On entend, depuis plusieurs mois, des discours alarmistes sur la situation de notre balance des paiements laissant sous-entendre que le Maroc serait en faillite imminente. Nos réserves de changes représentent pourtant 8 mois d'importations et, à un rythme de croisière «normal», ces mêmes réserves nous permettraient de tenir au moins une quinzaine d'années sans soucis majeurs. Il est vrai qu'à un rythme de consommation de 30 milliards par trimestre, nos réserves ne tiendraient pas plus de 18 mois mais cette situation reste le reflet d'un double effet purement conjoncturel. Le premier effet est lié à la saisonnalité des recettes touristiques et des transferts des MRE qui ne sont pas à leur point culminant à cette période de l'année mais qui se redressent par rapport à 2009. Le second effet est directement lié au rachat effectif de parts importantes de Meditelecom par Finance.com et CDG auprès des investisseurs étrangers initiaux qu'ils soient espagnols et portugais. Ce désinvestissement est directement imputable à la crise financière qui a fortement touché ces deux pays et serait rapidement compensé par l'arrivée d'un nouveau partenaire dans le tour de table de l'opérateur. S'il fallait s'appuyer sur notre balance des paiements pour tirer des enseignements, le bloc le plus fragile de nos recettes en devises proviendrait des transferts des MRE et il représente un sixième des recettes en 2009 avec plus de 60 milliards de dirhams. S'il est vrai que les Marocains de l'étranger continuent de soutenir massivement leur pays, cette manne est appelée à se réduire mécaniquement à cause de l'écart générationnel grandissant et de la drastique diminution des nouveaux émigrants constatés ces dernières années. Le développement de notre pays attire déjà divers immigrants et cet effet s'accentuera fortement dans les prochaines années ; rien dès lors ne pouvant empêcher ces derniers de procéder à des transferts de fonds vers leurs pays d'origine. Le Maroc s'équipe et s'industrialise à grande vitesse et il serait irresponsable de maintenir l'équipement des ménages, celui de nos industries ou nos infrastructures à un niveau de sous-développement pour préserver une balance des paiements qui n'en a pas besoin. Les arbitrages du gouvernement que nous devinons destinés à «calmer» la consommation, notamment de produits importés, sont autant de freins à la création de richesse pérenne et autant de résignations augmentant le fossé entre les Marocains et le développement. Il faut encourager les industriels à bien s'équiper, que leurs produits soient destinés à la consommation locale ou à l'export. Les ménages doivent eux aussi avoir accès aux équipements nécessaires à la vie moderne afin d'être en phase avec le monde d'aujourd'hui pour participer à la construction du monde de demain. Notre pays se dote d'infrastructures modernes afin que le Maroc trouve sa place dans le système mondialisé des échanges de biens et de services. Si ses équipements sont destinés à attirer de nouveaux investisseurs et à créer des milliers d'emplois nécessaires à notre société, il est aujourd'hui évident que les échanges virtuels ont pris le dessus sur les échanges réels. Sur certains marchés, les échanges virtuels sont complètement déconnectés des transactions physiques y compris sur les marchés traitant des matières premières. Ces transactions font le bonheur des plus grandes places financières mondiales et génèrent une activité d'une ampleur telle qu'elle ferait apparaître nos plans sectoriels comme des nains sans ambitions. Ces transactions virtuelles attirent des capitaux et des investisseurs qui certes sont volatils mais quasi-inactifs dans notre pays quand ceux-ci brassent l'essentiel des ressources financières de la planète. Notre politique de change freine, malheureusement, toute velléité de participation à ces échanges. Le regard perpétuel porté sur notre balance des paiements est pénalisant à plus d'un titre pour notre pays. Si une gestion responsable de nos fondamentaux comme l'inflation, l'endettement et le déficit budgétaire sont salutaires, la politique de contrôle des devises est une anomalie héritée d'un autre siècle. Gageons que l'installation de la nouvelle place financière de Casablanca saura se défaire de cette anomalie car comme dit si bien Alexandre Ruperti «La résistance au changement n'est que le refus de la croissance».