour d'un déjeuner convivial. Ensuite, le butin est partagé à parts égales. Et dans le chemin du retour, les chasseurs sont interceptés par des équipes mixtes du HCEFLCD et de la Fédéraration royale marocaine de chasse qui effectuent le contrôle et évaluent le nombre de chasseurs et de gibiers. Les informations recueillies contribuent à dresser un état des lieux de la chasse pour chaque saison.